Le bâtonnier Me Mamadou Seck allie la crédibilité de la justice à une volonté politique qui exclut toute immixtion des gouvernants dans le rendu de celle-ci. Crédibiliser la justice, c’est aussi, dit-il, replacer ses acteurs dans leurs véritables rôles avec comme base la conscience effective de la vertu de justice, de l’éthique professionnelle et du haut niveau d’excellence morale. Ainsi, à l'endroit des contrevenants, il prône la mise en place d’un système de contrôle et de sanctions pour enrayer un sentiment d’impunité des acteurs de la justice.
Venu prendre part à cette audience de Rentrée solennelle des Cours et Tribunaux, le bâtonnier de l’Ordre des avocats, Me Mamadou Seck a, d’emblée, indiqué que la justice est à la fois une vertu et une administration et qu’elle ne peut être crédible sans une politique cohérente de bonnes pratiques fondées sur ses principes et ses règles. «La crédibiliser c’est, d’abord, une volonté politique qui consacrera une conscience effective des gouvernants à refuser toute immixtion dans le rendu de la justice et à créer les conditions adéquates à l’égalité de tous les Sénégalais devant la loi. Il ne faut pas s’y méprendre, la justice est dans l’Etat mais subit l’Etat quand ce dernier n’a pas comme crédo de tout faire pour participer à asseoir et préserver son indépendance et créer les conditions matérielles de son exercice», affirme l’avocat. Ainsi, le bâtonnier rappelle au chef de l’Etat que «le peuple attend de lui que le pouvoir politique soit le vecteur et le garant d’une justice indépendante, rendue exclusivement au nom du peuple et dans le respect des lois. Crédibiliser la justice, c’est, ensuite, replacer ses acteurs (avocats, magistrats…) dans leurs véritables rôles avec comme base la conscience effective de la vertu de justice, de l’éthique professionnelle et du haut niveau d’excellence morale», indique Me Seck.
Les écarts de certains conduisent à douter de l’intégrité et de la dignité de tous
Sur le plan personnel, dit-il, les acteurs de la justice ont aussi un blason à redorer. «Il doit être rappelé aux acteurs de la justice que les plans de carrières, les relations politiques, les relations sociales, les rapports douteux entre eux, l’incompétence ou l’absence de conscience professionnelle, la corruption, ne doivent pas résister, un instant, au respect des exigences du serment prêté, pour une bonne qualité de la justice, la protection des intérêts de la société et celle de la démocratie», plaide l’avocat qui embraye : «il est impérieux de rendre au serment le respect et la sanction qui s’attachent à sa dimension morale et légale ainsi qu’à la confiance qu’il suggère auprès du citoyen et du justiciable dont les écarts de certains conduisent à douter de l’intégrité et de la dignité de tous», se désole de constater le bâtonnier, persuadé que la mise en place d’un système de contrôle et de sanctions des divers manquements perpétrés à tous les niveaux doit être de mise, pour enrayer un sentiment d’impunité des acteurs de la justice.
Le sentiment d’injustice naît du constat de l’impunité dont jouissent certains
A l’en croire, «le sentiment d’injustice naît du constat de l’impunité dont jouissent certains et qui peut être dû à la pudeur, à l’entre-soi ou au corporatisme par lesquels nos corps respectifs ‘’oublient’’ de sanctionner leurs membres, parfois à juste titre mais aussi, malheureusement et souvent, envers et contre les règles, les principes, les valeurs».
Un encours de 3 milliards pour l’assistance judiciaire
Poursuivant, le bâtonnier est revenu sur les conditions parfois difficiles d’exercice de sa mission au service d’une justice de qualité. «La dotation annuelle à l’assistance judiciaire d’un montant de 800 millions n’a pas été payée depuis plusieurs années, laissant subsister un encours de plus de trois milliards de francs Cfa», annonce le patron du barreau. Me Seck est aussi revenu longuement sur le Centre de formation professionnel des avocats et l’assistance judiciaire.
Confusion de rôles entre droit de grève et influences politiques
Me Mamadou Seck s’est aussi prononcé sur le thème retenu, notamment sous l'angle de l’influence des politiques. «Le droit de grève est reconnu au travailleur et au fonctionnaire. Ce droit est généralement exercé par des syndicats d’entreprise affiliés à des organisations nationales qui n’échappent pas toujours à l’influence des organismes politiques, dans lesquels leurs membres peuvent militer. Cette confusion de rôles peut cristalliser une revendication syndicale, notamment dans le secteur public, paralysant ainsi la continuité du service public. Ce qui n’est normalement pas le sens et la portée du droit de grève qui devient, dès lors, un facteur de trouble à l’ordre public plutôt que l’exercice d’un droit fondamental», a indiqué l’avocat qui poursuit : «les instruments juridiques et légaux sont des outils utiles ou des armes dangereuses selon les mains dans lesquelles elles se trouvent et seuls une éthique irréprochable et un sens élevé des responsabilités peuvent garantir le juste usage des droits ainsi que leur encadrement», fait remarquer Me Seck qui appelle à la recherche du juste équilibre dans la conciliation de l’exercice du droit de grève à la prévention du trouble à l’ordre public.
M. CISS