
Nous en savons plus sur les quatre migrants tués début novembre 2024 lors d'une traversée de l'Atlantique. D’après la presse espagnole qui donne l’information, les conducteurs de la pirogue soupçonnaient les victimes d’être à l'origine d'une malédiction empêchant le canot d'avancer. Ces quatre hommes, désignés comme des "vampires" ou encore «sorciers» par les pilotes, ont été battus puis jetés à l'eau ligotés, alors que certains étaient encore vivants.
L’affaire du "cayuco 223 bis" avait défrayé la chronique au mois de novembre dernier. Dans la pirogue arrivée le 3 novembre 2024 sur l'île canarienne d'El Hierro avec 207 migrants à bord, quatre personnes ont été retrouvées mortes. D’après l'agence de presse espagnole Efe, qui s’est appuyée sur les documents de l'enquête judiciaire, le canot est parti de la Gambie le 28 octobre. Il fait escale sur l'île sénégalaise de Bassoul avant de prendre la mer en direction des Canaries, à plus de 1500 km de là. Plus de 200 migrants originaires de Guinée, du Sénégal, de Gambie, de Mauritanie et du Mali sont à bord. Au troisième jour de traversée, le 30 octobre exactement, la situation devient tendue dans le canot. En effet, les patrons de la pirogue semblent désorientés et font comprendre aux passagers que l'embarcation n'avance pas. Persuadés que ceci est une malédiction, les conducteurs du canot cherchent le responsable à bord, "le prétendu esprit qui entrave leur navigation", qu’ils ne vont pas tarder à désigner: un jeune Sénégalais de 23 ans, qui, par malchance, criait à tue-tête des mots incohérents.
L'homme est ligoté, humilié et battu avec des machettes en pleine nuit. Deux personnes, son frère et un ami d'enfance, tentent de prendre sa défense en expliquant aux bourreaux qu'il s'agit de "délires" d'un garçon épuisé, et non d'une malédiction. Mais ils sont à leur tour menottés et torturés.
Désigné comme un vampire par un «marabout» à bord, il sera battu et jeté en pleine mer
Un autre homme d'ethnie peulh subit le même sort. En effet, un homme à bord, se présentant comme un marabout, le désigne comme un autre "vampire". D’après les témoins qui se sont confiés à la presse espagnole, le Sénégalais âgé également de 23 ans sera étranglé et jeté à la mer. Tous quatre seront emmenés à l'arrière de la pirogue et sont poussés à l'eau, vivants et ligotés. Le 3 novembre, deux jours après l’incident, la pirogue arrive au port de la Restinga, à El Hierro, dans l'après-midi et comme d’habitude, les passagers sont immédiatement pris en charge par les autorités.
Choix ou contrainte, ce n’est que trois semaines plus tard que les passagers se décident à raconter leur mésaventure. Et c’est seulement quand deux émigrés sénégalais résidant en Espagne se rendent à Tenerife à la recherche d'un proche disparu, qui avait pris place dans le "cayuco 223 bis". Ils portent plainte et rapportent aux agents les témoignages des passagers sur les violences à bord de la pirogue. Une enquête est alors ouverte. Fin décembre, sept personnes, originaires du Sénégal, de Gambie et de Guinée-Bissau, sont interpellées à Las Raíces, le centre d’hébergement d’urgence de l’île de Tenerife, où ils séjournaient depuis leur arrivée.
Khadidjatou D. GAYE