L’édition 2019 du Classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (Rsf) montre que, d’une manière générale, la haine des journalistes a dégénéré en violence. Au Sénégal, les choses semblent s’améliorer, même si, pour le classement de cette année, notre pays n’est classé que 7een Afrique subsaharienne.
Le Classement Rsf, qui évalue chaque année la situation du journalisme dans 180 pays et territoires, révèle le déclenchement d’une mécanique de la peur très préjudiciable à l’exercice serein du journalisme. «L’hostilité à l’encontre des journalistes, voire la haine relayée dans nombre de pays par des dirigeants politiques, a fini par susciter des passages à l’acte plus graves et plus fréquents, qui provoquent un accroissement des dangers et, de ce fait, un niveau de peur inédit dans certains endroits», commente le document.
«LA MECANIQUE DE LA PEUR»
«Si le débat politique glisse subrepticement ou manifestement vers une ambiance de guerre civile, où les journalistes font figure de victimes expiatoires, les modèles démocratiques sont en grand danger, explique Christophe Deloire, secrétaire général de Rsf. Enrayer cette mécanique de la peur est une urgence absolue pour les femmes et les hommes de bonne volonté, attachés aux libertés acquises au long de l’histoire».
Parcouru par «Les Échos», le Sénégal pointe à la 49e place dans ce Classement mondial 2019 de la liberté de la presse de l’Organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (Rsf), gagnant ainsi une place par rapport à l’année dernière. Le Sénégal était 50een 2018. «Le Sénégal arrive avec presque le même score que l’année dernière. La raison, c’est qu’il n’y a pas eu beaucoup de changements dans l’exercice de la profession», a indiqué à l’Aps le tout nouveau directeur du bureau Afrique de l’Ouest de Rsf, Assane Diagne. Qui s’exprimait en marge de la cérémonie organisée à Dakar pour la publication officielle par l’Ong du Classement mondial de la liberté de la presse. Une première en Afrique subsaharienne.
LA PIETRE PERFORMANCE DU SENEGAL
La piètre performance du Sénégal s’explique peut-être par l’absence de dépénalisation des délits de presse. À ce propos, Rsf rappelle que, considéré comme l’une des démocraties les plus stables du continent, le Sénégal dispose d’un paysage médiatique pluriel, et la Constitution de 2001 y garantit la liberté de l’information. «(Au Sénégal) les atteintes contre les journalistes se sont espacées ces dernières années, mais certains sujets restent tabous. Plusieurs médias ont été convoqués et intimidés pour avoir rapporté des faits de corruption. Les radios qui donnent la parole à des critiques du régime peuvent subir des pressions, tandis que les journalistes sont susceptibles d’être condamnés pour diffamation, mais les cas sont rares , indique Rsf. Et d’ajouter qu’après plusieurs années de discussion, l’adoption en juin 2017 d’un Code de la presse qui ne dépénalise pas les délits de presse et prévoit la saisie des supports de diffusion, la suspension ou la fermeture d’organe de presse en cas d’atteinte à la sécurité de l’Etat, a laissé un goût amer aux professionnels du secteur.
LA NAMIBIE, LE GHANA, LE BURKINA FASO… DEVANT LE SENEGAL
En Afrique subsaharienne,le Classement mondial 2019 de la liberté de la presse montre que les pays de la région n’échappent pas à la nouvelle dégradation mondiale de la liberté de la presse. Comme le fait savoir l’analyse du classement, qui note que la haine des journalistes, les attaques contre les reporters d’investigation, la censure, notamment sur internet et les réseaux sociaux, les pressions économiques et judiciaires contribuent à affaiblir la production d’une information libre, indépendante et de qualité sur un continent où la liberté de la presse a connu d’importantes évolutions en 2018.
Aussi rapporte le classement, les situations restent très contrastées entre la Namibie (23e), qui regagne sa première place en Afrique, le Burkina Faso (36e) ou le Sénégal (49e), qui bénéficient de paysages médiatiques parmi les plus pluralistes, et les trous noirs de l’information que sont l’Érythrée (178e) et Djibouti (173e), où aucun média indépendant n’est autorisé à travailler. Comme en 2017, 22 pays sur 48 sont classés en rouge (situation difficile) ou en noir (situation très grave) en Afrique subsaharienne.
Une situation contrastée du continent que semble confirmer la réduction continue du nombre de pays considérés comme sûrs, où les journalistes peuvent exercer leur métier en toute sécurité. Pendant ce temps, les régimes autoritaires renforcent leur emprise sur les médias, s’indigne Reporters sans frontière.
LE JOURNALISME D’INVESTIGATION TRAQUÉ
Autre motif d’insatisfaction pour le continent, la situation des journalistes d’investigation. En effet, selon le classement, l’enquête journalistique reste une pratique à haut risque en Afrique subsaharienne. «Loin des affres de la guerre civile qui ravage la Centrafrique et auxquelles les journalistes sont particulièrement exposés. Le Ghana (27e), premier pays africain de l’édition 2018, a perdu son leadership régional pour ne pas avoir protégé un groupe de reporters d’investigation qui faisaient l’objet de menaces, notamment de la part d’un député de la majorité, après la diffusion d’une enquête sur la corruption dans le football ghanéen. L’un des membres de l’équipe a été abattu en pleine rue par des inconnus en janvier 2019», s’indigne Rsf.
Sidy Djimby NDAO