A l’instar de ces présumés complices, Ibrahima Bâ alias Abou Khaled n’a pas reconnu les déclarations consignées dans le procès-verbal d’enquête, ni dans celui établi par le juge d’instruction. Le natif de la Guinée-Conakry soutient qu’il a certes été au Nigeria, mais pour approfondir ses études islamiques, comme le lui a suggéré son marabout Moussa Mbaye, qui est finalement mort en Libye dans les zones de conflits.
Cheikh Ibrahima Ba alias Abou Khaled est âgé de 24 ans. Il est célibataire sans enfant et étudie dans le daara de Moussa Mbaye. Comparaissant, hier, devant la Chambre criminelle de Dakar, il a contesté les chefs d’accusation. Ila été au Nigeria, mais pas pour faire le djihad. Cheikh Ibrahima Ba est revenu longuement sur les étapes de son voyage qui l’ont conduit dans le fief de Boko Haram. Dans sa narration des faits, l’accusé dit avoir été convaincu d’aller au Nigeria par son marabout Moussa Mbaye, qui a voulu qu’il renforce ses connaissances islamiques. A l’en croire, il avait pris le départ, avec son marabout, au garage de Pikine, à bord d’un véhicule 7 places pour se rendre à Kaolack, en compagnie de son coaccusé Ibrahima Ba. C’est Moussa Mbaye qui lui a donné 150.000 F pour les frais de voyage. En fait, ils n’étaient pas trois, mais plutôt quatre, car, ils avaient trouvé à la gare Abdou Aziz Dia, qui a été ainsi du voyage. Arrivés à Kaolack, ils ont retrouvé Ibrahima Diallo et Mouhamed Mballo. Ainsi, avec Ibrahima Diallo, Abdou Aziz Dia, Moussa Mbaye, Abou Zaar, Ibrahima Mballo et Omar Yaffa, ils ont fait le voyage ensemble. Ils se sont rendus à Bamako, ensuite au Burkina Faso, à Niamey, à Diffa avant d’arriver à Abadame. De là, ils sont partis à Fatkhul Mubin, chez le nommé Abou Amir qui avait accueilli certains d’entre eux ; les autres sont allés chez Malang Omar. Par la suite, il a rallié Sambissa sur conseil de son marabout Moussa Mbaye, qui estimait que Fatkhul Mubin n’était plus un lieu sûr. Mais, finalement, il en avait assez de ces déplacements et voulait rentrer au Sénégal, surtout qu’il s’est rendu compte qu’il ne pouvait plus étudier.
Sur interpellation du juge de la Chambre criminelle, l’accusé a précisé qu’il n’avait jamais fait de formation dans le maniement des armes.
Le juge l’interpelle sur ses déclarations devant le magistrat instructeur où il avait soutenu qu’il a été au Nigeria parce qu’à l’époque, il y avait des combats menés par les membres de Boko Haram ; certains disaient que c’était un djihad. Et donc, il est allé pour y voir clair. Mais, il y a eu aussi la polémique sur le «Takhfiir». Toutes ces choses n’étant pas claires dans sa tête, il a estimé utile de se rendre sur les lieux, au Nigeria, auprès de la secte Boko Haram pour voir si la charia était appliquée. Mais, cela semble être le fruit de l’imagination du juge d’instruction pour l’accusé, qui ne reconnait pas avoir tenu de tels propos.
Cette page tournée, le juge l’interroge sur leur retour au Sénégal. Devant les enquêteurs, Cheikh Ibrahima Ba aurait dit que Matar Diokhané avait intercédé en leur faveur auprès du chef de Boko Haram, Aboubacar Shekau, pour qu’il leur donne la permission de quitter les lieux et a obtenu l’accord de ce dernier. Ainsi, ils sont partis en laissant sur place leurs pièces d’identité, car c’était la condition posée par Shekau. Mais, sur ce point également, l’accusé a botté en touche jurant n’avoir jamais vu Matar Diokhané.
Il précise, par ailleurs, qu’après avoir quitté Handack, ils ont été interpellés à Zinder avec Oumar Yaffa, Ibrahima Mballo et Moussa Aw pour détention de faux billets, avant et envoyé en prison. Moussa Aw va y laisser sa vie à cause des difficiles conditions de détention. En fait, pour Cheikh Ibrahima Ba, il n’a fait que perdre son temps. Selon lui, il a été abusé par son marabout Moussa Mbaye qui l’a envoyé dans cette zone de combat. Son interrogatoire terminé, le juge a suspendu l’audience qui reprendra lundi, avec le passage de Matar Diokhané, qui sera suivi par Imam Ndao qui va boucler la boucle.
Fatou D. DIONE