Jeune Sénégalaise bien décidée à refuser la soumission «imposée» aux femmes dans notre pays, la psychologue Aminata Mbengue a laissé entendre, hier, des propos qui risquent de choquer plus d’un. Et pour cause, cette activiste et militante féministe a déclaré qu’au Sénégal, «le corps de la femme est fétichisé». Et à l’en croire, aucun segment de la société sénégalaise n’est épargné.
C’est une déclaration qui risque de faire couler beaucoup d’encre et de salive. Et parce qu’elle sort de la bouche d’une spécialiste, elle risque d’être prise plus au sérieux que les autres déclarations du genre dans la passé. Se confiant à nos confrères de la télévision franceinfo, Aminata Mbengue, psychologue clinicienne à Dakar, a dénoncé les tares de la société sénégalaise.
Cette militante féministe assumée est parmi les premiers opposants à la manière dont les choses marchent dans notre société. Comptée parmi la génération sénégalaise de cyber-activistes, Aminata Mbengue plaide pour l'égalité homme-femme et contre les violences faites aux femmes au Sénégal, entre autres, parmi ses thèmes favoris sur les réseaux sociaux
Avant cette sortie, elle a décidé de prendre les devants pour dénoncer «le calvaire d’être une jeune fille au Sénégal». Tout est fait pour déposséder les femmes de leurs corps, de leurs droits, explique-t-elle. «Le corps de la femme est fétichisé, soumis aux regards critiques des hommes qui jugent et donnent des notes. Les femmes sont prises comme des objets de consommation périssables», a fait savoir la féministe sénégalaise Aminata Mbengue.
Aussi, elle dit constater avec amertume que les violences sexuelles et sexistes sont endémiques au Sénégal. «On les retrouve dans tous les milieux socio-culturels, dans l’espace familial, dans les écoles et dans les entreprises. Des violences qui ont fini par être banalisées», regrette-t-elle.
Avant de faire une autre «révélation» : «Beaucoup de jeunes femmes portent le voile pour être tranquilles dans l’espace public. Pour se soustraire aux regards. Pour ne pas être embêtées», confie-t-elle.
«La culture du viol est bien ancrée dans la société»
Il faut dire que les derniers évènements confortent la déclaration de la Sénégalaise. En effet, la liste des victimes de viol ne cesse de s’allonger. En mai 2019, le meurtre odieux d’une jeune femme, précédé d’une tentative de viol à son domicile de Tambacounda, à l’est du pays, a fait le tour du monde. L’affaire avait alors conduit dans la rue de nombreuses femmes en colère.
Aminata Mbengue dénonce ainsi le manque d'empathie de la part de certains de ses compatriotes et la banalisation des violences subies par les femmes. Des viols qui restent souvent couverts par la loi du silence. Les statistiques disponibles remontent à 2014. Quelque 3660 cas de viol ont été signalés en dix mois par l’Association des juristes sénégalaises. «Il y a un déni collectif qui participe à l’invisibilité des violences sexuelles. Il y a aussi la culture du viol qui est bien ancrée. On cherche à responsabiliser la victime. Elle était où ? Elle était habillée comment ?, entend-on dire», regrette-t-elle. Avant de se désoler de ce qu’elle qualifie de «double peine pour les victimes».
«Non, les femmes ne sont pas des êtres vulnérables»
Dans la suite de son propos, Aminata Mbengue a tenu à rejeter les stéréotypes de genre qui veulent que la femme soit émotive par nature et que les hommes soient plutôt virils.
Pour elle, il s’agit d’idées fausses qui causent des torts aux deux parties. Aussi, elle estime qu’il est urgent de changer le discours sur la femme, présentée dans la société comme un être vulnérable. Pour elle, c’est un discours qui arrange les hommes et leur permet de perpétuer leurs privilèges. «Non, les femmes ne sont pas des êtres vulnérables qui ont besoin de protection. Ce sont les situations dans lesquelles elles se trouvent qui les affaiblissent. Ce sont les rapports inégaux, la discrimination qu’elles subissent qui les fragilisent», plaide-t-elle.
A l’en croire, il est impérieux de changer les rapports inégaux que la culture installe parfois de façon insidieuse entre filles et garçons dès leur jeune âge. «Quand on dit aux petits garçons qu’un vrai homme ne pleure pas, on lui apprend à réprimer ses émotions, alors qu’on pousse très tôt les jeunes filles à se soucier et à prendre soin des autres. Cela impacte leurs choix ultérieurs et leur vie de couple», explique Aminata Mbengue.
Aminata Mbengue est une psychologue, militante féministe et cyber-activiste sénégalaise. Fervente militante de la criminalisation du viol, elle fait partie de ceux qui croient dure comme fer qu’il faut durcir les peines. Dans le passé, elle a eu à réclamer la reconnaissance par la justice sénégalaise du statut de victimes pour les femmes qui subissent ces violences. Il s’agit en effet, selon elle, d’une étape obligée pour leur réparation et leur guérison.
Pour ceux qui ne connaissent pas Aminata Mbengue, c’est elle, avec d’autres femmes comme la psychologue Ndèye Khaira Thiam et la juriste Fatima Sall, qui avait décidé de porter plainte contre l’ancien chroniqueur de l’émission «Jakarlo Bi» sur la Tfm, Pr Songué Diouf.
Pour rappel, à l’occasion de cette émission diffusée le 9 mars, au lendemain de la Journée internationale de la femme, le chroniqueur Songué Diouf a soutenu que les femmes sont responsables des viols qu’elles subissent à cause de leurs choix vestimentaires ou de leur plastique.
Sidy Djimby NDAO