En refusant de verser dans les déclarations fracassantes contre le régime en place, Khalifa Sall a voulu «être dans la juste mesure». De l’avis du Docteur en Communication et Marketing politique, Momar Thiam, l’ancien maire de la ville de Dakar a bien fait de ne pas verser dans les attaques frontales contre les tenants du pouvoir, encore qu’il est dans une situation d’inéligibilité. Pour autant, Momar Thiam conseille à Khalifa Sall de faire dans l’opposition constructive pour éventuellement prendre une longueur d’avance par rapport aux autres, même le leader de Pastef, Ousmane Sonko. |
Comment analysez-vous la première sortie officielle de Khalifa Sall, et dans laquelle il passe sous silence les questions brûlantes de l’actualité ? En termes de communication, Khalifa Sall a voulu être dans la juste mesure. C’est-à-dire, dire d’abord merci à ceux qui l’ont soutenu jusque-là. Puisque, vous n’êtes pas sans savoir que dès qu’il a été élargi de prison, il a été à la rencontre des familles religieuses, des hautes personnalités politiques qui l’avaient soutenu jusque-là. Donc, sa démarche c’était de remercier l’opinion pour s’être mobilisé autour de sa personne compte tenu de son emprisonnement. Ensuite, je pense que Khalifa Sall a voulu, à travers la communication, marquer son ancrage dans l’opposition et surtout faire comprendre à l’opinion nationale, et peut être subsidiairement l’opinion internationale, qu’il est toujours dans le combat politique. La preuve, il a dit qu’il n’en voulait à personne, qu’il n’est pas dans une situation de vengeance ou d’invectives, mais qu’il faut qu’on sache qu’il est bien ancré dans l’opposition. Personnellement, je ne m’attendais pas à ce qu’il fasse des déclarations fracassantes pour une raison très simple. C’est que, jusqu’à preuve du contraire, il est dans une situation d’inéligibilité. A partir de ce moment, je pense qu’il ne voudrait pas prendre le risque d’avancer ses pions politiquement parlant en tapant sur le régime et en faisant étalage d’un programme qu’il aimerait proposer aux Sénégalais. A votre avis, pourquoi n’a-t-il même pas évoqué le cas du Parti socialiste (Ps) ? Je ne pense pas qu’évoquer le cas du Parti socialiste, tel qu’il est aujourd’hui, l’incombait dans la situation d’hier (ndlr : avant-hier), compte tenu de la multiplicité des informations de l’actualité qui l’entouraient. Ça aurait été contre-productif de sa part de sortir les questions sur le Ps, sur Taxawu Senegaal et sur ses ambitions présidentielles affirmées ou pas. Mais, on sent nettement dans son discours qu’il est dans le combat politique, qu’il a des ambitions pour ce pays. Mais, le moment venu, quand toute sa situation sera élucidée en terme d’éligibilité, en terme d’appareil politique qui sera derrière lui, que ce soit le Ps ou pas, parce que certains disent que c’est l’héritier naturel d’Ousmane Tanor Dieng quoiqu’il soit exclu du Ps. En ce moment-là, il pourra se prononcer de manière claire et précise ; dire ses ambitions sur son programme en gestation, etc. Ce n’était pas le moment. A ce niveau-là, je pense que c’était réussi. Le seul bémol, à mon sens, c’est que l’actualité était tellement chargée hier (ndlr : avant-hier) avec les limogeages tous azimuts venant de la haute sphère de l’Etat. Quelque part, sa communication était plus ou moins biaisée, et passée en second rang compte tenu de cette actualité. Cela dit, le message est passé parce qu’il s’agit de lui. Dès lors que sa communication a été tant soit peu biaisée par l’actualité du jour, que faudrait-il faire pour se rendre audible et toucher sa cible ? C’est à lui, peut-être, en termes ce communication, de savoir maintenir le tempo pour ne pas se faire doubler sur les flancs par un Ousmane Sonko ou par d’autres. Parce que, la nature a horreur du vide. On a vu que l’opposition traditionnelle était aux abonnés absents sur pleins de questions d’actualité. Ousmane Sonko a profité, justement, de ce vide-là pour faire état de ses inquiétudes, de ses craintes autour de l’affaire des 94 milliards, mais aussi de l’affaire Pétro-Tim, etc. C’est à lui de pouvoir avoir ce sens de la mesure, mais aussi ce sens de l’anticipation dans sa position politique et communicative pour être toujours présent, pas uniquement envers les médias qui ne sont que des relais, mais aussi auprès des populations. Est-ce que faire usage de la juste mesure de sa part ne compromettrait pas ses chances de ravir la vedette à Ousmane Sonko considéré présentement par certains analystes comme le seul opposant sur le terrain ? Je ne pense pas. Vous savez le terme «voler la vedette» passionne beaucoup plus les médias, puisque ce sont les médias, quelque part, qui façonnent plus ou moins l’opinion. Ce sont les médias qui font les titres et à partir du moment où vous faites les gros titres, vous êtes dans une posture de vedette. Mais, ce n’est qu’instantané puisque l’effet d’agenda étant, comme on le dit en communication, il suffit qu’il y ait autre actualité chaude, on a l’impression que tout cela vous passe dessus et on ne parle plus de vous. Je pense qu’il faut être plutôt dans une forme de politique réaliste. Pour ce qui concerne Khalifa Sall et même Ousmane Sonko, il faut être dans une opposition constructive. C’est-à-dire une opposition qui propose, mais pas celle qui passe son temps à s’opposer et à critiquer systématiquement sans amener des débuts de solutions. Si Khalifa Sall se met aujourd’hui dans cette posture d’une opposition qui propose, il aura peut-être une longueur d’avance par rapport aux autres, et même par rapport à Ousmane Sonko qui, je dis bien, propose. Mais, cette proposition-là c’est plutôt pendant l’élection présidentielle. Aujourd’hui, il est plutôt dans une opposition qui s’oppose. Je pense que c’est dans la manière et dans cette pédagogie d’opposition qu’il faudra que Khalifa Sall trouve sa voie. |
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