C’est un diagnostic pas tout reluisant que la juriste Ramata Sall a fait de la situation des femmes sénégalaises, notamment celles qui sont victimes de violences conjugales. Évoquant la question du genre, des inégalités et surtout des violences faites aux femmes, la militante des droits des femmes a peint un tableau sombre de la société sénégalaise.
La militante des droits des femmes, répondant aux questions de «Alliance for Solidarity», une organisation de la société civile qui lutte contre les inégalités et pour la protection des droits de l'homme en Afrique, Ramata Sall a déploré les énormes pressions socioculturelles que subissent les femmes victimes de violences. «Si la femme est victime de violences conjugales, elle a peur de dénoncer, elle a peur d'être stigmatisée, de causer des problèmes à ses enfants. Parfois, même la médiation est nécessaire pour que le nom de la famille ne se salisse pas», a-t-elle déclaré, indiquant que les femmes qui ont le courage de parler sont également confrontées à d’énormes difficultés.
Pour ce qui est de la difficulté pour les femmes d'accéder aux instances de décision, la juriste a indexé l’aspect patriarcal de la société sénégalaise. «En Afrique, la société est dominée par le patriarcat. En effet, même le Code de la famille sénégalais stipule que le père est le chef de famille. Par conséquent, pour une femme, il est très difficile d'avoir un rôle de décision. Les hommes font obstacle aux femmes qui occupent des postes de responsabilité car ils ne les considèrent pas comme compétentes et pensent que les femmes ne peuvent pas diriger», dit-elle, ajoutant que dans cette optique, l'Association des juristes sénégalaises, dont elle est membre, a lancé des activités de renforcement des capacités et de formation en droits, plaidoyer, lobbying, communication, préparation de réunions, etc.
«Nous devons arracher nos droits»
«Autrement dit, des activités essentielles pour invalider l'argument du manque de compétences et donc assurer l'efficacité de la loi de la parité dans les conseils municipaux. Si la loi sur la parité s'applique, nous pourrions avoir des maires, mais les maires pensent que les femmes vont prendre leur place, ils ont peur», note-t-elle. Mais s’il en est ainsi, c’est que, estime la juriste, «les droits ne sont pas revendiqués, nous devons les arracher». Mais les choses changent et c’est parce que «les femmes sont conscientes de leur rôle dans la société et de leur implication. C'est aussi pourquoi il y a une diminution de certains types de violence».
Évoquant les défis les plus importants auxquels une femme leader doit faire face, Ramata Sall invite ses concitoyennes à refuser de baisser les bras malgré tout. «Nous devons faire face à la société, aux pressions socioculturelles. On dit souvent : "Vous êtes une femme, vous ne pouvez pas faire ça". Croyez en vous, menez votre propre combat et celui de vos pairs, luttez pour l'éradication de la violence basée sur le genre, engagez-vous. Et recherchez des synergies d'actions. Vous ne pouvez pas tout faire», conseille-t-elle.
Pour ce qui est des changements qui devraient être apportés pour mettre fin à la violence contre les femmes, la militante des droits des femmes indique qu’il faut une application effective des lois. «L'Ajs fait partie d'un comité de réforme de la loi du ministère de la Justice ayant pour objectif de soutenir l'Etat sénégalais, en renforçant l'incidence afin que l'Etat modifie les textes discriminatoires du Code de la famille, lui rappelant également ses engagements internationaux et sous-régionaux. Par exemple en ce qui concerne la question de l'avortement, le Sénégal a signé le Protocole de Maputo sans réserve, ce qui signifie que le pays intériorise le Protocole dans son cadre législatif et donc légalise l'avortement médicalisé en cas d'inceste et de viol», indique-t-elle.
Sidy Djimby NDAO