A 3 mois de sa sortie de prison, un de nos compatriotes condamné pour terrorisme a tenté d'attaquer le décret qui lui a retiré sa nationalité française. Seulement, il a été débouté de sa requête et sera expulsé du territoire français une fois qu'il aura purgé sa peine. Autre mauvaise nouvelle pour notre compatriote, c'est qu'il ne possède plus la nationalité sénégalaise.
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire additionnel, enregistrés les 26 février, 12 avril et 4 juin 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B. A. demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 26 décembre 2023 portant déchéance de sa nationalité française ; d'enjoindre que lui soit remis sa carte d'identité et son passeport restitués à l'administration à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
En fait, M. B. A. a été déchu de la nationalité après avoir été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris en date du 30 novembre 2017, pour ‘’association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme’’. Notre compatriote M. A. a acquis la nationalité française le 24 octobre 2007, mais malheureusement pour lui, il a été condamné par un jugement du tribunal de grande instance de Paris du 30 novembre 2017 à une peine de sept ans d'emprisonnement, assortie d'une période de sûreté de moitié, pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme, courant 2014 au 25 novembre 2014. Le décret contesté par les avocats de notre compatriote indique ensuite, après avoir relevé qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A. aurait perdu sa nationalité sénégalaise, ni par suite, que la déchéance de nationalité française aurait pour effet de le rendre apatride, que les conditions légales permettant de prononcer la déchéance de la nationalité française doivent être regardées comme réunies, sans qu'aucun élément relatif à la situation personnelle du requérant et aux circonstances de l'espèce justifie qu'il y soit fait obstacle.
En deuxième lieu, aux termes de l'article 19-3 du code civil : "est français l'enfant né en France lorsque l'un de ses parents au moins y est lui-même né." L'article 23 de la loi du 9 janvier 1973 complétant et modifiant le code de la nationalité française et relative à certaines dispositions concernant la nationalité française, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : "les articles 23 et 24 du code de la nationalité sont applicables à l'enfant né en France avant le 1er janvier 1994 d'un parent né sur le territoire qui avait, au moment de la naissance de ce parent, le statut de colonie ou de territoire d'outre-mer de la République française ".
En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A. est né de parents sénégalais. La seule circonstance qu'il ne disposerait pas de documents d'identité sénégalais et ne figurerait pas dans les registres de l'état civil du Sénégal ne permet pas d'établir qu'il ne possède pas la nationalité de ce pays. Par suite, le moyen tiré de ce que le décret attaqué l'a rendu apatride, en méconnaissance des dispositions précitées de l'article 25 du code civil et du droit de l'Union Européenne, doit être écarté selon le juge.
En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A. a été condamné aux peines mentionnées précédemment pour des faits qualifiés de participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme.
Son implication dans le groupe djihadiste de Jaysh Mohamed ou l'armée de Mohamed
Il ressort des constatations de fait auxquelles a procédé le juge pénal que M. A. est parti en Turquie le 27 février 2014 afin de rejoindre la Syrie et qu'il a activement participé aux combats dans les rangs du groupe djihadiste Jaysh Mohamed. Eu égard à la nature et à la gravité des faits commis par le requérant qui ont conduit à sa condamnation pénale, la sanction de déchéance de la nationalité française n'a pas revêtu, dans les circonstances de l'espèce, un caractère disproportionné, sans que le comportement de l'intéressé postérieur à ces faits ne permette de remettre en cause cette appréciation.
En dernier lieu, un décret portant déchéance de la nationalité française affecte un élément constitutif de l'identité de la personne concernée et est ainsi susceptible de porter atteinte au droit au respect de sa vie privée. Au cas présent, eu égard à la gravité des faits commis par le requérant et à l'ensemble des circonstances de l'espèce, le décret attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il résulte de tout ce qui précède que M. A. n'est pas fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret qu'il attaque.
Samba THIAM