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Indépendance, crédibilité...: la justice au banc des accusés



 
Lors de l’atelier de l’Ums sur l’indépendance de la justice, les acteurs de la justice ont mis le doigt sur les manquements d’une justice aux ordres, avant de dessiner les contours d’une magistrature indépendante. De l’avis du professeur Ngouda Mboup, le Conseil supérieur de la magistrature doit disparaitre pour céder la place au Conseil supérieur de la justice, qui sera présidé non par le président de la République, mais par le 1er président de la Cour suprême.
 
«La justice peut, certes, souffrir de dysfonctionnements liés au manque d’équipements, de locaux ou de personnel ; il n’en perdra pas pour autant, nécessairement, sa crédibilité. Mais dès lors que, aux yeux du public, elle donne l’impression de manquer d’impartialité ou d’indépendance, la Justice perd une bonne partie de ce qui fait sa force : la confiance des justiciables. C’est la lecture faite par le président de l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), Souleymane Téliko, lors de l’atelier organisé hier sur le thème «Etat de droit et indépendance de la justice : enjeux et perspectives de réformes». En effet, le magistrat est persuadé que sans indépendance garantie et assumée, la justice perd en crédibilité et en autorité. Car ce n’est pas la force, dit-il, qui fait la justice, mais, plutôt, la justice qui fait la force. S’agissant du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) considéré comme la clé de voûte de l’indépendance de la justice, Souleymane Téliko est d’avis que sa réforme est plus que jamais nécessaire, au regard de l’inadéquation entre la mission qui lui est assignée et ses règles d’organisation, de composition et de fonctionnement. «Le paradoxe de notre Csm, qui est aussi son principal handicap, c’est qu’il est chapeauté et piloté par celui-là même dont il est censé limiter l’influence. L’heure semble donc venue de procéder à un changement de paradigme, à travers, entre autres mesures, l’autonomisation du Csm et l’instauration de la procédure d’appel à candidature, qui permettront à cet organe d’assumer sa mission, au mieux des intérêts de la justice et des justiciables. Le professeur Ngouda Mboup s’est inscrit dans cette dynamique pour déplorer l’hégémonie de l’exécutif sur le pouvoir judiciaire. «La justice n’est pas seulement un pouvoir d’Etat. Elle est en plus un pouvoir de la société, parce que la justice est rendue au nom du peuple», indique l’enseignant-chercheur lors de son exposé sur le thème central de l’atelier. Ce qui lui fait dire que le véritable garant de l’indépendance des magistrats, c’est ce qu’il appelle le nouveau Conseil supérieur de la justice à la place du Conseil supérieur de la magistrature. A l’en croire, ce conseil supérieur de la justice sera plus ouvert aux autres pouvoirs publics, à la société civile et à ses attentes. «La justice doit être confiée à une institution constitutionnelle indépendante. Le changement de dénomination veut signifier que cette institution ne doit pas être la chose des magistrats, mais l’institution de la justice chargée de garantir son indépendance, non seulement à l’égard des pouvoirs exécutif et législatif, mais aussi du pouvoir judiciaire. Ce conseil sera un carrefour de tous les pouvoirs pour les tenir à distance de la justice. Il sera composé de magistrats élus par leurs pairs et en majorité de personnalités qualifiées désignées, des personnes de la société civile et sera présidé par le premier président de la Cour suprême», préconise le professeur Ngouda Mboup.
 
Alioune Tine : «il n’y a pas d’Etat de droit s’il n’y a pas une justice indépendante»
 
Le fondateur d’Africa Jom Center Alioune Tine est d’avis que ce séminaire est la meilleure réponse après cette crise inédite émaillée de violences qui a secoué le pays. Poursuivant, il révèle qu’il est temps d’avoir une autre justice plus indépendante. Ce qui lui fait dire que «nous sommes dans le temps du réel, de l’invention du réel. On parle de modernisation de la justice, on devrait parler de la modernisation de notre Etat de droit, parce que quand nous avons une justice qui est faible, il faut craindre pour notre Etat. Si la justice est défaillante, nous pouvons avoir un Etat défaillant», souligne Alioune Tine, qui invite les acteurs de la société civile à faire un travail de plaidoyer auprès du président de la République et de son ministre de la Justice, pour arriver à l’adoption des propositions concrètes qui sont faites pour avoir une justice indépendante, impartiale, en vue de frayer le chemin d’un véritable Etat de droit que le peuple appelle de ses vœux. Il n’y a pas d’Etat de droit s’il n’y a pas une justice indépendante», martèle le patron d’Africa Jom Center.
De son côté, la représentante du garde des Sceaux et secrétaire général du ministère de la Justice révèle, contrairement aux acteurs de la justice, que le Sénégal, depuis son accession à la souveraineté internationale, s’est évertué à consacrer dans ses textes constitutionnels et législatifs la séparation des pouvoirs et à garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire. Mieux, elle révèle que notre pays est bien seul en Afrique dans cette option qu’il n’a cessé de consolider et d’approfondir. Revenant sur l’indépendance de la justice, elle révèle que les juges ne sont soumis qu'à l'autorité de la loi dans leur exercice.
 
Moussa CISS
 
 
 
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