
Après avoir acté la suppression du poste de Premier ministre en 2019, l’Assemblée nationale a, sur la demande du Président Macky Sall, entériné hiersa restauration en procédant à une révision de la constitutionpar procédure d’urgence.Pour les députés de l’opposition, cette saisine du Président Macky Sall est un aveu d’échec, mais pour la majorité, c’est un geste à saluer.
Le Président Macky Sall a le feu vert de l’Assemblée pour nommer un nouveau Premier ministre dès qu’il le souhaite. Leprojet de loi n°38/2021 portant Révision de la constitution a été validé, 30 mois après la suppression du poste.
Marie Sow Ndiaye : «Macky Sall, en 2019,a suppriméle poste de Premier ministre, parce qu’il se croyait tout permis»
Pour la députée libérale, l’histoire a beau bégayer, elle arrive toujours à la délivrance. «Je vous l’avais ditici en 2019 : vousallez peiner à développer ce projet de loi. Dans ce pays, on ne peut pas encore se passer d’un Premier ministre. Nous ne sommes pas une opposition qui nie tout le temps, au contraire, nous sommes trèsobjectifs», fait noter Marie Sow Ndiaye.Poursuivant, elle soutient qu’en 1960, quand Senghor a pris le pouvoir, il avait supprimé le conseil présidentiel, mais 7 ans après, il a compris que c’était nécessaire et il l’a ramené.«Macky Sall, en 2019, a voulu supprimer le poste de Premier ministre, parce qu’à cette période, il se croyait tout permis. Pensant qu’il est le dictateur qui avait son mot sur tout, les droitset libertésdes honnêtes citoyens. Mais maintenant qu’il a compris que ce n’était pas possible», dit Marie Sow Ndiaye, qui déclare se réjouir de la restauration du poste de Premier ministre parce qu’elle permetà l’Assemblée nationale de retrouver ses prérogatives.
Aida Mbodji : «c’est un manque de vision et une incapacité à anticiper»
Embouchant la même trompette que sa collègue de l’opposition, Aida Mbodji affirme que l’opposition a toujours dénoncé la non-pertinence et l’inopportunité de la suppression du poste de Premier ministre, car portant atteinte aux fondements de la démocratie au niveau du contrôle de l’action gouvernementale par l’Assemblée nationale. «Je me réfère à mon intervention lors de la suppression. Et, finalement, le constat est là. C’est un manque de vision et une incapacité à anticiper. D’ailleurs, les arguments de l’opposition sont repris dans l’exposé des motifs de ce présent projet de révision», fait remarquer l’ancien maire de Bambey.Pour cette dernière, le retour de ce poste de Premier ministre permet à l’Assemblée de recouvrer la plénitude de ses prérogatives liées au contrôle de l’action gouvernementale. Ainsi, elle ne ménagera aucun effort pour satisfaire les exigences qui découlent de la confiance que les citoyens leur ont accordée. «Je voterai le projet de loi parce que j’étais contre la suppression. Mais aussi parce que l’on me rendra tous mes droits, c’est-à-dire le contrôle et la surveillance du gouvernement».
Mamadou Lamine Diallo : «le problème,ce n’est pas la restauration du postede Premier ministre,mais la procédure d’urgence avec laquelle vous surprenez tout le monde»
Pour le leader de Tekki, le Sénégal ne peut pas être géré sans Premier ministre, donc le débat ne se trouve pas là. «Leproblème, c’est laprocédure d'urgence. Le Président Macky Salldit qu'il n'était pas pressé et qu'il allait nommer le Premier ministre après les élections locales ; donc pourquoi appliquer la procédure d'urgence ? Il y a des erreurs dans le texte que des députés ont signalées. Prenez le temps de les vérifier. Une constitution, c'est sérieux», tonne Mamadou Lamine Diallo.L’argument évoqué, la présidence del’Unionafricaine,ne tient pas la route, selon lui, parce qu’il le savait à l’avance. «MêmeAlpha Condé a été président de l'UA,alors arrêtez de nous tympaniser avec le soi-disant leadership du Président Macky Sall.Vous avez échoué parce queMacky Sall n’a ni la culture, ni le travail, ni l'expérience, ni la générosité dans l'action pour pouvoir gérer à la fois la Présidence, Benno BokkYakaar, Apr et aussi l'administration comme Premier ministre», dit-il.
Abdou Mbow : «si le Président avait peur de la cohabitation, il n’allait pas attendre à quelques mois des législatives pour faire revenir le poste de Pm»
Dans son intervention, le vice-président de l’Assemblée nationale, Abdou Mbow, est revenu sur la motivation de la restauration du poste de Premier ministre. «En 2019, le président de la République avait décidé de supprimer le poste de Premier ministre et en deux ans, on a vu les résultats. L’opposition avait dit en son temps que le président de la République avait peur de la cohabitation pour justifier la suppression du poste de Pm. Que nenni ! S’il avait peur de la cohabitation, il n’allait pas attendre à quelques mois des législatives pour le faire. Mes amis n’ont pas d’arguments et ne comprennent absolument rien de ce qu’ils disent. Ils sont dans le tâtonnement. Cette révision vient à son heure», a indiqué le député de la majorité. Aymérou Gningue abonde dans le même sens.Le président du groupe parlementaire Bby justifie le retour du poste de Pm par le leadership du Président Macky Sall. A l’en croire, le chef de l’Etat est sollicité de partout à travers le monde pour son leadership. «Tout le monde sollicite le Président Macky Sall pour éteindre les foyers de tension à travers le monde», dit-il, avant d’indiquer que l’Afrique aussi a besoin de Macky Sall.
Cheikh Mbacké Dolly : «ne nous servez pas le prétexte de l’Union africaine pour justifier la restauration du poste de Pm. La présidence de l’Union africaine est tournante…»
Encore une fois, le président du groupe parlementaire Liberté et Démocratiea déconstruit l’argumentaire de ses collègues de la majorité. «Ne nous servez pas le prétexte de l’Union africaine pour justifier la restauration du poste de Pm. Ça ne ressort pas du rapport. La présidence de l’Union africaine est tournante, c’est au tour du Sénégal de présider cette organisation. Il n’y a pas lieu à s’auto glorifier là-dessus», a précisé Serigne Cheikh Mbacké Dolly. Poursuivant, il rappelle que l’opposition avait alerté que le Président Macky Sall ne pourrait pas gouverner seul le pays. «L’histoire nous a donné raison. Il faut qu’il ait un Premier ministre pour l’assister. Si le Président a supprimé le poste de Pm, c’était pour éliminer ses dauphins politiques», ajoute le député libéral qui n’a pas manqué de s’attaquer au ministre de la Justice. «C’est dévalorisant de devoir à nouveau faire face aux députés pour défendre la suppression du poste de Pm, après avoir défendu le contraire il y a deux ans. Cet exercice doit être éprouvant. Malheureusement, vous êtes un subalterne qui exécute des ordres et c’est votre crédibilité qui en pâtit», dit-il.
Ndèye KhadyDIOUF
& Moussa CISS