Le scandale foncier sur le littoral, continue de susciter de vives polémiques, au Sénégal. Mais pour le juriste Ferdinand Faye, Docteur en droit public, ces terres, appartenant au domaine public national, peuvent être récupérées et restituées à l’Etat du Sénégal, aux yeux de la loi.
«La bonne nouvelle, pour les Sénégalais, c’est que toutes ces terres spoliées pourraient être récupérées et restituées à l’État du Sénégal sine die, car ‘’le domaine public est inaliénable et imprescriptible’’ (article 9 du Code du domaine de l’État)», a-t-il fait savoir à Seneweb. Il rappelle, dans la foulée, que le littoral fait partie du domaine public naturel.
Il s’agit, techniquement, d’après lui, des rivages de la mer couverts et découverts lors des plus fortes marées, ainsi que de la zone de 100 m de large à partir de la limite atteinte par les plus fortes marées.
Par conséquent, ajoute ce chargé d’enseignement à l’université de Reims et à Sciences Po (France), les titres fonciers et les permis de construire les concernant sont illégaux, quels qu’en soient la qualité et le rang social des détenteurs.
«En plus clair, détaille le juriste, nul ne peut se prévaloir d’un titre possessoire sur les terres en question, par le fait d’une occupation prolongée et il sera toujours possible, s’il y a lieu, d’exiger la remise en l’état aux frais des occupants. Le régime de la domanialité publique - inaliénabilité et imprescriptibilité - protège le littoral contre les agressions diverses dont il fait l’objet».
Au demeurant, à en croire le juriste Ferdinand Faye, il n’est pas trop tard de rétablir l’ordre dans cette affaire.
Il s’explique : «À l’avenir, un président de la République, mû par la satisfaction de l’intérêt public, pourra, s’il le souhaite, rétablir l’ordre en récupérant toutes les terres spoliées. Ensuite, il lui sera loisible de définir un plan d’aménagement du littoral pour le grand bonheur des Sénégalais. La mise en valeur du domaine public pourrait nécessiter, à cette occasion, la délivrance des titres d’occupation précaires et révocables, les seuls autorisés par le Code du domaine de l’État (article 13). Il est regrettable que le choix du moment soit le partage des terres du littoral entre ‘’copains et coquins’’ plutôt que leur protection et mise en valeur.»
Obstacles juridique et social
Par ailleurs, prévient ce spécialiste du droit public, les règles de l’inaliénabilité et d’imprescriptibilité pourraient être neutralisées par deux types d’obstacle juridique et social.
«Premièrement, l’article 19 du Code du domaine de l’État permet le déclassement des terres du littoral. L’acte de déclassement est une décision qui consiste à sortir un bien du domaine public de l’État pour l’incorporer dans son domaine privé ou dans le domaine national. Une fois classé dans le domaine privé de l’État, le littoral devient alors une dépendance susceptible de transaction commerciale», soutient notre interlocuteur.
Le spécialiste s’empresse de poursuivre : «Deuxièmement, quand bien même l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité seront toujours invocables, la société pourrait s’opposer à l’application de ce régime juridique de protection. Les premiers acquéreurs des parcelles du littoral spéculent dès que possible les terres qui leur sont cédées. D’ici quelques années, il sera très difficile de remonter jusqu’aux véritables coupables dans cette affaire, tant les mêmes dépendances feront l’objet de multiple transactions. Ce sont donc les derniers acquéreurs qui risquent de trinquer.»
D’après toujours M. Faye, les acteurs de la forfaiture sur le littoral sont bien conscients de cette sensibilité de la société sénégalaise et cela les rassure naturellement. Ils savent que la sanction de l’illégalité est dans ce cas plus rare que le passage de Mercure.
«L’illégalité dénoncée ici, ne concerne pas que le domaine public. Elle s’étend aussi au domaine national. Les dépendances de ce domaine sont soumises à un régime complexe qui emprunte à la fois au Code du domaine national (loi n°64-46), au décret portant application de ce code (décret n°64-573) et au décret régissant l’affectation et la désaffectation de certaines terres du domaine national, modifié plusieurs fois (décret n° 72-1288)», a-t-il notamment précisé, soulignant que celles-ci «sont très insuffisamment protégées, d’autant que l’inaliénabilité et l’imprescriptibilité ne s’y appliquent pas. Il est urgent de faire une réforme qui verserait le domaine national dans le domaine public afin de mettre fin à la bamboula des collectivités locales sur ces terres».