Celle qui assumait de "mentir pour protéger le président" va désormais s'employer à défendre l'action du gouvernement.
POLITIQUE - Du président au gouvernement. Sibeth Ndiaye, proche collaboratrice d'Emmanuel Macron depuis son passage à Bercy, a été nommée porte-parole du gouvernement ce dimanche 31 mars. Après le départ de Benjamin Griveaux pour les municipales parisiennes, le chef de l'État place ainsi un des derniers membres de sa garde rapprochée à ce poste clef. Mais pas forcément le plus consensuel.
Révélée aux yeux du grand public par le documentaire de Yann L'Hénoret "Emmanuel Macron, les coulisses d'une victoire", diffusé le lendemain du second tour de la présidentielle, cette pro de la communication a pu susciter quelques crispations depuis son installation à l'Élysée. Issue du courant socialiste strauss-kahnien de 2006, comme nombre de marcheurs de la première heure dont Benjamin Griveaux et Stanislas Guérini, cette franco-sénégalaise de 39 ans était devenue conseillère presse pour les affaires nationales auprès de Sylvain Fort, chargé des discours puis de la communication du Château, un autre très proche du président qui a récemment quitté ses fonctions.
Saluée pour sa pugnacité et sa capacité a défendre le président de la République contre vents et marées, Sibeth Ndiaye s'est notamment employée à verrouiller la communication de l'Elysée. Quitte à user de méthodes jugées parfois brutales et qui transparaissaient déjà à travers le documentaire sur la course à la présidence.
Des méthodes musclées
Dans ce film, celle qui apparaît comme une des pierres angulaires de la victoire d'Emmanuel Macron n'hésite pas à faire pression sur la presse quand un article ou une publication lui déplaît. "Faites votre boulot les gars aussi. Non mais là, ça me saoule. Franchement, là, je suis saoulée. C'est pas du travail de journaliste, c'est du travail de sagouin!", lance-t-elle notamment auprès d'un journaliste des Inrocks. Son collègue de l'époque Sylvain Fort usant peu ou prou des mêmes méthodes pour le moins directes, aurait par exemple appelé le présentateur de l'émission "Quotidien" Yann Barthès pour le traiter de "gros connard", injures que l'intéressé dément avoir prononcées.
Une fois à la présidence, le tandem applique la même recette et s'efforce de tenir la presse relativement éloignée du chef de l'État, après un quinquennat marqué par l'hyper-communication médiatique de François Hollande. Le déménagement de la salle de presse historique du Château à distance de la cour de l'Elysée, vivement dénoncée par la presse accréditée, s'est révélé un symbole implacable de cette nouvelle doctrine.
Sibeth Ndiaye ira même jusqu'à déclarer à L'Express "assumer parfaitement de mentir pour protéger le président. Et de poursuivre un peu après : "nous appelons les médias quotidiennement quand on a des divergences d'interprétation." Une façon de s'immiscer dans le travail de la presse qui a suscité des critiques jusque dans l'opposition. Celle-ci ne s'est d'ailleurs pas gênée de pointer du doigt le palmarès de l'ancienne conseillère sitôt sa nomination dévoilée.
Survivante de la garde rapprochée de Macron
Mais c'est pour un autre épisode que la désormais porte-parole du gouvernement a fait le plus parler d'elle. Selon le Canard enchaîné, Sibeth Ndiaye aurait écrit au sujet de la mort de Simone Veil en juin 2017: "yes la meuf est dead." Des mots qui ont immédiatement provoqué la consternation de plusieurs responsables politiques et des réseaux sociaux. Une autre casserole qui refait surface en ce jour de remaniement.
Et la conseillère presse d'Emmanuel Macron a beau avoir apporté un démenti catégorique, arguant que ce SMS était "totalement faux", elle traîne cette anecdote comme un boulet. Conséquence directe ou non, le président de la République décidera à l'issue de cet été délicat pour sa côte de popularité de renforcer le pôle communication du Château en nommant Bruno Roger-Petit porte-parole. L'ancien journaliste ne résistera pas à l'affaire Benalla et deviendra par ailleurs conseiller mémoire du président.
Mais c'est au compte Twitter personnel de Sibeth Ndiaye qu'on doit l'une des séquences les plus désastreuses pour l'image du président de la République. La conseillère presse n'avait, en effet, pas hésité en juin 2018 à publier une vidéo dans lequel le président de la République lançait à ses conseillers: "On met un pognon dingue et les pauvres restent pauvres." Une séquence tournée juste avant le 42e congrès de la Mutualité qui a contribué à forger l'image d'un président hautain dépourvu d'empathie.
Mais un an et demi plus tard, c'est bien elle qui bénéficie d'une promotion en entrant réellement sur le devant de la scène. La récompense d'une loyauté à toute épreuve pour cette ancienne socialiste, qui oeuvra notamment aux côtés d'Arnaud Montebourg avant de rejoindre l'aventure En Marche!. Celle qui fait figure de survivante de la première garde rapprochée d'Emmanuel Macron, après les départs de Sylvain Fort, Ismaël Emelien ou Stéphane Séjourné, va désormais s'attacher à défendre dans la lumière l'action du gouvernement et donc du président de la République.
Elle devra entre autres se livrer au traditionnel compte-rendu du Conseil des ministres. Avancé à lundi, celui-ci promet d'être électrique.