
Après avoir levé son immunité parlementaire, l’Assemblée nationale a voté hier la mise en accusation de l’ancien ministre du Développement industriel et des Petites et moyennes industries. Moustapha Diop va devoir répondre devant la Haute Cour de justice de l’utilisation de la somme de 2 milliards 500 millions, dans le cadre de l’achat de masques durant la période de la Covid-19
Deux milliards cinq cents, une somme jugée dérisoire par Moustapha Diop lors de la levée de son immunité parlementaire, qu’il va devoir justifier devant la Haute Cour de justice. Le projet de résolution de sa mise en accusation a été voté hier par les députés.
Selon ledit projet de mise en accusation, le ministère du Développement industriel et des Petites et moyennes industries avait bénéficié d’un montant de 2 milliards 500 millions pour l’acquisition de masques. Ce montant avait été viré dans le compte N°422048 intitulé : Fonds d’appui à la promotion de Petites et moyennes entreprises, ouvert à la Trésorière générale puis, transféré dans un compte ouvert à la banque of Africa par ledit ministère.
Il a été aussi noté une violation de l’article 11 alinéa 2 de l’arrêté N°21136 du 21 novembre 2017 portant conditions d’ouverture, de fonctionnement et de clôture des comptes de dépôt. En plus de cela, souligne le rapport de la Cour des comptes, le ministre Moustapha Diop a nommé un gestionnaire dudit compte, portant le même nom que lui, seul ordonnateur des paiements et des décaissements. Ce dernier a en effet reconnu avoir retiré l’intégralité du montant par différents chèques libellés au nom de Mouhamadou Bamba Amar pour le paiement en espèces des fournisseurs en vue de l’acquisition de la commande de 6,259 millions de masques au mépris de l’article 104 du décret 2020-1978 du 23 avril 2020 portant règlement général sur la comptabilité publique qui exige un paiement par chèque ou par virement.
L’enquête a aussi révélé que le sieur Mouhamadou Bamba Amar qui se faisait passer pour un aide comptable, est en réalité mécanicien de profession, recruté comme chauffeur. Entendu par les enquêteurs, il confirmait avoir, sur instruction du ministre Moustapha Diop, procédé à plusieurs retraits de chèques à la Boa pour des montants compris entre 50 millions et 100 millions de francs Cfa, jusqu’à concurrence de de la somme de 2,5 milliards. Ce dernier a soutenu qu’après chaque retrait, il remettait la somme au gestionnaire du compte du ministre Moustapha Diop, toujours sur les instructions de ce dernier.
Au surplus, souligne le rapporteur, «il reconnaissait avoir personnellement effectué des paiements à l’époque où le gestionnaire était atteint de la Covid-19».
Interpellé sur ces transactions, le gestionnaire Moustapha Diop avouait n’avoir fait qu’exécuter les instructions de son ministre de tutelle en raison de l’urgence des opérations attendues. Dans la même dynamique, M. Adama Baye Racine Ndiaye, secrétaire général du ministère, confirmait que le choix des fournisseurs est effectué par le ministre Moustapha Diop, qui a ordonné au Dage d’établir les contrats à cet effet.
En outre, lors de l’exploitation des pièces justificatives, relatives à la gestion des masques, il est apparu, «un écart considérable entre le nombre de masques déclarés achetés et le nombre de ceux finalement attribués aux structures bénéficiaires». En effet, il est noté que la quantité acquise est de 6,250 millions de masque, alors que seuls 3,922 millions ont été distribués, soit une différence de 2,327 millions masques. «Entendue par les enquêteurs, la dame Mariéta Basse, fournisseur de son état, a déclaré avoir obtenu du ministre Moustapha Diop l’attribution d’un marché de 50.000 masques d’une valeur de 20 millions ; elle poursuit en déclarant avoir reçu le paiement intégral de ce montant en espèces des mains du ministre Moustapha Diop. Entendu à son tour, M. Ibrahima Macodou Fall a reconnu avoir exécuté une commande de fournitures de 250.000 masques pour un montant de 100 millions, reçu intégralement en espèces des mains du ministre Moustapha Diop».
Les enquêteurs ont découvert aussi que «les comptes courant et d’épargne du gestionnaire Moustapha Diop, ouverts dans les livres de la banque UBA ont bien connu des mouvements durant la période de la Covid-19 par des dépôts importants effectués essentiellement par les nommés Mouhamadou Seck et Fatima Dieng».
Considérant que les faits ci-dessus laissent apparaître des indices et des présomptions graves concordants «d’association de malfaiteurs de concussion, de corruption, de prise illégale d’intérêts, de faux et usage de faux en écriture privée de commerce ou de banque, de détournement de derniers publics, d’escroquerie portant sur des deniers publics, de blanchiment de capitaux et de complicité de ces chefs, contre Moustapha Diop». De tels faits, souligne la Commission des lois, méritent d’être portés devant la Haute Cour de justice.
Nd. Kh. D. F