Dans un communiqué rendu public en fin de semaine dernière, l’ambassadeur du Royaume d'Arabie Saoudite au Sénégal, Fahd bin Ali Al-Dossari, a tenu à démentir les déclarations du président de l'organisation Horizon sans frontières au Sénégal. Celui-ci a déclaré le 14 janvier 2020 que la Sénégalaise Mbayang Diop serait gravement malade et sans assistance médicale en Arabie Saoudite. Dans sa note, le diplomate saoudien donne des assurances sur la situation qui prévaut au niveau de la prison pour femme d’Al Mabahith à Dammam. Cependant, la réputation de cette prison située, dans la partie Est du royaume, est loin de la description qu'en fait Fahd bin Ali Al-Dossari.
Les très étroites relations entre le Royaume d'Arabie Saoudite et la République du Sénégal ont failli prendre un sacré coup après la sortie du président de l'organisation Horizon sans frontières au Sénégal. En effet, en déclarant que la Sénégalaise Mbayang Diop serait gravement malade et sans assistance médicale en Arabie Saoudite, Boubacar Sèye a soulevé l’ire de la représentation diplomatique saoudienne à Dakar.
Trois semaines plus tard, en bon garant de l’image de son royaume, l’ambassadeur d'Arabie Saoudite à Dakar a sorti un communiqué pour étaler sa colère contre le patron de Horizon sans frontières, dont il juge les déclarations fausses sur l’affaire Mbayang Diop. «Celles-ci contenaient des informations contraires à la réalité au sujet de l'état de santé de la citoyenne sénégalaise, Mademoiselle Mbayang Diop, détenue à la prison des femmes d’Al Mabahith à Dammam, à l'Est du Royaume d'Arabie Saoudite, après avoir été condamnée pour le meurtre de son employeur», a d’emblée renseigné le diplomate, qui précise que le jugement a été rendu par le tribunal correctionnel dans cette affaire et a été confirmé par la Cour d’appel.
Précisant que «la détenue Mademoiselle Mbayang Diop est en parfaite état de santé depuis le début de sa détention, à l’image de toutes les autres détenues», le document informe que «les lieux de détention pour femmes et particulièrement celui où se trouve Mademoiselle Mbayang Diop font partie des lieux les plus récents». L’ambassadeur de poursuivre : «il est équipé d’infrastructures sociales et culturelles modernes, en plus d’un centre des soins médicaux…». Avant de révéler que l'Ambassadeur de la République du Sénégal auprès du Royaume, Monsieur Cheikh Tidiane Sy, accompagné de membres de l'ambassade, effectue des visites régulières auprès d’elle. La dernier en date remonte au 17 janvier 2020»
Aussi, précise le document, les autorités sénégalaises compétentes communiquent régulièrement avec les autorités saoudiennes à ce sujet. «Les lieux de détention en Arabie Saoudite jouissent d’une attention particulière et d’un perpétuel suivi périodique de la part des autorités compétentes et reçoivent des visites régulières des instances internationales concernées», ajoute le communiqué.
Outre le patron de Horizon sans frontières, le diplomate saoudien a également déversé sa colère sur ceux qu’il appelle «les diffuseurs de fausses informations». «L'ambassade du Royaume d'Arabie Saoudite à Dakar, dans le souci de rétablir les faits, exhorte toute personne, avant la diffusion de telles informations contraires à la réalité, à plus de d’objectivité et de rigueur dans l’établissement des faits. D’autant plus que les excellentes relations entre les deux pays frères ne peuvent permettre une quelconque transgression de part et d’autre», dit-il, terminant par dire que «les citoyens sénégalais vivant en Arabie Saoudite jouissent d’un grand respect et son appréciés par leurs frères saoudiens».
Human Rights Watch démonte
Cependant, cette version de son Excellence à propos de la prison pour femme de Dammam est loin de celle donnée par plusieurs organisations de défense de droits de l’homme. Dans un texte publié sur Al Jazeera, Adam Coogle, chercheur en Arabie Saoudite à Human Rights Watch (HRW), déclare : «vous avez de graves allégations de torture par des enquêteurs. C'est quelque chose que vous entendrez fréquemment d'autres militants des droits de l'homme». Et le chercheur d’ajouter que parmi ces prisons, on trouve al-Haer à Riyad, Dhahban près de Djeddah et Dammam dans la province orientale, celle-là même où est détenue Mbayang Diop.
Un activiste saoudien aussi
Activiste saoudien qui a fondé l'organisation des droits de l'homme Al Qst, Yahya Assiri confirme dans Al Jazeera : «Les défenseurs des droits des femmes, les manifestants de la province orientale à majorité musulmane chiite et d'autres dissidents sont souvent jugés par le tribunal pénal spécialisé, le tribunal antiterroriste du royaume. La plupart des militants et dissidents des droits de l'homme se trouvent dans la prison d’Al Mabahith à Dammam».
Amnesty International enfonce le clou
En novembre 2018, Amnesty International et d’autres sources ont dénoncé les allégations de torture et de harcèlement sexuel dans les prisons pour femmes. Le ministère saoudien des Médias avait démenti ces accusations, en les qualifiant d’«infondées». Amnesty International avait alors établi une liste des prisons dangereuses dans le royaume dans lesquelles sont détenues des militantes des droits de l’homme. Dans cette liste, la prison des femmes de Dammam où est incarcérée Mbayang Diop y est mentionnée.
Selon Human Rights Watch, le Mabahith (nom de la prison où est incarcéré Mbayang Diop) est une police secrète de l'Arabie Saoudite. Selon l’Ong, les membres de la Mabahith sont chargés d'arrêter les opposants politiques et autres, ou présumés comme tels, puis de les interroger. «Les agents de la Mabahith opèrent en toute impunité et sont responsables d'un large éventail de violations des droits de l'homme, y compris des arrestations arbitraires, la détention au secret et la torture. Les membres de la Mabahith auraient été responsables de la torture de détenus occidentaux arrêtés lors d'une campagne à la voiture piégée qui a commencé en 2000», soutient l’Ong.
Sidy Djimby NDAO