Rendre hommage à nos ancêtres qui ont disparu dans des circonstances atroces et qui n’ont pas eu de sépultures. Voilà un des nobles objectifs du Mémorial de Gorée que des compatriotes et des intellectuels de divers horizons veulent ériger. D’ailleurs, le chef de l’Etat Macky Sall lors d’un récent conseil des ministres, a promis d’ériger ce monument. Face à la presse hier, Malick Kane, membre de la Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée, révèle son coût approximatif : 50 milliards de nos francs.
En conférence de presse, Malick Kane, membre de la Fondation mondiale pour le Mémorial et la sauvegarde de Gorée, accompagné de Lorenzo Pace, professeur à l’Université de Texas, est revenu en long et en large sur la signification de ce Mémorial. A l’en croire, on est dans le champ de la commémoration. C’est-à-dire qu’il y a des gens qui sont morts en mer, dans les champs ou dans des conditions atroces, qui n’ont pas eu de sépultures. Sur ce, explique-t-il, il faut que ces gens puissent avoir un lieu où on les commémore, où on se souvient d’eux. Sur l’importance du Mémorial, il s’explique : «notre organisation a fait des études très claires sur l’importance de la reconnexion et de la reconstruction culturelle, géostratégique, entre l’Afrique et les Amériques, qui exigeait la construction du Mémorial de Gorée comme crédo et préalable diplomatique pour le retour vers l’Afrique de ses Afro-descendants».
Sur le choix de ce Mémorial, Malick Kane a parlé de l’Ile de Gorée en face de laquelle sera édifié le monument, sur la Corniche ouest. «Il était important pour nous, quelque part en Afrique, à Dakar qui représenterait tout le continent africain, en face de l’Ile de Gorée, d’ériger ce monument. Ce lieu symbolique permettrait de raconter l’histoire de l’Afrique par l’Afrique, pour l’Afrique», explique Malick Kane.
Dans le Mémorial de Gorée, poursuit-il, il y aura un musée international de l’esclavage, «là où on va raconter notre histoire». Selon Malick Kane, après que Nantes a raconté son histoire de l’esclavage de manière française, comme Liverpool l’a fait en anglais et les Usa de manière américaine, avec ce musée, l’Afrique va raconter l’histoire de l’esclavage par l’Afrique et pour l’Afrique et le monde. «C’est cela cette rupture afro-génique, c’est-à-dire la continuité du Musée des civilisations noires. Nous allons nous consacrer à l’histoire de ces Africains déportés, des conditions de leur déportation et l’économie de la traite. Mais aussi et surtout, comme le veut notre professeur Pathé Diagne, de revenir sur la relation précolombienne, parce qu’on nous apprend que l’Amérique ‘’a été découverte par Christoph Colomb’’. Ce qui est faux», martèle Kane, qui précise que «nos anciens Lébous, Wolofs, Bambaras, Pulaars ont eu à naviguer vers les Amériques avant que Bakary 2 ne le fasse ainsi en 1312».
Sur les objectifs du Mémorial de Gorée, il déclare : «le premier, c’est de rappeler aux peuples africains de manière générale et au monde la tragédie de la traite négrière et de toutes les formes de traite. Mais aussi, aider le peuple à se réveiller et à se prendre en charge, puisqu’il existe toujours les séquelles du syndrome post-traumatique de l’esclavage».
Malick Kane révèle avoir réalisé un sondage édifiant auprès des jeunes écoliers pour leur parler de Gorée et de la traite. «Sur 100 jeunes questionnés, il n’y a que dix qui maitrisent 3, 4 questions. Donc, 90 ne connaissent pas où se trouve Gorée. Ils n’ont même pas été à Gorée. Allez à Kédougou, Matam…ou ailleurs, vous aurez les mêmes réponses. Il s’agira de leur enseigner l’histoire de la traite négrière qui est occultée. Donc, le Mémorial va enseigner l’histoire de la traite négrière à travers un curriculum bien précis», déclare-t-il. Et de poursuivre : «le deuxième niveau, c’est sur le plan économique. Car, nos frères de la diaspora, les Afro-descendants, ont hâte de revenir sur leur terre mère. Mais, il n’y a pas encore une plateforme moderne qui leur permettrait de traverser le pont pour revenir. Et le Mémorial leur tendra les bras sur le plan diplomatique et leur facilitera l’obtention même d’une double nationalité sénégalaise. Parce qu’il y a beaucoup d’Afro-Américains, d’Afro-Brésiliens etc. qui voudraient avoir la nationalité sénégalaise», a-t-il affirmé.
Toutefois, Malick Kane déplore les lourdeurs administratives les obligent vraiment à renoncer. Pour la réalisation de ce projet, dont le budget est estimé à 50 milliards (approximativement 80 millions de dollars), il salue l’initiative du chef de l’Etat Macky Sall, qui a émis l’idée de construire le Mémorial de Gorée lors de l’inauguration du Musée des civilisations noires, et lors du conseil des ministres du 12 décembre dernier.
Sur les retombées, Malick Kane avance le chiffre de 3 milliards par année qui seront engrangés comme recettes du Mémorial de Gorée. Le musée, dit-il, sera un moteur de la relance du secteur touristique au Sénégal. Outre le musée du Mémorial de Gorée, Malick Kane a précisé qu’un second musée sera édifié, à savoir celui de la navigation.
Fatou D. DIONE