Ses rapports suscitent toujours la colère des autorités sénégalaises. Mais Human Rights Watch semble n’avoir rien à faire de la colère d’un gouvernement dont les efforts dans le cadre de la lutte contre la mendicité des enfants sont «très insuffisants». Alors hier l’Ong internationale basée à New York aux États-Unis a, une nouvelle fois, indexé le pays à travers un nouveau rapport intitulé : «La place de ces enfants n’est pas dans la rue : Une feuille de route pour mettre fin à la maltraitance des talibés au Sénégal».
Dans ce rapport, Human Rights Watch accuse directement le gouvernement du Sénégal de laxisme vis-à-vis de la situation des enfants de la rue. «Le gouvernement sénégalais n'a pas été assez loin pour lutter contre les abus, l'exploitation et la négligence chroniques et généralisés dont sont victimes des milliers d'enfants talibés vivant dans les écoles coraniques traditionnelles», lit-on sur le document de 91 pages. Pour l’élaboration de ce rapport conjointement publié avec la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (Ppdh), une coalition sénégalaise d’organisations de défense des droits humains, trois régions ont été visitées : Saint-Louis, Louga, Coki, Touba, Mbacké, Diourbel, Dakar, Parcelles Assainies, Pikine, Guédiawaye.
Abus, négligences et traite
Human Rights Watch a signalé de graves abus commis contre des enfants talibés depuis 2009. Ainsi, l’Ong rappelle qu’un rapport de juin 2019 a documenté de dizaines d'abus commis en 2017 et 2018 par des maîtres coraniques ou leurs assistants dans huit des 14 régions administratives du Sénégal. Parmi ceux-ci figuraient 16 décès de talibés dus à des abus ou à de la négligence, ainsi que des dizaines de cas de passages à tabac, d'abus sexuels et d'enfants enchaînés ou emprisonnés dans des daaras. Au cours des recherches menées en 2018 et 2019, Human Rights Watch et la Ppdh se sont rendus dans quatre régions du Sénégal, ont visité 22 daaras et 13 centres d'accueil pour enfants, et ont interrogé plus de 150 personnes, dont des enfants talibés, des maîtres coraniques, des travailleurs sociaux, des spécialistes de la protection de l'enfance, des agents de la police, des fonctionnaires de justice, et des représentants du gouvernement et de l’Onu, entre autres.
Insuffisance des efforts du gouvernement
Pour ce qui des efforts du gouvernement sur la question, Human Rights Watch les juge encore «très insuffisants». «Si le gouvernement sénégalais s’est efforcé d’élargir ses interventions de protection de l’enfance ces dernières années, les incohérences dans les programmes et la portée limitée de la justice n’ont pas permis de protéger les talibés des abus et de prévenir la mendicité forcée des enfants à plus grande échelle. Entre 2017 et 2019, les autorités ont lancé la deuxième phase du programme visant à ‘’retirer les enfants de la rue’’ à Dakar et ont annoncé des plans pour une troisième phase. Elles ont fourni une assistance sociale à certains daaras et talibés, et ont construit plusieurs ‘’daaras modernes’’ publics. Le tant attendu projet de loi portant statut du daara, rédigé pour la première fois en 2013 et soumis à des années de révision, a finalement été adopté en juin 2018 par le Conseil des ministres. Mais au moment de la rédaction du présent rapport, il n'avait pas encore été soumis au vote à l'Assemblée nationale», déplore HRW, indiquant qu’un certain nombre d'autres difficultés ont compromis les efforts déployés pour lutter contre la mendicité des enfants, réglementer les daaras, protéger les enfants talibés des abus et garantir la justice.
Services de protection de l'enfance sous-financés
L'autre grief soulevé par le rapport, c’est l’absence de services adéquats de protection de l'enfance. Ces services, selon le rapport, étaient censés soustraire les enfants à des situations de violence, fournir des soins et un abri, et signaler des cas de maltraitance à la police ou au procureur. Aussi, le rapport montre à quel point les services de protection de l'enfance au Sénégal manquent cruellement de ressources et sont souvent submergés par les talibés fugueurs ou les victimes d'abus. «Aucune unité de police spéciale pour la protection de l'enfance n'existe en dehors de Dakar, et les Comités départementaux de protection de l’enfant (Cdpe) luttent avec des ressources limitées. Les agences régionales de l’Action éducative en milieu ouvert (Aemo) – une agence de services sociaux et d’aide juridique relevant du ministère de la Justice – ne comptent souvent que trois ou quatre personnes, dont certaines ne disposent pas de véhicule de travail, et n’ont que des ressources limitées pour atteindre les enfants victimes d'abus. Les centres d’accueil pour enfants existants ont une capacité limitée et seules trois des 14 régions du Sénégal disposent de centres d’accueil d’urgence pour enfants gérés par l’État», déplore le document qui poursuit que «même si les centres non gouvernementaux tentent de combler les lacunes dans diverses régions, les installations existantes sont loin d’être suffisantes pour répondre aux besoins».
5 mesures pour assurer un changement durable aux talibés
Terminant par des recommandations, Human Rights Watch estime que pour protéger les enfants talibés des abus, le gouvernement sénégalais devrait intensifier et améliorer le programme de retrait des enfants de la rue, consolider les capacités des services de protection de l'enfance, renforcer les mesures préventives et punitives prises contre le trafic d'enfants talibés, et donner la priorité à la justice pour les violations commises contre les talibés.
«Les efforts déployés par les communautés et les gouvernements locaux pour lutter contre la mendicité des enfants et réglementer les daaras devraient être appuyés par le gouvernement sénégalais et étendus à l’ensemble du pays. Le gouvernement devrait également envisager de mener des campagnes nationales de communication afin de sensibiliser le public aux risques auxquels sont exposés les enfants talibés, aux lois et sanctions en vigueur, et aux pouvoirs des autorités administratives (maires ou préfets) de réglementer les daaras relevant de leur compétence», conseille HRW.
Cela passe par un certain nombre de décisions que l’Etat du Sénégal devrait prendre. Il s’agit d’améliorer et d’intensifier les programmes ciblant la mendicité des enfants, règlementer et soutenir les daaras existants, développer les services de protection de l’enfance, lutter contre la traitre et le trafic des enfants talibés, mais également donner la priorité à la justice pour les abus commis contre les talibés.
Sidy Djimby NDAO
Dans ce rapport, Human Rights Watch accuse directement le gouvernement du Sénégal de laxisme vis-à-vis de la situation des enfants de la rue. «Le gouvernement sénégalais n'a pas été assez loin pour lutter contre les abus, l'exploitation et la négligence chroniques et généralisés dont sont victimes des milliers d'enfants talibés vivant dans les écoles coraniques traditionnelles», lit-on sur le document de 91 pages. Pour l’élaboration de ce rapport conjointement publié avec la Plateforme pour la promotion et la protection des droits humains (Ppdh), une coalition sénégalaise d’organisations de défense des droits humains, trois régions ont été visitées : Saint-Louis, Louga, Coki, Touba, Mbacké, Diourbel, Dakar, Parcelles Assainies, Pikine, Guédiawaye.
Abus, négligences et traite
Human Rights Watch a signalé de graves abus commis contre des enfants talibés depuis 2009. Ainsi, l’Ong rappelle qu’un rapport de juin 2019 a documenté de dizaines d'abus commis en 2017 et 2018 par des maîtres coraniques ou leurs assistants dans huit des 14 régions administratives du Sénégal. Parmi ceux-ci figuraient 16 décès de talibés dus à des abus ou à de la négligence, ainsi que des dizaines de cas de passages à tabac, d'abus sexuels et d'enfants enchaînés ou emprisonnés dans des daaras. Au cours des recherches menées en 2018 et 2019, Human Rights Watch et la Ppdh se sont rendus dans quatre régions du Sénégal, ont visité 22 daaras et 13 centres d'accueil pour enfants, et ont interrogé plus de 150 personnes, dont des enfants talibés, des maîtres coraniques, des travailleurs sociaux, des spécialistes de la protection de l'enfance, des agents de la police, des fonctionnaires de justice, et des représentants du gouvernement et de l’Onu, entre autres.
Insuffisance des efforts du gouvernement
Pour ce qui des efforts du gouvernement sur la question, Human Rights Watch les juge encore «très insuffisants». «Si le gouvernement sénégalais s’est efforcé d’élargir ses interventions de protection de l’enfance ces dernières années, les incohérences dans les programmes et la portée limitée de la justice n’ont pas permis de protéger les talibés des abus et de prévenir la mendicité forcée des enfants à plus grande échelle. Entre 2017 et 2019, les autorités ont lancé la deuxième phase du programme visant à ‘’retirer les enfants de la rue’’ à Dakar et ont annoncé des plans pour une troisième phase. Elles ont fourni une assistance sociale à certains daaras et talibés, et ont construit plusieurs ‘’daaras modernes’’ publics. Le tant attendu projet de loi portant statut du daara, rédigé pour la première fois en 2013 et soumis à des années de révision, a finalement été adopté en juin 2018 par le Conseil des ministres. Mais au moment de la rédaction du présent rapport, il n'avait pas encore été soumis au vote à l'Assemblée nationale», déplore HRW, indiquant qu’un certain nombre d'autres difficultés ont compromis les efforts déployés pour lutter contre la mendicité des enfants, réglementer les daaras, protéger les enfants talibés des abus et garantir la justice.
Services de protection de l'enfance sous-financés
L'autre grief soulevé par le rapport, c’est l’absence de services adéquats de protection de l'enfance. Ces services, selon le rapport, étaient censés soustraire les enfants à des situations de violence, fournir des soins et un abri, et signaler des cas de maltraitance à la police ou au procureur. Aussi, le rapport montre à quel point les services de protection de l'enfance au Sénégal manquent cruellement de ressources et sont souvent submergés par les talibés fugueurs ou les victimes d'abus. «Aucune unité de police spéciale pour la protection de l'enfance n'existe en dehors de Dakar, et les Comités départementaux de protection de l’enfant (Cdpe) luttent avec des ressources limitées. Les agences régionales de l’Action éducative en milieu ouvert (Aemo) – une agence de services sociaux et d’aide juridique relevant du ministère de la Justice – ne comptent souvent que trois ou quatre personnes, dont certaines ne disposent pas de véhicule de travail, et n’ont que des ressources limitées pour atteindre les enfants victimes d'abus. Les centres d’accueil pour enfants existants ont une capacité limitée et seules trois des 14 régions du Sénégal disposent de centres d’accueil d’urgence pour enfants gérés par l’État», déplore le document qui poursuit que «même si les centres non gouvernementaux tentent de combler les lacunes dans diverses régions, les installations existantes sont loin d’être suffisantes pour répondre aux besoins».
5 mesures pour assurer un changement durable aux talibés
Terminant par des recommandations, Human Rights Watch estime que pour protéger les enfants talibés des abus, le gouvernement sénégalais devrait intensifier et améliorer le programme de retrait des enfants de la rue, consolider les capacités des services de protection de l'enfance, renforcer les mesures préventives et punitives prises contre le trafic d'enfants talibés, et donner la priorité à la justice pour les violations commises contre les talibés.
«Les efforts déployés par les communautés et les gouvernements locaux pour lutter contre la mendicité des enfants et réglementer les daaras devraient être appuyés par le gouvernement sénégalais et étendus à l’ensemble du pays. Le gouvernement devrait également envisager de mener des campagnes nationales de communication afin de sensibiliser le public aux risques auxquels sont exposés les enfants talibés, aux lois et sanctions en vigueur, et aux pouvoirs des autorités administratives (maires ou préfets) de réglementer les daaras relevant de leur compétence», conseille HRW.
Cela passe par un certain nombre de décisions que l’Etat du Sénégal devrait prendre. Il s’agit d’améliorer et d’intensifier les programmes ciblant la mendicité des enfants, règlementer et soutenir les daaras existants, développer les services de protection de l’enfance, lutter contre la traitre et le trafic des enfants talibés, mais également donner la priorité à la justice pour les abus commis contre les talibés.
Sidy Djimby NDAO