Une vingtaine de responsables de médias ont été convoqués dans les locaux de la Direction de surveillance du territoire (Dst) pour se voir délivrer l’assignation de cessation de diffusion au Sénégal. Selon la Coordination des associations de presse, dans les prochaines heures, d’autres vont suivre parce que plus de 200, voire 300 médias devraient être concernés par la mesure. Une mesure ministérielle que dénonce la Cap qui enclenche la lutte contre cette mesure. La Cap s’organise pour mener le combat sur le terrain pour faire reculer la tutelle.
Le ministre de la Communication est devenu la risée des organisations de défense des droits et pour les libertés de presse et celles qui réunissent les professionnels des médias. La Coordination des associations de presse (Cap) constate, pour s’en émouvoir, les assauts répétés que le secteur des médias sénégalais subit depuis mai 2024. C’est son président, Ibrahima Lissa Faye, qui a pris la parole à l’occasion d’une conférence de presse pour dénoncer la publication de son arrêté du 22 avril 2025 – 011059 doublée d’une assignation de la Direction de surveillance du territoire (Dst) portant «cessation immédiate d’activité des entreprises de presse «jugées non conformes au Code de la presse». La Cap regrette une atteinte grave à la liberté de la presse et une dérive autoritaire inédite. «Ces agressions en série qui portent les empreintes du Gouvernement et de ses démembrements ont atteint un seuil culminant», dénonce-t-il avant de déballer son plan d’action de lutte. «Le ministre de la Communication assimilé au Conseil constitutionnel ou à la défunte Cour de répression de l’enrichissement Illicite (Crei) parce qu’il n’offre aucune possibilité de recours ou d’appel. Pour preuve, la plateforme de déclaration des médias au Sénégal est fermée depuis début février. Ce qui veut dire qu’il n’est plus possible, sous nos tropiques, de créer des médias parce que la plateforme sur laquelle on est censé s’enregistrer est hermétiquement fermée sans aucune information sur sa réouverture, malgré des courriers envoyés à la tutelle», déplore la Cap.
Sit-in devant le ministère de la Communication en vue
La coordination se démarque de cette tentative du gouvernement qui s’investit à assainir le monde de la presse. Ainsi, la Cap appelle tous les membres des différentes organisations à se mobiliser pour «faire face à ces multiples forfaitures. Un formulaire est lancé à partir d’aujourd’hui pour répertorier toutes les entreprises de presse déclarées non conformes, les accompagner avec des avocats. Tous les responsables des médias sont appelés à déposer individuellement, le même jour, un recours devant la Chambre administrative de la Cour suprême», lance Ibrahima Lissa Faye qui ajoute que la Cap a décidé d’initier une série de rencontres durant tout le mois de mai et ce, en synergie avec les organisations syndicales, le patronat, les organisations de défense des droits de l’homme, les membres de la société civile et d’autres identités remarquables de ce pays. Une série qui sera bouclée par un sit-in devant les locaux du ministère de la Communication.
La coordination manifeste à travers cette initiative sa déception. «L’État, censé garantir sa liberté et sa sécurité, la matraque, l’empêche de respirer et l’étouffe lentement par des mesures injustifiées (la circulaire du Premier ministre en mai 2024, qui a conduit à la rupture unilatérale des contrats avec des entreprises publiques et parapubliques)» et pis, ajoute-t-il, «depuis la nomination du ministre de la Communication, Alioune Sall, aucune concertation formelle sur les préoccupations ou conclusions des Assises nationales des médias, à part la réunion de prise de contact du samedi 25 mai 2024. En effet, le Fonds d'appui et développement de la presse (Fadp) est bloqué depuis l’année dernière», dénoncent Lissa Faye et Cie.
De même, «les cartes nationales de presse ne sont plus éditées depuis février 2024. Le Conseil national de régulation de l'audiovisuel (Cnra) est fragilisé par les actions du ministère et de la Tds. Le Cnra ne peut actuellement rien faire à cause de la non-installation de son organe délibérant. Il est même vidé de sa substance par la commission d’examen et de validation des entreprises de presse».
Avec le recul, la Cap a décelé des irrégularités sur la forme et le fond de la procédure enclenchée par la tutelle dans son initiative d’assainissement. Elle note que «les vices de forme et les violations de la loi ont fini d’hypothéquer le processus. Si tant est que celui-ci est bouclé jusqu’à ce que le ministre de la Communication saisisse la Dst et la Division spéciale de la cybercriminalité (Dsc), pourquoi un arrêté portant publication de la liste définitive des médias conformes au Code de la presse n’a toujours pas été pris ? Ce flou total orchestré par le ministère de tutelle a pour but d’imposer l’autocensure et de semer la panique dans toutes les rédactions», explique le président de la Cap qui fustige dans la foulée que «depuis la publication de cette deuxième liste, aucun des médias déclarés non conformes n’a reçu de notification sur les motifs de rejet. Par élégance républicaine et conformément aux rigueurs d’une Administration compétente et professionnelle, avant même la conférence de presse portant publication de la liste des médias reconnus, toutes les entreprises qui s’étaient inscrites sur la plateforme du ministère devraient recevoir une notification liée à leur conformité ou non», renseigne-t-il avec amertume.
Baye Modou SARR