Entre un avenir en médecine prédestiné par son père, son parcours scolaire parsemé d’embuches l’obligeant parfois à se retrancher dans la solitude, les épreuves surmontées durant son parcours professionnel, notamment pour que son projet du Smit ne voie jamais le jour, sa vie de couple, entre autres, le chef de Service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann, mentor des 10 ans de la Grande rentrée citoyenne de «Intelligences magazine», a remonté le temps pour pointer le curseur sur ces évènements phares qui ont fondé sa réussite pour servir d’exemple aux jeunes.
Le chef du Service des maladies infectieuses de l’hôpital de Fann, le Pr Moussa Seydi faisait partie des mentors de la 10e édition de la Grande rentrée citoyenne organisée au Grand Théâtre par «Intelligences magazine», à travers sa directrice de publication, Ami Sarr Fall. Une occasion pour le professeur Seydi d’offrir son parcours en exemple aux jeunes élèves venus nombreux à cette rencontre. Un parcours certes parsemé d’embûches, mais un parcours prédestiné, comme l’avait d’ailleurs prédit son père à sa naissance. «Lorsque je suis né, mon père avait donné à ma mère une blouse blanche en lui disant de la garder, parce que j’en aurai besoin lorsque je démarrerai mes études médicales. C’est cette blouse blanche que j’ai portée lorsque j’ai commencé mes premiers pas dans ce métier», s’est d’emblée remémoré le professeur Seydi, avant de revenir sur son parcours scolaire et universitaire. Après des études primaires à Koungheul et à Kaffrine, il a rejoint Kaolack pour ses études secondaires, avant de poser ses baluchons à Dakar, à l’Université Cheikh Anta Diop où il a obtenul’essentiel de ses diplômes. «C’est à l’Ucad que j’ai obtenu mon doctorat d’Etat en médecine, mon certificat d’étude spécial en maladies infectieuses et tropicales, mon certificat d’étude spécial en parasitologie, mon certificat Labori biologie, etc. C’est pour vous dire que je suis un produit de l’école sénégalaise et j’en suis fier», ajoute le Pr Moussa Seydi.
«J’ai passé une bonne partie de mes vacances dans les structures de santé»
Outre l’université de Dakar, il révèle avoir fait «quelques formations complémentaires» dans les pays du Nord d’où il est revenu avec des diplômes en rapport avec le paludisme, l’infection à Vih et les infections sexuellement transmissibles. Selon Pr Seydi, le travail personnel est essentiel à celui qui veut réussir, quel que soit l’endroit de sa formation. «C’est convaincu de cela que j’ai passé une bonne partie de mes vacances dans les structures de santé. Aller au-delà de la formation de base n’est aisé que pour ceux qui ont la passion de ce qu’ils font. Pour vous aider à avoir la passion de ce que vous faites, il faut fréquenter et travailler avec des personnes passionnées, car c’est celui qui peut ressentir la passion qui peut l’inspirer. Je suis passionné par mon travail et lorsque quelqu’un est passionné par son travail, il ne peut pas être apeuré par les condamnations, les calomnies, les complots et pièges, les tentatives d’isolement, de musellement, d’effacement», explique la figure de proue de la lutte contre le Covid-19.
«Des épreuves, j’en ai vécues»
«Être passionné par son travail permet certes de réussir plus facilement, mais expose aussi à des épreuves. Des épreuves, j’en ai vécues, pas seulement du fait de ma passion pour mon travail, mais aussi du fait de mes principes que je n’ai jamais voulu renier au risque d’être ostracisé. Parmi les épreuves : je me rappelle mon premier séjour dans une ville à l’intérieur du pays où j’étais obligé de vivre en solitaire, parce que ne me retrouvant pas dans les habitudes et les comportements des jeunes du quartier. Du fait de cette solitude, je me suis mieux concentré sur mes études, la lecture et le sport. Aujourd’hui, dans ce quartier, je ne compte que des amis», indique le Pr Seydi.
Son mariage en 4e année de médecine ; aujourd’hui, 33 ans de vie conjugale
Poursuivant, le professeur Seydi rappelle qu’il s’est marié quand il était quatrième année de médecine. «La quasi-totalité des gens disait que c’est impossible d’allier mariage et études. J’ai gravi tous les échelons, aussi bien au niveau de la médecine qu’au niveau de l’enseignement supérieur et de la recherche et je me suis toujours marié avec la même femme depuis 33 ans. C’est aujourd’hui (le jour de la Grande rentrée), 24 février, notre 33e anniversaire de mariage et c’est aujourd’hui son anniversaire à elle. Je profite de l’occasion pour lui rendre hommage et la remercier», renchérit Pr Seydi sous les applaudissements nourris du public. Suite à cette révélation, l’initiatrice de la rencontre a rejoint le professeur Seydi au pupitre pour lui offrir un bouquet de fleurs. Lui aussi est né un 20 février, pour dire que le mois de février est plein de dates symboliques.
Il a refusé le bizutage après le concours d’internat, sa demande de recrutement rejetée après la formation
Dans ce chapelet d’épreuves vécues, le professeur Seydi a aussi rappelé qu’il a été le seul à refuser le bizutage qu’il trouvait dégradant, après avoir été reçu au concours d’internat de Dakar. Malgré les problèmes qui s’en sont suivis, relève-t-il, Pr Seydi dit ne compter que des amis parmi ses promotionnaires d’internat. «Je me rappelle qu’après ma formation, ma demande de recrutement comme assistant à l’université a été rejetée du fait qu’il n’y avait pas de poste vacant, alors qu’il y en avait deux. J’avais donné l’information à mon chef de service de l’époque, le professeur Salif Badiane (décédé un 25 février) qui a finalement pu faire accepter mon recrutement», renchérit la blouse blanche.
«Des Sénégalais et des étrangers ont agi pour que mon projet (le Smit) ne voie jamais le jour»
Parmi les épreuves surmontées, le Pr Moussa Seydi est revenu sur les étapes de la construction du Service des maladies infectieuses et tropicales (Smit). «Construire le Smit a été un parcours parsemé d’embûches et très difficile ; parce que j’ai dû travailler sur le projet pendant huit ans avec mes collaborateurs ; difficile parce qu’on ne me prenait pas au sérieux ; difficile parce que des Sénégalais et des étrangers ont agi pour que mon projet ne voie jamais le jour ; ensuite pour que les engagements que j’avais pris avec le chef de l’Etat ne soient jamais respectés. Or, construire le Smit était pour moi beaucoup plus important que construire ma propre maison. J’ai toujours été convaincu que j’allais y parvenir sans pouvoir vous dire d’où me venait cette certitude», a indiqué le chef du Smit. «Je vous le dis pour que, jamais, vous n’abandonniez un projet qui vous tient à cœur. Les adversités ne doivent pas nous dévier de nos objectifs. Pour ma part, les adversités ne m’ont pas empêché d’atteindre mes objectifs. Je les ai atteints en acceptant parfois d’être seul contre tous, sans renier mes principes. Je ne vous dis pas d’être solitaire, au contraire, vous devez intégrer le groupe s’il ne vous tire pas vers le bas ; on peut réussir sans se compromettre, même si c’est difficile», a ajouté le Pr Seydi qui n’a pas manqué de remercier ses collaborateurs et le Président Macky Sall à qui il a rendu hommage.
«Chers jeunes, travaillez dur et soyez persévérants»
Le chef du Service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann n’a pas manqué de donner des conseils aux jeunes. «Chers jeunes de mon pays, travaillez dur et soyez persévérants, car les résultats sont au bout d’un travail dur qui dure», a-t-il indiqué, avant d’ajouter : «après avoir réussi, vous devez agir en leader et en tant que leader, vous devez aider les gens à atteindre votre niveau et à vous dépasser. En tant que leader, vous devez être altruiste et crédible. En tant que leader, vous devez être mentalement fort devant les trahisons que vous subirez. Un leader sera forcément trahi un jour ou l’autre, mais il doit garder son intégrité, il doit continuer à faire confiance à ceux qui semblent le mériter même si c’est risqué. La prise de risque est inhérente à l’acceptation d’être un leader. En tout état de cause, vous devez avoir confiance en vous, car avoir confiance en soi, travailler sans relâche et servir la société, tel est le puissant viatique qui permet de cheminer et de réussir aisément dans la vie», précise le professeur, persuadé que la vraie richesse réside dans la satisfaction du travail bien fait, dans la droiture et l’altruisme.
M. CISS