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RAPPORT ANNUEL DU DÉPARTEMENT D'ÉTAT AMERICAIN: Washington épingle le Sénégal sur des violations



RAPPORT ANNUEL DU DÉPARTEMENT D'ÉTAT AMERICAIN: Washington épingle le Sénégal sur des violations
 
 
L’Amérique va-t-elle renouer avec l’interventionnisme après les années Trump plutôt marquées par le laisser-faire au prétexte d’un recentrement des priorités sur le combat économique : le «America First» ? Hier, rendant public le rapport annuel (2020) du département d’État sur les droits de l’homme, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, a déploré une situation des droits humains qui «continue d'aller dans la mauvaise direction», mais a promis de les défendre «partout» dans le monde, y compris chez les «partenaires» des États-Unis. Pour le Sénégal, Washington dénonce plusieurs violations des droits l’homme qu’il impute à l’État ou à ses agents. Il est également reproché à Dakar de manquements au respect de l'intégrité de la personne, notamment avec la «privation arbitraire de la vie et autres meurtres illégaux ou à motivation politique». Alors que le Division des investigations criminelles (Dic) aurait échoué à lutter contre l'impunité ou la corruption sur les abus de la police.
 
 
 
Très attendu par la communauté internationale, le rapport annuel du département d’État sur les droits de l’homme permet d’examiner les situations relatives à la liberté d’expression, à la liberté de religion et à bien d’autres aspects fondamentaux dans le monde. Chaque année, plus d’un million de personnes consultent ce rapport et ses documents annexes. Ce qui en fait et de loin la publication du département d’État américain la plus lue, mais également la plus crainte, notamment par les États. L’édition 2020 était très attendue, car il s’agit du premier rapport publié sous le mandat du Président Joe Biden et de son secrétaire d’État Antony Blinken. Ce dernier a levé le voile sur son contenu, lors d’une conférence de presse organisée hier mardi 30 mars à Washington.
Depuis son arrivée au pouvoir en janvier, le gouvernement démocrate montre qu'il plaçait vraiment les droits humains au cœur de sa diplomatie, n'hésitant pas à dénoncer plusieurs décisions d'un pays allié comme la Turquie. Comme chaque année, le rapport annuel sur les droits humains énumère aussi des dérives chez d'autres partenaires-clés de Washington comme l'Égypte, l'Inde ou l'Arabie Saoudite.
 
 
Les cas du conducteur de motocyclette à Fatick et du détenu de la prison de Diourbel
 
 
En ce qui concerne le Sénégal, il faut dire que le rapport n’a pas été tendre avec Dakar. Washington dénonce en effet plusieurs violations des droits l’homme qu’il impute à l’État ou à ses agents. Mais également des manquements en ce qui concerne le respect de l'intégrité de la personne, le rapport annuel du département d’État parle de «privation arbitraire de la vie et autres meurtres illégaux ou à motivation politique».
«Il y a eu au moins deux rapports selon lesquels le gouvernement ou ses agents auraient commis des meurtres arbitraires ou illégaux. Le 11 mars, les autorités ont inculpé trois policiers pour la mort d'un conducteur de motocyclette à Fatick. L'homme aurait transporté des drogues illicites lorsqu'il a été arrêté par la police. Après son arrestation, les policiers auraient emmené l'homme à la plage où ils l'ont battu à mort», révèle le document. Poursuivant, le rapport d’indiquer que «le 2 mai, un détenu de la prison de Diourbel est décédé des suites de graves blessures». «Trois policiers et un agent de sécurité et de sensibilisation communautaire du poste de police de Mbacké l'auraient battu. Les autorités ont accusé les auteurs présumés de sa mort», révèle encore les services d’Antony Blinken qui indiquent : «aucun cas de disparition par ou pour le compte des autorités gouvernementales n’a été signalé».
 
 
Recours excessif à la force, traitements cruels et dégradants dans les prisons et les centres de détention
 
Sur la question de la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, le rapport, après avoir rappelé que la constitution et la loi interdisent de telles pratiques, note que des organisations de défense des droits de l'homme ont relevé des exemples de violences physiques commises par les autorités, notamment un recours excessif à la force ainsi que des traitements cruels et dégradants dans les prisons et les centres de détention. «En particulier, ils ont critiqué les méthodes de fouille à nu et d'interrogatoire. La police aurait forcé les détenus à dormir sur des sols nus, leur aurait dirigé des lumières vives, les aurait battus avec des matraques et les aurait gardés dans des cellules avec un accès minimal à l'air frais. Les enquêtes, cependant, ont souvent été excessivement prolongées et ont rarement abouti à des accusations ou des mises en accusation», regrette Washington, assurant que «l'impunité pour de tels actes est un problème majeur».
 
 
Mission des Nations-Unies en Haïti : enquête sur une relation d'exploitation avec un adulte
 
 
L’année 2020 étant marquée par la pandémie de coronavirus, le rapport annuel du département d’État sur les droits de l’homme a noté des violations liées à celle-ci au Sénégal. «Le 24 mars, au cours de la première nuit d'un couvre-feu national lié au Covid-19, des vidéos ont montré des policiers matraquant des personnes en fuite. Dans un communiqué, la police s'est excusée pour interventions excessives et a promis de punir les agents impliqués», expose le document, qui ajoute que selon le portail en ligne «Conduite dans les missions des Nations-Unies sur le terrain», une allégation d'exploitation et d'abus sexuels par des soldats de la paix sénégalais déployés à la Mission des Nations-Unies pour la stabilisation en Haïti a été soumise en février, impliquant une relation d'exploitation avec un adulte. «Depuis septembre, le gouvernement sénégalais et les Nations-Unies enquêtaient sur cette allégation», renseigne le rapport.
Le rapport a également abordé la question des arrestations ou détentions arbitraires. À ce propos, le département d’État américain informe que le gouvernement ne disposait pas de mécanismes efficaces pour punir les abus et la corruption. «La Division des investigations criminelles (Dic) est chargée d'enquêter sur les abus de la police, mais n'a pas réussi à lutter contre l'impunité ou la corruption. Une loi d'amnistie couvre la police et les autres membres du personnel de sécurité impliqués dans des ‘’crimes politiques’’ commis entre 1983 et 2004, à l'exception des meurtres de ‘’sang-froid’’», note encore Washington.
 
 
 
Le pouvoir judiciaire est formellement indépendant, mais le Président contrôle les nominations au Conseil constitutionnel, à la Cour d'appel et au Conseil d'État
 
 
Plus loin dans le document, le département d’État américain indique que le pouvoir judiciaire est soumis à la corruption et à l'influence du gouvernement. «Les magistrats ont noté une charge de travail écrasante, le manque d'espace et d'équipement de bureau adéquats, et des transports inadéquats, et ils ont ouvertement remis en question l'engagement du gouvernement à l'égard de l'indépendance de la justice. Le pouvoir judiciaire est formellement indépendant, mais le Président contrôle les nominations au Conseil constitutionnel, à la Cour d'appel et au Conseil d'État. Les juges sont sujets aux pressions du gouvernement sur les affaires de corruption et autres affaires impliquant des hauts fonctionnaires», rapporte le rapport, rappelant qu’à plusieurs reprises, l'Union des magistrats du Sénégal se plaint de l'influence de l'exécutif sur le pouvoir judiciaire, en particulier de la présence du Président et du ministre de la justice au sein du Conseil supérieur de la magistrature.  Le rapport a également abordé la question des interférences arbitraires ou illégales dans la vie privée des citoyens. À ce propos, le rapport note que «le 1er juin, la police a arrêté le militant Assane Diouf après avoir enfoncé le portail de sa maison».
 
 
«Les fonctionnaires fréquemment livrés à des pratiques de corruption en toute impunité»
 
 
Sur la corruption et le manque de transparence au sein du gouvernement, les Américains regrettent : «les fonctionnaires se sont fréquemment livrés à des pratiques de corruption en toute impunité». Alors que pour ce qui concerne les enquêtes internationales et non gouvernementales sur les allégations d'atteintes aux droits de l'homme, le rapport indique que les représentants du gouvernement ont été quelque peu coopératifs, mais ont rarement pris des mesures pour répondre à leurs préoccupations.
 
 
Manque de crédibilité du Comité national des droits de l'homme
 
 
 
«Le Comité national des droits de l'homme du gouvernement comprenait des représentants du gouvernement, des groupes de la société civile et des organisations indépendantes de défense des droits de l'homme. Le comité avait le pouvoir d'enquêter sur les abus, mais manquait de crédibilité, n'a pas mené d'enquêtes et a publié un rapport annuel pour la dernière fois en 2001», lit-on sur le rapport.
 
 
«Aucune loi n'empêche la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre»

 
 
 
Le document fait également état de discrimination, d’abus sociétaux et traite des personnes. Il s’agit entre autres de «viol et violence domestique» pour ce qui concerne les femmes ; de maltraitance, de déplacements forcés, d'infanticide ou d’exploitation sexuelle pour ce qui concerne les enfants. Alors que pour ce qui concerne les droits des personnes Lgbti, le rapport regrette qu’aucune loi n'empêche la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle ou l'identité de genre, ni aucune loi sur les crimes de haine qui pourrait être utilisée pour poursuivre les crimes motivés par des préjugés contre les personnes Lgbti.
 
 
 
 
 
Sidy Djimby NDAO
 
 
 
 
 
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