La procédure judiciaire en cours ne vise pas à faire la lumière sur l’affaire (Petro-Tim-Aliou Sall) et punir les coupables, mais juste à conclure qu’il n’y a rien à redire sur les contrats incriminés et qui seraient réguliers. C’est la conviction de Thierno Alassane Sall qui a refusé de se prêter au jeu des enquêteurs, malgré qu’en tant qu’ancien ministre, il en sache un bon bout dans cette affaire. Brûlant l’enquête ordonnée par le procureur, le leader de la République des valeurs se dit prêt à y participer si «une procédure crédible, transparente et orientée vers la recherche de la vérité» est enclenchée. En particulier «une commission d'enquête parlementaire avec auditions publiques et diffusées par la presse».
Alors qu’à côté d’autres Sénégalais, il réclamait depuis deux ans l’ouverture d’une enquête judiciaire à l’effet de faire la lumière sur les scandales liés aux contrats pétroliers, en particulier ceux signés avec Petro-Tim en janvier 2012 et Total en mai 2017, Thierno Alassane Sall n’a pas foi pour autant à la procédure lancée par le procureur. Et s’il est resté sur sa faim, c’est parce que, explique-t-il, «la procédure en cours, imposée au gouvernement par les circonstances créées par le reportage de la Bbc, ne vise pas à faire la lumière sur l’affaire, rétablir le peuple souverain dans ses droits et punir les coupables, mais bien au contraire à conclure qu’il n’y a rien à redire sur les contrats qui seraient réguliers». D’autant que la procédure «suscite l’étonnement jusque dans les rangs de praticiens du droit». Et il en veut pour preuve la prise de position de la présidente de l’Ofnac, la magistrate et ancienne procureure Seynabou Ndiaye Diakhaté, qui n’avait pas caché son scepticisme quant à la décision de procéder par appel à témoins dans cette affaire.
Dès lors, Thierno Alassane Sall n’accorde aucun crédit à la volonté du maître des poursuites de faire jaillir la lumière sur cette affaire. Surtout que ce dossier est lourd d’innombrables pièces, comme le rapport de l’Inspection générale d’Etat, le rapport de l’Ofnac….
«On veut discréditer les personnes qui se battent pour faire jaillir la lumière»
Aussi s’étonne-t-il que le procureur regarde vers les personnes dont le seul tort est d’avoir réclamé la vérité dans cette affaire. «Pour l’essentiel, à l’exception du courtier (Aliou Sall) de ce groupuscule, la démarche est curieusement orientée vers les personnes qui se battent depuis des années pour faire jaillir la lumière», dit-il. Pour lui, l’objectif du patron du parquet est «de les discréditer et les mettre en mal avec les citoyens». C’est parce qu’il a débusqué ce jeu de dupes que Thierno Alassane Sall, qui a répondu à la convocation des enquêteurs par respect à l’Institution, a décidé de ne piper mot sur cette affaire, même s’il en sait un bon bout. «Pour avoir été ministre en des instants critiques, je suis sans doute une des personnes les mieux informées sur ce dossier. Pour autant, je refuse de m’associer à une démarche qui ressemble plus à un enterrement de première classe du dossier».
«Prêt à témoigner devant une commission d'enquête parlementaire avec auditions publiques et diffusées par la presse»
Ayant signifié aux limiers de la Dic son «objection à la procédure» et son «refus» de s’y associer, l’ancien ministre note que ce n’est guère une fuite de responsabilité. En ce sens, il affirme : «pour avoir refusé d’approuver la transaction entre Timis et BP d’une part et de signer les contrats avec Total d’autre part, puis en avoir immédiatement tiré les conséquences en démissionnant du poste de ministre de l’énergie, j’ai, à suffisance, prouvé que je sais prendre mes responsabilités». Et il est prêt à les prendre encore, «si une procédure crédible, transparente et orientée vers la recherche de la vérité devait être engagée». Cela, en y participant «avec bonheur et totale disponibilité». Mieux, il se dit «prêt à témoigner devant une commission d'enquête parlementaire avec auditions publiques et diffusées par la presse».
«L’issue de cette affaire déterminera si notre pays, le Sénégal, continuera à fournir des ressources stratégiques contre des sucettes»
Thierno Alassane Sall de faire comprendre que «cette affaire n’est pas un bras de fer entre une poignée d’opposants aigris et un pouvoir légitimement reconduit après des élections». Pour lui, la mobilisation de tous, autour de cette affaire, est si cruciale que «son issue déterminera si notre pays continuera à fournir des ressources stratégiques contre des sucettes». Et mieux, «elle dira si oui ou non, nous sommes encore une colonie ou si nous sommes un pays souverain, pouvant disposer de ses richesses au bénéfice de ses populations».
Mbaye THIANDOUM