La population de Khossanto peut désormais commencer à faire le deuil de leur fils Yamadou Sagna, qui avait perdu la vie au début de l’année 2017, après avoir reçu un coup mortel provenant de l’arme à feu d’un douanier. Cette affaire, qui a fait couler beaucoup d’encre et de salive et qui avait suscité le courroux de cette population du Sud du Sénégal, composée surtout d’orpailleurs, est dans sa dernière phase, puisque le Doyen des juges d’instruction vient de rendre son ordonnance de renvoi. C’est, en effet, le 15 janvier dernier, que le juge Samba Sall a rendu ladite ordonnance. Il s’agit précisément d’une ordonnance de non-lieu partielle, de disqualification et de renvoi devant une juridiction ordinaire à formation spéciale, habilitée à juger les douaniers.
Seul Maguette Sène sera traduit devant le juge du Tribunal militaire
En fait, le magistrat instructeur, qui avait inculpé deux soldats de l’économie, en l’occurrence Kosso Fall et Maguette Sène, au terme de son instruction et dans son ordonnance, a écarté le douanier Kosso Fall du dossier, pour ne poursuivre que son collègue Maguette Sène. Tous les deux ayant été inculpés au début de la procédure pour meurtre, seul, donc, Maguette Sène sera ainsi traduit devant le juge du Tribunal militaire. Le juge a, cependant, disqualifié les faits en coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner. C’est dire qu’il l’a échappé belle. Mais, en fait, dans son ordonnance rendue, le juge Samba Sall a seulement suivi le procureur de la République qui, dans son réquisitoire définitif, a demandé la disqualification des faits criminels ainsi que le non-lieu partiel.
Les douaniers nient les faits, Maguette Sène reconnait avoir tiré en l’air
Toujours est-il que, durant son instruction, le magistrat instructeur s’est aussi fondé sur les témoignages de certaines populations de Khossanto, notamment le chef de village de Bokhody ainsi que d’autres personnes qui étaient présentes sur les lieux au moment des faits. Selon le juge, en effet, «l’information a permis de disculper le sieur Kosso Fall puisque les témoins ont déclaré que l’auteur du coup de feu se trouvait sur la caisse du véhicule alors que lui était dans la cabine».
Le juge de rappeler que durant toute l’instruction et depuis l’enquête préliminaire, le douanier Kosso Fall a nié les faits. Par contre, pour ce qui concerne son collègue Maguette Sène, «il est avéré, selon le juge, que le 13 févier 2017, il a certes volontairement tiré un coup de feu et causé ainsi une blessure mortelle à Yamadou Sagna, sans viser quelqu’un de bien précis». Le magistrat instructeur d’ajouter, dans son ordonnance, que «cependant, le résultat a fortement dépassé son intention qui n’était pas de donner la mort, mais de se frayer un chemin au milieu de cette foule qui devenait de plus en plus hostile et résistait impétueusement à ses tirs de sommation». Ainsi, selon le doyen des juges d’instruction, les «simples dénégations» du douanier ne peuvent pas le disculper, «eu égard à la constance des faits». Ce qui a donc conduit au renvoi du soldat de l’économie devant le Tribunal militaire.
La victime avait levé la main pour demander aux douaniers de s’arrêter afin qu’il puisse simplement reprendre son engin, selon un témoin
Faut-il le noter, le chef de village de Bokhodi, Fadiala Cissokho, a été entendu par le magistrat instructeur et, dans sa déposition, il affirme avoir été informé que les populations de Dambala, qui est à 3 kilomètres de son village, avaient érigé un barrage pour empêcher les douaniers de passer, mais en vain, puisque ces derniers avaient franchi la barrière et se dirigeaient tout droit vers la population. El Hadji Dagnoko, un habitant de la localité et qui était sur le théâtre des évènements, a expliqué au juge qu’il s’était rapproché des douaniers qui avaient saisi un tri-cyclomoteur. Accompagné de la victime, Yamadou Sagna et Foulo Maccalou, ils voulaient négocier afin de récupérer leurs biens. Il a précisé que les soldats de l’économie traversaient le village de Dambala en tirant des coups de feu en l’air pour disperser la population. Cependant, Yamadou Sagna, qui était devant, a levé la main droite, faisant signe aux douaniers de s’arrêter. C’est alors qu’il a pris une balle venant du douanier qui se trouvait dans la caisse du véhicule. Il a retourné la victime qui était au sol, ignorant qu’elle avait déjà perdu la vie.
Le chef de brigade des douanes de Saraya, en l’occurrence Pape Massiré Guèye Thiam, a aussi été auditionné par le juge et il a affirmé que ses agents étaient bien de service ce jour-là. Tout compte fait, cette affaire va atterrir devant une juridiction spéciale, où seul le douanier Maguette Sène devra comparaître, malgré ses dénégations. Selon lui, ils avaient saisi quatre machines détectrices et deux motocyclettes et ils étaient poursuivis par la foule qui grossissait et qui voulait les encercler. Une foule dont certains détenaient des armes.
Alassane DRAME
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