La Côte d’Ivoire va-t-elle connaitre son « Tazartché » ? Alassane Ouattara
sera-t-il le Mamadou Tandja des Lagunes ? L’histoire de l’impossible
troisième mandat qui a coûté au président du Niger son fauteuil, sa
réputation et liquidé les acquis de ses dix ans de redressement économique
va-t-il se répéter en Côte d’Ivoire ? Les faits indiquent que oui. L’histoire
nous enseigne que c’est tout à fait probable.
« Tazartché » est un mot qui signifie « continuité » ou « prolongation » en
haoussa, la langue majoritaire du Niger. Ce mot est devenu le slogan des
partisans de l’ancien Président du Niger, Mamadou Tandja. Plus qu’un
slogan, le Tazartché était la planche de salut à laquelle s’accrochaient avec
l’énergie du désespoir les membres du clan au pouvoir, la coterie de jeunes
loups du MNSD-Nassara (Mouvement National pour la Société du
Développement), le parti présidentiel et le conglomérat de tous les
opportunistes profito-situationnistes nigériens, qui voyaient en un maintien
du président au-delà du terme légal de son mandat, l’occasion de garder ou
d’accéder à des privilèges indus.
Mamadou Tandja fut l’un des rares présidents nigériens arrivés
démocratiquement au pouvoir par des élections libres et transparentes.
Après une période de transition militaire dirigée par le Commandant Daouda
Malam Wanké qui avait renversé le Général Ibrahim Baré Maïnassara, le
Lieutenant-colonel à la retraite, Mamadou Tandja est élu président de la
République pour cinq ans et prend ses fonctions le 22 décembre 1999.
Grâce aux fonds issus du programme PPTE (Pays Pauvres Très Endettés),
le nouveau président initie un « Programme Spécial Présidentiel » qui porte
son nom. Avec le « PSP Tandja », il multiplie les cases de santé, les classes,
les mini-barrages, les seuils d'épandage, les puits pastoraux, octroie des
crédits aux femmes rurales, etc. De nouvelles bâtisses font leur apparition
et quelques kilomètres de bitume sont posés. Ses réalisations sont
positivement perçues par le monde rural.
En novembre 2004, il est réélu sans surprise pour un second et dernier
mandat de cinq ans, devenant ainsi le premier président qui boucle un
mandat entier sans être renversé par un coup d’État.
En effet, le Président Tandja bénéficie, pendant ses deux mandats, d’une
coalition politique qui lui permet de gouverner sans soucis majeurs.
Politiquement, il est soutenu notamment par :
- Le MNSD-Nassara son parti d’alors ;
- Hama Amadou, Premier ministre et Secrétaire général du MNSD-Nassara;
- Mahamane Ousmane, Président du Parlement et Président de la
Convention Démocratique et Sociale (CDS-Rahama) ;
- Cheiffou Amadou, Président du Conseil Économique, Social et Culturel et
Président du Rassemblement Social-Démocrate (RSD-Gaskiya) ;
- Moumouni Adamou Djermakoye et son parti l’Alliance Nigérienne pour la
Démocratie et le Progrès (ANDP-Zaman Lahiya) ;
- Hamid Algabid, ancien Secrétaire Général de l’Organisation de la
Conférence Islamique, Président du Rassemblement pour la Démocratie et
le Progrès (RDP Jama’a), parti fondé par le défunt Président Baré
Mainassara ;
- Sanoussi Tambari Jackou, Président du Parti Nigérien pour
l'Autogestion (PNA Al Ouma), qui représentait la gauche pure et dure. Il
faut noter que M. Sanoussi a subi la purge de l’époque de Seyni Kountché
où il fut emprisonné 16 ans durant. On pourrait le comparer à M. Bamba
Moriféré en Côte d’Ivoire.
Seul l’actuel Président de la République du Niger, le socialiste Mahamadou
Issoufou, issu des milieux syndicalistes estudiantins, demeure dans
l’opposition.
Pendant dix ans, Mamadou Tandja règne en maître incontesté sur le Niger.
Sa priorité est de rétablir les contacts avec les bailleurs de fonds
internationaux et leur offrir des garanties de stabilité et de libéralisme
économique. Il sait que le budget du Niger dépend pour 50% des aides
internationales. Il donne donc des gages de sécurité et de fermeté aux
investisseurs. Il est juste perturbé par la résurgence en 2007 au nord du
pays, de la rébellion touarègue du Mouvement des Nigériens pour la Justice
(MNJ), qu’il avait matée en 1990, quand il était ministre de l’Intérieur du
Général Ali Saïbou. Il doit également faire face à des contestations
estudiantines, mais surtout à une mutinerie de plusieurs unités militaires.
À nouveau, le Président Tandja mate la mutinerie dans le sang et interdit à
la presse d’en parler. Huit propriétaires de journaux privés qui en ont parlé
sont arrêtés et conduits à la Documentation d’État, la police politique du
régime. Pour ce qui est de la rébellion du MNJ, il décréta tous les 3 mois,
« l’état de mise en garde » dans le nord du pays.
Des dix années de gouvernance Tandja, l’opinion publique veut retenir la
reprise de la coopération avec les bailleurs de fonds et les partenaires au
développement, la régularité du versement des salaires des fonctionnaires,
la stabilité retrouvée, un effort en direction du monde rural et le lancement
des grands chantiers d’infrastructures.
Mais en 2008, le groupe français AREVA met à jour d’énormes gisements
d’uranium dans la mine d’Imouraren et prévoit un contrat d’exploitation de
plusieurs milliards d’euros avec le Niger sur 35 ans !
Aussitôt, des mouvements surgissent dès la fin de 2018 pour réclamer au
Président de Tazartcher (continuer) pour encore trois ans, après la fin de
son mandat. Une campagne des Tazartchistes (les supporters de Tandja)
commence à demander une extension de son mandat. Des autorités
administratives, coutumières et politiques favorables au courant
présidentiel, mobilisent les populations et entament un ballet devant les
caméras pour demander au chef de l’État de rempiler pour trois années
supplémentaires. Tous les médias d’État sont mis à contribution et on le
supplie de ne pas rester sourd aux requêtes de son peuple. Les
Tazartchistes mettent en avant les grands chantiers qui restent à achever :
- Le deuxième pont en construction sur le fleuve Niger à Niamey ;
- La raffinerie de pétrole de Zinder qui est en chantier ;
- L’usine d’extraction d’uranium d’Imouraren dans la région d’Agadez ;
- L’usine d’extraction de charbon de Sakadamna ;
- La cimenterie de Kaou dans la région de Tahoua ;
- Le barrage de Kandadji sur le fleuve Niger.
Les alliés politiques sont abasourdis devant le silence du chef de l’État, qui
ne dit rien devant ce défilé. Selon la Constitution de 1999, le président ne
peut avoir plus de deux mandats de cinq ans et Mamadou Tandja le sait,
mais il se tait !
À l’occasion de la visite du président français Nicolas Sarkozy à Niamey, le
27 mars 2009, la question lui est posée directement par un journaliste
français et il est obligé d’y répondre en ces termes : « Grandir, pour moi,
est de partir la tête haute. Quand la table est desservie, il faut partir. Ne
pas chercher à radoter autour pour chercher un autre mandat. Je suis très
clair là-dessus. Je n'ai jamais demandé à aucun Nigérien, un instant : est-
ce qu'on peut ceci, on peut cela, où on va ? Jamais. Et je ne le ferai jamais,
demander quoi que ce soit qui m'amène à changer la constitution nigérienne
ou alors à chercher des modifications dans notre constitution. Je la garde
comme cela, je la préfère comme cela, jusqu'au bout.
Maintenant, pour ce qui est du peuple nigérien, les régions se sont
prononcées pour dire : « Permettez au Président Tandja, trois ans pour
boucler tous les chantiers qu'il a démarrés pour des raisons de stabilité et
pour compléter ce qui est programmé ».
C'est l'affaire du peuple et de l'Assemblée. Ce n'est plus pour Tandja et
Tandja ne parlera ni au Président de l'Assemblée, ni à quelqu'un d'autre
pour dire à l'Assemblée de regarder cela, ce n'est plus mon affaire. À eux
de savoir ce qu'il faut faire. Je suis prêt à partir demain. Le 22 décembre,
c'est la fin de mon mandat : au revoir, je me retire, merci bien. »
Tout le monde est stupéfait : le Président Tandja déclare qu’a priori, il n’est
pas intéressé par un prolongement anticonstitutionnel de son mandat, mais
si l’Assemblée nationale se penche sur cette question, il pourrait réexaminer
sa position ! Le Président Nicolas Sarkozy, qui est présent à ses côtés, fait
une déclaration alambiquée dans laquelle l’on retient deux éléments-chocs.
Le premier, c’est cette phrase : « En 49 ans, la seule période de démocratie
et de stabilité, c'est celle des deux mandats du Président Mamadou Tandja.
(...) Ce que je pense, c'est que si les Nigériens devaient se décider ce soir,
ce devrait être fait par le consensus et que le bien le plus précieux, c'est la
stabilité qu'ils ont obtenue et la démocratie ». Et la deuxième phrase qui
est la bombe : « Moi, j'ai changé la Constitution pour limiter le nombre de
mandats. Je ne peux pas être contre. »
En définitive, l’opposition a compris : je ne suis pas contre la limitation des
mandats, mais le Président Tandja a compris : je ne suis pas contre la
modification de la Constitution, puisque moi-même je l’ai fait en France.
Pis, le Guide libyen Mouammar Kadhafi en visite au Niger en mars 2009,
lance : « Je suis pour la liberté de la volonté populaire. Il faut que le peuple
choisisse celui qui doit gouverner, même pour l’éternité. »
À partir de là, le Président Tandja qui se sent soutenu par Nicolas Sarkozy,
décide de déclarer ouvertement ses intentions. Le 04 Mai 2009, il déclare :
« Le peuple demande que je reste, je ne peux pas rester insensible à son
appel ». Et la France ne dit rien, car elle a décidé d’appliquer sa fameuse
« doctrine de la stabilité ».
En effet, elle préfère un dictateur qui maintient un habillage démocratique
et qui est finalement conciliant pour ses intérêts économiques, plutôt que
de soutenir une vraie démocratie. Nicolas Sarkozy craint qu’avec un
nouveau président et dans un cadre plus démocratique, la France soit
obligée de renégocier les accords qui encadrent son activité d’extraction
d’uranium. Commence alors un forcing pour décapiter toutes les institutions
qui s’opposent à ce projet de troisième mandat.
Le Premier ministre Hama Amadou, qui est réticent face à cette tentation
autoritaire, chute avec son gouvernement, victime d’un vote de défiance du
Parlement dans lequel il a pourtant la majorité à 88% ! Il montrait les plus
vives réserves face à ce projet de prolongement anticonstitutionnel du
mandat présidentiel. Il est limogé et emprisonné.
Le nouveau Premier ministre, Seyni Oumarou est un Tazartchiste zélé. Il
fait annoncer par le porte-parole du Gouvernement, dans les médias
publics, l’intention du Président d’organiser un referendum sur la question.
L’Assemblée nationale, dirigée par son allié Mahamane Ousmane, chef du
puissant CDS-Rahama avec lequel il a réussi à obtenir une alliance
majoritaire au parlement, est saisie d’un projet de loi de referendum pour
demander au peuple, si le Président peut continuer à rester au pouvoir
pendant trois ans supplémentaires, après la fin de son mandat, afin de
terminer ses chantiers. L’Assemblée nationale s’oppose à ce projet et
indique qu’il va rejeter le projet de loi présenté par le Gouvernement. Alors,
le Président Tandja entre en colère et dissout le Parlement, le 26 mai 2009,
avant même qu’il ne rejette le texte.
Les députés sont convoqués à la gendarmerie le 17 juin suivant, pour
s’expliquer sur de prétendues gabegies dans la gestion des fonds du
Parlement. Le Président de la République décide de s’arroger les pouvoirs
législatifs et de gouverner désormais par ordonnances et par décrets. Il
publie un décret convoquant le collège électoral pour le référendum. Un
groupe de partis d’opposition attaque alors le décret du chef de l’État devant
la Cour constitutionnelle. Dans un avis à l'unanimité de ses membres, la
Cour constitutionnelle nigérienne, présidée par Mme Salifou Fatimata
Bazeye déclarait que le référendum était anticonstitutionnel et qu'il allait
contre le serment que Mamadou Tandja avait prêté. En conséquence, elle a
annulé le décret.
Le chef de l’État riposte en faisant défiler les populations à la télé pour
couvrir d’invectives la Cour Constitutionnelle et ses membres. Le 29 juin
2009, Mamadou Tandja prend un décret qui dissout la Cour
Constitutionnelle, malgré les dispositions de l’article 105 de la Constitution
soulignant que « les membres de la Cour Constitutionnelle sont inamovibles
pendant la durée de leur mandat ». Il est désormais chef de l’État, chef du
Pouvoir législatif et chef du Pouvoir judiciaire. Il est devenu un dictateur.
Il prend un nouveau décret pour convoquer les électeurs, non plus pour
solliciter une prolongation de trois ans, mais pour adopter une nouvelle
constitution. Ça sera celle de la 6ème République, qui remet tous les
compteurs à zéro et qui lui permet de briguer autant de mandats qu’il veut,
en plus d’une rallonge de trois ans sur le mandat en cours.
Dans les rues, l’Opposition et les syndicats manifestent chaque jour. Les
invectives et la tension montent brutalement dans le pays entre anti et pro
Tazartché.
Le Président Tandja a coupé le pays de tous ses voisins africains et son
entêtement à dissoudre toutes les institutions de la République ont conduit
les bailleurs de fonds à suspendre leur coopération avec le Niger et à fermer
le robinet des financements. Le pays est miné par des grèves perlées.
Dans les casernes, des tracts exprimant un malaise dans l'armée
commencent à circuler. La tension au sein de la troupe est perceptible. Le
chef d’État-major des armées, le Général Moumouni Boureïma, très proche
du Président Tandja, fait une tournée dans les casernes pour « mettre en
garde » les soldats contre toute « tentative de remise en cause des
institutions de la République ».
Après l’adoption au forceps de sa nouvelle constitution et la prolongation
illégale de son mandat, au mépris des appels répétés de la CEDEAO et de
l’Union Africaine pour le respect de l’ordre constitutionnel nigérien,
Mamadou Tandja veut se mettre à l’abri d’un coup d’État militaire.
Ainsi, il a convoqué tous les généraux de l’Armée, de la Police et de la
Gendarmerie à sa résidence. Chacun d’eux a reçu une villa clés en main et
50 millions de francs CFA, pour acheter leur soutien. Il arrose aussi
copieusement les officiers supérieurs des ex-rebelles touaregs du MNJ.
Chacun d’eux reçoit également une villa et un bonus de 20 millions de francs
CFA. En échange, ils doivent maintenir l’arrêt des combats au nord qui ont
beaucoup fragilisé le Président. Pour le reste de la troupe : rien. Zéro. La
nouvelle des centaines de millions distribués aux généraux et aux officiers
de la rébellion touarègue, casse le moral de l’armée et crée un esprit de
sédition au sein de la troupe. Et ce qui devait arriver, arriva.
Le Commandant Salou Djibo, qui commandait la 5ème Compagnie de
Commandement d’Appui et de Services (CCAS), unité d’élite chargée de la
protection de la capitale et de la sécurisation des institutions, décide de
passer à l’action pour arrêter la dérive autoritaire du Président Tandja. Face
à la tiédeur de ses supérieurs devant la dictature qui s’emparait du Niger,
il a pris ses responsabilités. Avec ses hommes, ils ont attaqué le palais
présidentiel le jeudi 18 février 2010, juste après le Conseil des Ministres et
mis aux arrêts le Président et son Premier ministre. Au Niger, c’est le
premier coup d’État opéré sans le concours de l’État-major de l’Armée.
Le Commandant Djibo est un ancien élève de l'École des Forces armées
(EFA) de Bouaké, où il a effectué sa formation d'officier de 1995 à 1997. Il
en est sorti sous-lieutenant et appartient à la promotion Joseph Anoma de
ladite école. Il a conduit une courte transition d’un an, à la tête du Conseil
Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) et a transmis le
pouvoir le 7 avril 2011, au nouveau Président de la République
élu, Mahamadou Issoufou. Le Tazartché voulu et rêvé par Mamadou Tandja
n’aura duré en tout et pour tout que 56 jours, avant qu’il ne soit brutalement
ramené à la réalité.
Entre le parcours du Tazartché suivi par Mamadou Tandja et la tentation du
troisième mandat d’Alassane Ouattara, que de similitudes !
Similitudes au plan politique
• La perte de son principal bras droit
Alassane Ouattara a obtenu le soutien d’une coalition qui lui a permis de
gouverner pendant 10 ans, dans la stabilité et la sécurité. Avant, pendant
et après la crise armée, il a obtenu l’appui de Guillaume Soro, son plus fidèle
allié, pour l’imposer au palais et affermir son trône présidentiel.
Guillaume Soro, c’était un peu son Hama Amadou, l’homme qui prenait tous
les coups pour lui, qui défendait sa politique et affrontait ses adversaires,
politiquement et militairement afin qu’il ait du répit. Autant Mamadou
Tandja a évincé Hama Amadou de la Primature par un vote de défiance de
la majorité parlementaire MNSD et l’a fait mettre aux arrêts, autant le
Président Ouattara a contraint Guillaume Soro à la démission du perchoir
de l’Assemblée nationale où pourtant leur parti commun avait une majorité
absolue. Hama Amadou est allé créer son propre parti, le Mouvement
démocratique nigérien (Moden-Fa Lumana), et Guillaume Soro est allé créer
le mouvement Générations et Peuples Solidaires (GPS), sa propre formation
politique.
À la différence d’Hama Amadou, Guillaume Soro a échappé à une
arrestation parce que son avion a été dérouté à la dernière minute, mais il
a écopé d’une condamnation judiciaire comme son jumeau nigérien et ses
partisans ont été arrêtés en masse et emprisonnés.
• La perte de son principal soutien politique
Mamadou Tandja est issu de l’ethnie minoritaire Kanouri, métissage de
Peulh et de Soninké. Il fut le premier Président du Niger qui ne soit pas issu
des groupes ethniques Haoussa ou Djerma. Au Niger, le poids des groupes
ethniques est reparti comme suit : les Haoussa (47 %), les Djerma ou
Zerma (18 %), les Peulhs (8 %), les Amazigh (4,8 %) et les Kanouri (4,2
%).
Mamadou Tandja, après avoir échoué deux fois à l’élection présidentielle
(en 1993 face à Mahamane Ousmane et en 1996 face à Ibrahim Baré
Maïnassara), n’avait aucune chance de devenir un jour Président de la
République du Niger, s’il ne bénéficiait pas du soutien d’une puissante tribu.
Il trouva son salut en Mahamane Ousmane.
En effet, Mahamane Ousmane, économiste, socio-démocrate, fut le
premier Président de la République du Niger élu démocratiquement
en 1993 et renversé en 1996 par un coup d'État du Général Maïnassara.
Lors de la présidentielle de 1999, face à son adversaire Mahamadou
Issouffou, issu de l’ethnie Haoussa, Mamadou Tandja avait très peu de
chances s’il n’obtenait pas le soutien d’un puissant allié. C’est ainsi qu’il se
tourna vers Mahamane Ousmane, son ancien adversaire politique, le priant
d’appeler sa communauté à voter pour lui. C’est donc ce dernier, qui pesa
de tout son poids et de son prestige d’ancien Chef d’État pour que le vote
haoussa ne se reporte pas systématiquement sur Mahamadou Issoufou,
l’Haoussa et bascule en faveur de Tandja, le Kanouri.
En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara issu de l’ethnie malinké ne pouvait
devenir président sans le soutien électoral d’une puissante ethnie. Candidat
au deuxième tour face à Laurent Gbagbo, il se tourna vers son vieil ennemi
Henri Konan Bédié, pour le supplier d’appeler les Akans à voter pour lui.
Auréolé de son statut d’ancien Chef d’État renversé par un coup d’État en
1999, le Président Bédié lança un appel public à voter en faveur d’Alassane
Ouattara. Et c’est le vote Akan qui permit à celui-ci de devenir Président de
la République en 2010.
En somme, Mahamane Ousmane a apporté au second tour, le soutien des
Haoussa au candidat Tandja d’origine mauritanienne par son père tout
comme Bédié a apporté le soutien des Baoulés au candidat Ouattara
d’origine voltaïque.
Mais, comme le fit Mamadou Tandja pour l’Assemblée nationale dirigée par
son allié Mahamane Ousmane, le Président Ouattara s’est attelé à dissoudre
le PDCI de son allié Henri Konan Bédié. Lui et Tandja ont perdu leurs
puissants soutiens politiques et se sont mis dans une situation de fragilité
politique extrême. Cela fut fatal pour le président nigérien. Pour le cas
ivoirien, les choses sont en cours.
• La nomination d’un Premier ministre noceur
Quand il a fait arrêter et emprisonner pendant 10 mois à la prison de haute
sécurité de Koutoukalé, son Premier ministre Hama Amadou, Mamadou
Tandja avait urgemment besoin d’un bourreau de travail à ses côtés. À plus
de 70 ans, il n’avait pas la force d’un jeune homme et devait beaucoup
déléguer.
Hama Amadou, le Secrétaire Général de son parti, faisait si bien son boulot
de Premier ministre que le Président Tandja l’a gardé pendant sept ans à
ce poste. Un record.
Au Niger, à cette époque, on parlait de « présidence laisse-guidon ». Et une
célèbre chanteuse nigérienne, Absou Garba, fit même une chanson
populaire dont le refrain était « Tandja yana kwana, Hama na aiki » (Tandja
dort pendant que Hama travaille).
Il nomma d’abord Seyni Oumarou, qui démissionna pour se présenter aux
législatives. Puis, finit par choisir Ali Badjo Gamatié. Ce fut son erreur.
Gamatié fut présenté à l’opinion comme un grand cadre nigérien issu de la
BCEAO et qui pouvait relever le Niger au moment où ce pays faisait face à
l’une des plus graves crises politiques de son existence. Ali Badjo Gamatié
se révéla un piètre Premier ministre, qui préférait plus se promener à bord
du « Mont Bagazam », l’avion présidentiel, que réellement plancher sur ses
dossiers. Il accompagnait aveuglément le Président dans sa volonté de
tazartcher.
Quand les sanctions de la CEDEAO et de l’Union Africaine ont commencé à
pleuvoir sur le Niger, quand les capitales occidentales ont commencé à se
fermer face aux diplomates nigériens et que les bailleurs de fonds ont serré
les cordons de la bourse au moment où le Niger commençait à entrer en
phase de famine, le nouveau Premier ministre, lui festoyait avec ses copains
pour célébrer sa nomination. Il tenta une tournée dans les capitales de la
CEDEAO pour essayer d’expliquer le bien-fondé du Tazartché, mais ne
réussit à rencontrer aucun chef d’État francophone. Il tenta la même
opération auprès des pays anglophones, mais le leadership du Nigeria sur
la CEDEAO le ramena à la raison. Il rentra donc au pays et continua sa
bamboula pendant que le pays s’enfonçait dans une crise politique grave.
En Côte d’Ivoire, un schéma similaire se dessine. Au moment où le pays est
entré en crise politique, le Président nomme un champion de N’dombolo à
la Primature. Là où un travail de conciliation et de consensus politique
autour des élections est nécessaire, le nouveau Premier ministre pousse le
président dans le dos à persister dans sa volonté de briguer un troisième
mandat anticonstitutionnel et continue d’organiser des fêtes fastueuses à
sa résidence.
• Le défilé des courtisans pour réclamer une prolongation du mandat
Après le décès du Premier ministre Amadou Gon-Coulibaly, et sur le lieu
même de ses obsèques, le Président Ouattara a commencé à faire défiler
des populations choisies à dessein, pour venir le supplier de faire une
prolongation de son mandat, bien que la Constitution lui interdise d’en
rêver. Ce défilé lugubre s’est poursuivi pendant plusieurs semaines pendant
lesquelles l’on a vu des rois, des chefs traditionnels, des cadres issus des
régions supplier le Président de la République d’accepter de faire un
troisième mandat anticonstitutionnel. Certains ministres sont même allés
jusqu’à verser des larmes en public dans leurs supplications. Le parti
présidentiel a organisé un vaste Conseil politique télévisé, pour demander
au Président Ouattara de prolonger son mandat au-delà du terme
constitutionnel. Exactement comme l’ont fait les partisans de Mamadou
Tandja.
• La coalition présidentielle explose
Quand Mamadou Tandja s’est mis en tête de tazartcher son mandat
présidentiel, il a perdu le précieux soutien de ses alliés politiques qui avaient
fait bloc derrière et avaient opéré un report des voix en sa faveur. Il a perdu
outre Hama Amadou qui a emporté avec lui une partie des cadres et des
militants du MNSD, Mahamane Ousmane du CDS-Rahama, Cheiffou
Amadou de RSD-Gaskiya et Moumouni Adamou Djermakoye de l’ANDP-
Zaman Lahiya.
Alassane Ouattara, lui, a perdu, outre Guillaume Soro, Henri Konan Bédié
et le PDCI-RDA, Albert Mabri Toikeusse et l’UDPCI, Anaky Kobenan et
Anzoumane Moutayé du MFA et Me Soro Brahima de l’UPCI. Il est réduit à
la seule dimension du RDR privée d’une grande partie de ses militants qui
ont préféré suivre Guillaume Soro à GPS.
Comme Mamadou Tandja qui avait distribué une série de mandats d’arrêt
contre ses opposants, Alassane Ouattara ne s’est pas privé du plaisir de
lancer à son tour des mandats d’arrêt contre ses opposants, Laurent
Gbagbo, Blé Goudé Charles, Guillaume Soro et peut-être bientôt Mabri
Toikeusse.
• La violation des constitutions et des serments
Comme Mamadou Tandja déclarait devant le Président français Nicolas
Sarkozy qu’il ne toucherait jamais à la Constitution de son pays et s’en irait
à la fin de son mandat, Alassane Ouattara déclarait, lui aussi le 5 mars
2020 : « J’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31
octobre 2020 et de transférer le pouvoir à la jeune génération. Cette
décision est conforme à ce que j’ai toujours dit ».
Mais, le 29 juillet 2020, il déclarait face aux membres du Conseil politique
de son parti qui lui demandaient avec insistance d’être candidat : « J’ai
entendu les différents messages. Je prends acte des résolutions du Conseil
politique. Je vous demande de me laisser le temps du recueillement et de
la récupération avant de vous donner une réponse très prochainement.
Notre pays fait face à des défis. Je ne peux pas rester insensible à la
nécessité de préserver la paix dans la sous-région ».
Enfin, dans un discours télévisé, diffusé la veille du 60ème anniversaire de
l’indépendance de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a annoncé qu’il ne
pouvait rester insensible aux appels de son peuple et qu’il prenait la décision
de tazartcher à son tour !
Pourtant, le Président Ouattara sait très bien que la Constitution de la Côte
d’Ivoire l’empêche de briguer un troisième mandat. Et comme Mamadou
Tandja, Alassane Ouattara a l’assurance que le Président Nicolas Sarkozy le
soutiendra et fera en sorte que la France le soutienne également au nom
de la « doctrine de la stabilité ».
• La tension dans le pays
Le projet de troisième mandat rêvé par Alassane Ouattara a mis en péril la
précaire paix civile retrouvée il y a tout juste une décennie. Dans son propre
camp, les défections se multiplient. Son ami de 40 ans, Daniel Kablan-
Duncan l’a abandonné. Son ami de plus de trente ans, Marcel Amon Tanoh
l’a quitté.
Le cas Marcel Amon Tanoh est typique. C’est un personnage qui a toujours
été au cœur du pouvoir. Il y a grandi et s’y est développé. Si Marcel Amon
Tanoh quitte un pouvoir qu’il a contribué à mettre en place, dans lequel il
était un personnage influent et prépondérant, c’est qu’il a compris la vacuité
du système et sa fin proche. Il a préféré partir plutôt que de rendre compte
des dérives d’un système dans lequel il ne se reconnaissait plus. Il avait
constaté que le Président Ouattara était devenu autiste, égocentré et
n’écoutait plus que la voix des laudateurs. C’est tellement typique de ce qui
avait cours sous Mamadou Tandja !
Tous les ambassadeurs et les hautes personnalités, qui se rendaient au
Niger et y rencontraient les conseillers du chef de l’État, étaient étonnés de
les entendre répéter, les uns après les autres, que le Président Tandja était
devenu sourd aux conseils, était entêté et qu’ils étaient obligés de
l’accompagner dans son tazartché, sans y croire.
À Abidjan, ceux qui sont dans les cercles les plus proches du Président
Ouattara disent exactement la même chose. Ils savent qu’il avait donné sa
parole en public. Ils savent que son projet de troisième mandat ne peut
apporter que la ruine et la désolation au pays. Mais, tous ont la même
phrase à la bouche : « on ne peut rien dire, sinon on risque nos vies ». Ils
regardent donc le président conduire le pays dans le mur en priant qu’il
aura le réflexe de freiner à la dernière minute. Avec l’opposition, c’est
identique.
Le Président Alassane Ouattara est en guerre ouverte avec le PDCI-RDA,
dont il a fait arrêter des cadres tel Jacques Mangoua et poussé à l’exil
d’autres comme Akossi Bendjo. Il est en guerre déclarée avec Guillaume
Soro qu’il a tenté de faire assassiner le 23 décembre 2019 à l’aéroport
militaire d’Abidjan et détient prisonniers 32 de ses partisans. Le maintien
en prison de dizaines de prisonniers politiques pro-Gbagbo et son projet de
décapitation des principaux partis politiques ou de rejet de la candidature
des principaux leaders de l’opposition politique font peser une menace
grave sur la stabilité et la sécurité du pays.
En outre, l’interdiction de rassemblement signifiée aux militants de
l’Opposition, tandis que les membres du RHDP, le parti présidentiel se
rassemblent dans tous les endroits qu’ils veulent. L’accaparement des
médias publics pour la couverture exclusive des activités du camp
présidentiel crée une distorsion dans le jeu politique. À cela s’ajoutent les
arrestations multiples de bloggeurs et de cyberactivistes proches de
l’opposition, tandis que les appels au meurtre fréquents émanant de
cyberactivistes et de leaders politiques du clan Ouattara ne donnent lieu à
aucune réponse judiciaire. Cela crée un sentiment d’injustice qui se répand
dans tout le corps social.
• Le parti au pouvoir seul autorisé à manifester
Quand face au Président Sarkozy, Mamadou Tandja a laissé sous-entendre
qu’il pourrait rester si le peuple le lui demandait, il a déclenché la mise à
feu du Tazartché. Tous les gouverneurs de régions, qui sont
presqu’exclusivement des militaires, ont commencé à autoriser, voire à
susciter des marches de soutien au Tazartché.
Le gouverneur de Niamey, Tahirou Amadou a fait montre d’un zèle
particulier dans la délivrance des autorisations de marches aux pro-
Tazartché et interdit celles de la Société civile et des partis de l’opposition.
Les gouverneurs de Zinder, Yahaya Yendaka et de Tahoua, Zéty Maïga ne
sont pas en reste.
L’opposition n’avait pas accès aux médias publics qui ont été occupés à
longueur de journées par des intellectuels, des juristes, des journalistes,
des politologues, des religieux, des chefs de tribus, des associations de
femmes, de jeunes, d’artistes, etc. qui, tous, venaient réclamer en chœur
une prolongation du mandat présidentiel de Mamadou Tandja.
Les médias privés étaient soumis à de fortes pressions et plusieurs
directeurs de publications proches de l’opposition sont arrêtés. Des
journalistes comme Ibrahim Hamidou, journaliste renommé et Directeur de
publication de « Tribune du Peuple » du temps de sa splendeur, vendit son
âme au Tazartché contre espèces sonnantes et trébuchantes et devient
milliardaire. En transformant son journal en tribune des pro-Tazartché et
en attaquant violemment ses anciens amis de l’opposition, il obtient
plusieurs récompenses, dont la plus notable fut son association avec Hadia
Toulaye Tandja, le fils du Président Tandja, dans un obscur business minier,
dont il revendit ses parts contre 2 milliards de francs CFA.
Cela rappelle en Côte d’Ivoire, le cas d’un certain Méité Sindou, journaliste
reconnu qui abandonna ses amis soroïstes de l’opposition pour rejoindre
prestement le navire du troisième mandat, contre espèces sonnantes et
trébuchantes également.
Le Général Diomandé Vagondo, âme damnée d’Alassane Ouattara et de son
frère Téné Birahima Ouattara, a été placé au ministère de la Sécurité de
Côte d’Ivoire, pour mettre des entraves à la liberté de manifester de
l’opposition. Depuis que le Général Vagondo a été nommé, les militants du
RHDP ont eu toutes les autorisations pour se réunir par milliers pour
soutenir le projet de troisième mandat présidentiel, malgré les mesures
mises en place pour la lutte contre le Coronavirus.
Mais, sous ce même Général Vagondo, l’opposition n’a reçu aucune
autorisation de rassemblement pour manifester contre la décision du
troisième mandat d’Alassane Ouattara.
Similitudes au plan sécuritaire
• La subornation de l’Armée
Comme Mamadou Tandja, Alassane Ouattara sent que son Tazartché est
très risqué. La situation socio-politique délétère couplée au
mécontentement de l’Armée que l’on déploie en première ligne face aux
djihadistes, sans aucun matériel de protection et sans primes de guerre, le
rendent particulièrement fragile. Il veut donc s’acheter un parapluie anti-
putsch. Alors, la solution trouvée est de convoquer les généraux de l’Armée,
de la Police et de la Gendarmerie pour les couvrir d’argent. Comme chacun
sait, chaque général est ressorti de son entretien avec le chef de l’État avec
son enveloppe de 100 millions de francs CFA. Exactement comme Mamadou
Tandja avait cadeauté ses propres généraux de 50 millions de francs CFA
et d’une villa.
Le Président Ouattara, suivant les traces de son modèle nigérien, fit
convoquer les chefs de l’ancienne rébellion des Forces Nouvelles et leur fit
remettre à chacun 50 millions de francs CFA, afin d’obtenir la paix dans les
casernes pendant qu’il tenterait de violer la Constitution pour briguer un
troisième mandat. Mais, et les soldats du rang ? Rien. Zéro. Oubliés, comme
au Niger.
• Recrutement de miliciens
En sus de l’application de ce qu’il a appris de Mamadou Tandja, Alassane
Ouattara a pris la précaution de recruter au moins un millier de miliciens,
auxquels viendront s’ajouter des supplétifs. Tout ce monde est en train de
se préparer pour le Jour J, c’est-à-dire le 6 août 2020, le jour où Alassane
Ouattara s’est déclaré candidat et entrera bientôt en campagne électorale.
Il a bien dépensé 5 milliards de francs CFA pour acheter les généraux, mais
il se dit qu’il faut dépenser quelques milliards de plus pour recruter des
miliciens, car avec les militaires, on ne sait jamais. Ils pourraient avoir des
états d’âme le jour décisif. Les miliciens eux n’en auront pas.
Similitudes au plan économique et social
• Le PSP Tandja et le PPU d’Alassane Ouattara, des clones
Quand Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir, quelques mois plus tard, il
réussit à obtenir le point d’achèvement de l’initiative PPTE, préparé
plusieurs années en amont par les gouvernements précédents. Ce sont donc
6 000 milliards de francs CFA qui ne seraient plus affectés au
remboursement annuel de la dette, qu’il a décidé d’utiliser en créant un
programme hors-budget et hors contrôle baptisé Programme Présidentiel
d’Urgence (PPU), comme le Programme Spécial Présidentiel (PSP) de
Mamadou Tandja. En la matière, le Président Ouattara n’a rien inventé et a
tout copié sur le Niger.
Le Programme Spécial Présidentiel fut qualifié de Gâchis Spécial Présidentiel
par les Nigériens, tant il a permis à la coterie proche du chef de l’État de
s’enrichir outrageusement, tandis que la population croupissait sous le poids
de la misère. Pour rentrer dans les clous du FMI afin d’obtenir ce fameux
PPTE, le Président Tandja avait diminué les salaires des fonctionnaires,
suspendu les appuis à l’éducation, à la santé, gelé l’embauche de nouveaux
fonctionnaires et abaissé l’âge de départ à la retraite. Et quand les fruits de
ces sacrifices sont arrivés, seuls lui et une partie des Tazartchistes se
sucraient sur le dos des pauvres Nigériens.
En Côte d’Ivoire, c’est pareil. Nul n’a jamais su avec exactitude le montant
réel des fonds alloués au PPU. Pas même le Parlement, ni les membres
lambda du gouvernement. Seuls le Président Ouattara et son fidèle coursier,
Amadou Gon-Coulibaly, savaient combien ils mettaient dans la cagnotte et
combien ils dépensaient réellement pour les projets PPU. Dans notre pays,
chacun sait que la plupart des ministres se sont fait construire leurs
résidences sur les fonds du PPU, alors que lesdits fonds étaient à l’origine
destinés aux œuvres sociales prioritaires. Le FMI qui s’en agaçait a sifflé la
fin de la récréation et le PPU a été dissout sans jamais rendre compte de
l’utilisation des fonds. Voici le régime d’Alassane Ouattara et pourquoi à
l’instar de Mamadou Tandja, il est déterminé à tester la bravoure des
Ivoiriens en se lançant dans son projet hérétique de troisième mandat.
Mais, les Nigériens s’en souviennent encore : le jour où le Commandant
Salou Djibo a décidé d’arrêter la dérive autoritaire du Président Tandja, tous
les braves aux discours guerriers se sont évaporés. Lorsque Salou Djibo et
ses hommes ont débarqué dans la salle du Conseil des Ministres, c’était la
débandade générale. Le Président Tandja à 71 ans, a retrouvé la vigueur
de ses 20 ans et a détalé pour s’enfermer dans son bureau dont la porte
blindée, était censée lui garantir une sécurité à toute épreuve, abandonnant
derrière lui son Premier ministre et les membres du gouvernement. Le
Premier ministre Ali Badjo Gamatié quant à lui, a plongé sous la table du
Conseil des Ministres en essayant de se faire le plus petit possible afin de
se rendre invisible. Peine perdue. Le Président Tandja et lui ont été cueillis
comme des poules et conduits à la garnison de Tondibia.
Après, il fut confié au procureur et transféré au camp pénal de Kollo, après
un séjour de plusieurs mois de séquestration à la villa verte de Niamey.
Malheureusement, l’histoire est en train de se répéter en Côte d’Ivoire, où
le Président Alassane Ouattara, sans tirer aucune leçon de la désastreuse
tentative de Tazartché au Niger, semble avoir décidé comme Mamadou
Tandja, de finir sa vie dans les rebuts de l’Histoire.
CHRIS YAPI avec la collaboration de MAROU IDRISSOU, investigateur à Niamey
sera-t-il le Mamadou Tandja des Lagunes ? L’histoire de l’impossible
troisième mandat qui a coûté au président du Niger son fauteuil, sa
réputation et liquidé les acquis de ses dix ans de redressement économique
va-t-il se répéter en Côte d’Ivoire ? Les faits indiquent que oui. L’histoire
nous enseigne que c’est tout à fait probable.
« Tazartché » est un mot qui signifie « continuité » ou « prolongation » en
haoussa, la langue majoritaire du Niger. Ce mot est devenu le slogan des
partisans de l’ancien Président du Niger, Mamadou Tandja. Plus qu’un
slogan, le Tazartché était la planche de salut à laquelle s’accrochaient avec
l’énergie du désespoir les membres du clan au pouvoir, la coterie de jeunes
loups du MNSD-Nassara (Mouvement National pour la Société du
Développement), le parti présidentiel et le conglomérat de tous les
opportunistes profito-situationnistes nigériens, qui voyaient en un maintien
du président au-delà du terme légal de son mandat, l’occasion de garder ou
d’accéder à des privilèges indus.
Mamadou Tandja fut l’un des rares présidents nigériens arrivés
démocratiquement au pouvoir par des élections libres et transparentes.
Après une période de transition militaire dirigée par le Commandant Daouda
Malam Wanké qui avait renversé le Général Ibrahim Baré Maïnassara, le
Lieutenant-colonel à la retraite, Mamadou Tandja est élu président de la
République pour cinq ans et prend ses fonctions le 22 décembre 1999.
Grâce aux fonds issus du programme PPTE (Pays Pauvres Très Endettés),
le nouveau président initie un « Programme Spécial Présidentiel » qui porte
son nom. Avec le « PSP Tandja », il multiplie les cases de santé, les classes,
les mini-barrages, les seuils d'épandage, les puits pastoraux, octroie des
crédits aux femmes rurales, etc. De nouvelles bâtisses font leur apparition
et quelques kilomètres de bitume sont posés. Ses réalisations sont
positivement perçues par le monde rural.
En novembre 2004, il est réélu sans surprise pour un second et dernier
mandat de cinq ans, devenant ainsi le premier président qui boucle un
mandat entier sans être renversé par un coup d’État.
En effet, le Président Tandja bénéficie, pendant ses deux mandats, d’une
coalition politique qui lui permet de gouverner sans soucis majeurs.
Politiquement, il est soutenu notamment par :
- Le MNSD-Nassara son parti d’alors ;
- Hama Amadou, Premier ministre et Secrétaire général du MNSD-Nassara;
- Mahamane Ousmane, Président du Parlement et Président de la
Convention Démocratique et Sociale (CDS-Rahama) ;
- Cheiffou Amadou, Président du Conseil Économique, Social et Culturel et
Président du Rassemblement Social-Démocrate (RSD-Gaskiya) ;
- Moumouni Adamou Djermakoye et son parti l’Alliance Nigérienne pour la
Démocratie et le Progrès (ANDP-Zaman Lahiya) ;
- Hamid Algabid, ancien Secrétaire Général de l’Organisation de la
Conférence Islamique, Président du Rassemblement pour la Démocratie et
le Progrès (RDP Jama’a), parti fondé par le défunt Président Baré
Mainassara ;
- Sanoussi Tambari Jackou, Président du Parti Nigérien pour
l'Autogestion (PNA Al Ouma), qui représentait la gauche pure et dure. Il
faut noter que M. Sanoussi a subi la purge de l’époque de Seyni Kountché
où il fut emprisonné 16 ans durant. On pourrait le comparer à M. Bamba
Moriféré en Côte d’Ivoire.
Seul l’actuel Président de la République du Niger, le socialiste Mahamadou
Issoufou, issu des milieux syndicalistes estudiantins, demeure dans
l’opposition.
Pendant dix ans, Mamadou Tandja règne en maître incontesté sur le Niger.
Sa priorité est de rétablir les contacts avec les bailleurs de fonds
internationaux et leur offrir des garanties de stabilité et de libéralisme
économique. Il sait que le budget du Niger dépend pour 50% des aides
internationales. Il donne donc des gages de sécurité et de fermeté aux
investisseurs. Il est juste perturbé par la résurgence en 2007 au nord du
pays, de la rébellion touarègue du Mouvement des Nigériens pour la Justice
(MNJ), qu’il avait matée en 1990, quand il était ministre de l’Intérieur du
Général Ali Saïbou. Il doit également faire face à des contestations
estudiantines, mais surtout à une mutinerie de plusieurs unités militaires.
À nouveau, le Président Tandja mate la mutinerie dans le sang et interdit à
la presse d’en parler. Huit propriétaires de journaux privés qui en ont parlé
sont arrêtés et conduits à la Documentation d’État, la police politique du
régime. Pour ce qui est de la rébellion du MNJ, il décréta tous les 3 mois,
« l’état de mise en garde » dans le nord du pays.
Des dix années de gouvernance Tandja, l’opinion publique veut retenir la
reprise de la coopération avec les bailleurs de fonds et les partenaires au
développement, la régularité du versement des salaires des fonctionnaires,
la stabilité retrouvée, un effort en direction du monde rural et le lancement
des grands chantiers d’infrastructures.
Mais en 2008, le groupe français AREVA met à jour d’énormes gisements
d’uranium dans la mine d’Imouraren et prévoit un contrat d’exploitation de
plusieurs milliards d’euros avec le Niger sur 35 ans !
Aussitôt, des mouvements surgissent dès la fin de 2018 pour réclamer au
Président de Tazartcher (continuer) pour encore trois ans, après la fin de
son mandat. Une campagne des Tazartchistes (les supporters de Tandja)
commence à demander une extension de son mandat. Des autorités
administratives, coutumières et politiques favorables au courant
présidentiel, mobilisent les populations et entament un ballet devant les
caméras pour demander au chef de l’État de rempiler pour trois années
supplémentaires. Tous les médias d’État sont mis à contribution et on le
supplie de ne pas rester sourd aux requêtes de son peuple. Les
Tazartchistes mettent en avant les grands chantiers qui restent à achever :
- Le deuxième pont en construction sur le fleuve Niger à Niamey ;
- La raffinerie de pétrole de Zinder qui est en chantier ;
- L’usine d’extraction d’uranium d’Imouraren dans la région d’Agadez ;
- L’usine d’extraction de charbon de Sakadamna ;
- La cimenterie de Kaou dans la région de Tahoua ;
- Le barrage de Kandadji sur le fleuve Niger.
Les alliés politiques sont abasourdis devant le silence du chef de l’État, qui
ne dit rien devant ce défilé. Selon la Constitution de 1999, le président ne
peut avoir plus de deux mandats de cinq ans et Mamadou Tandja le sait,
mais il se tait !
À l’occasion de la visite du président français Nicolas Sarkozy à Niamey, le
27 mars 2009, la question lui est posée directement par un journaliste
français et il est obligé d’y répondre en ces termes : « Grandir, pour moi,
est de partir la tête haute. Quand la table est desservie, il faut partir. Ne
pas chercher à radoter autour pour chercher un autre mandat. Je suis très
clair là-dessus. Je n'ai jamais demandé à aucun Nigérien, un instant : est-
ce qu'on peut ceci, on peut cela, où on va ? Jamais. Et je ne le ferai jamais,
demander quoi que ce soit qui m'amène à changer la constitution nigérienne
ou alors à chercher des modifications dans notre constitution. Je la garde
comme cela, je la préfère comme cela, jusqu'au bout.
Maintenant, pour ce qui est du peuple nigérien, les régions se sont
prononcées pour dire : « Permettez au Président Tandja, trois ans pour
boucler tous les chantiers qu'il a démarrés pour des raisons de stabilité et
pour compléter ce qui est programmé ».
C'est l'affaire du peuple et de l'Assemblée. Ce n'est plus pour Tandja et
Tandja ne parlera ni au Président de l'Assemblée, ni à quelqu'un d'autre
pour dire à l'Assemblée de regarder cela, ce n'est plus mon affaire. À eux
de savoir ce qu'il faut faire. Je suis prêt à partir demain. Le 22 décembre,
c'est la fin de mon mandat : au revoir, je me retire, merci bien. »
Tout le monde est stupéfait : le Président Tandja déclare qu’a priori, il n’est
pas intéressé par un prolongement anticonstitutionnel de son mandat, mais
si l’Assemblée nationale se penche sur cette question, il pourrait réexaminer
sa position ! Le Président Nicolas Sarkozy, qui est présent à ses côtés, fait
une déclaration alambiquée dans laquelle l’on retient deux éléments-chocs.
Le premier, c’est cette phrase : « En 49 ans, la seule période de démocratie
et de stabilité, c'est celle des deux mandats du Président Mamadou Tandja.
(...) Ce que je pense, c'est que si les Nigériens devaient se décider ce soir,
ce devrait être fait par le consensus et que le bien le plus précieux, c'est la
stabilité qu'ils ont obtenue et la démocratie ». Et la deuxième phrase qui
est la bombe : « Moi, j'ai changé la Constitution pour limiter le nombre de
mandats. Je ne peux pas être contre. »
En définitive, l’opposition a compris : je ne suis pas contre la limitation des
mandats, mais le Président Tandja a compris : je ne suis pas contre la
modification de la Constitution, puisque moi-même je l’ai fait en France.
Pis, le Guide libyen Mouammar Kadhafi en visite au Niger en mars 2009,
lance : « Je suis pour la liberté de la volonté populaire. Il faut que le peuple
choisisse celui qui doit gouverner, même pour l’éternité. »
À partir de là, le Président Tandja qui se sent soutenu par Nicolas Sarkozy,
décide de déclarer ouvertement ses intentions. Le 04 Mai 2009, il déclare :
« Le peuple demande que je reste, je ne peux pas rester insensible à son
appel ». Et la France ne dit rien, car elle a décidé d’appliquer sa fameuse
« doctrine de la stabilité ».
En effet, elle préfère un dictateur qui maintient un habillage démocratique
et qui est finalement conciliant pour ses intérêts économiques, plutôt que
de soutenir une vraie démocratie. Nicolas Sarkozy craint qu’avec un
nouveau président et dans un cadre plus démocratique, la France soit
obligée de renégocier les accords qui encadrent son activité d’extraction
d’uranium. Commence alors un forcing pour décapiter toutes les institutions
qui s’opposent à ce projet de troisième mandat.
Le Premier ministre Hama Amadou, qui est réticent face à cette tentation
autoritaire, chute avec son gouvernement, victime d’un vote de défiance du
Parlement dans lequel il a pourtant la majorité à 88% ! Il montrait les plus
vives réserves face à ce projet de prolongement anticonstitutionnel du
mandat présidentiel. Il est limogé et emprisonné.
Le nouveau Premier ministre, Seyni Oumarou est un Tazartchiste zélé. Il
fait annoncer par le porte-parole du Gouvernement, dans les médias
publics, l’intention du Président d’organiser un referendum sur la question.
L’Assemblée nationale, dirigée par son allié Mahamane Ousmane, chef du
puissant CDS-Rahama avec lequel il a réussi à obtenir une alliance
majoritaire au parlement, est saisie d’un projet de loi de referendum pour
demander au peuple, si le Président peut continuer à rester au pouvoir
pendant trois ans supplémentaires, après la fin de son mandat, afin de
terminer ses chantiers. L’Assemblée nationale s’oppose à ce projet et
indique qu’il va rejeter le projet de loi présenté par le Gouvernement. Alors,
le Président Tandja entre en colère et dissout le Parlement, le 26 mai 2009,
avant même qu’il ne rejette le texte.
Les députés sont convoqués à la gendarmerie le 17 juin suivant, pour
s’expliquer sur de prétendues gabegies dans la gestion des fonds du
Parlement. Le Président de la République décide de s’arroger les pouvoirs
législatifs et de gouverner désormais par ordonnances et par décrets. Il
publie un décret convoquant le collège électoral pour le référendum. Un
groupe de partis d’opposition attaque alors le décret du chef de l’État devant
la Cour constitutionnelle. Dans un avis à l'unanimité de ses membres, la
Cour constitutionnelle nigérienne, présidée par Mme Salifou Fatimata
Bazeye déclarait que le référendum était anticonstitutionnel et qu'il allait
contre le serment que Mamadou Tandja avait prêté. En conséquence, elle a
annulé le décret.
Le chef de l’État riposte en faisant défiler les populations à la télé pour
couvrir d’invectives la Cour Constitutionnelle et ses membres. Le 29 juin
2009, Mamadou Tandja prend un décret qui dissout la Cour
Constitutionnelle, malgré les dispositions de l’article 105 de la Constitution
soulignant que « les membres de la Cour Constitutionnelle sont inamovibles
pendant la durée de leur mandat ». Il est désormais chef de l’État, chef du
Pouvoir législatif et chef du Pouvoir judiciaire. Il est devenu un dictateur.
Il prend un nouveau décret pour convoquer les électeurs, non plus pour
solliciter une prolongation de trois ans, mais pour adopter une nouvelle
constitution. Ça sera celle de la 6ème République, qui remet tous les
compteurs à zéro et qui lui permet de briguer autant de mandats qu’il veut,
en plus d’une rallonge de trois ans sur le mandat en cours.
Dans les rues, l’Opposition et les syndicats manifestent chaque jour. Les
invectives et la tension montent brutalement dans le pays entre anti et pro
Tazartché.
Le Président Tandja a coupé le pays de tous ses voisins africains et son
entêtement à dissoudre toutes les institutions de la République ont conduit
les bailleurs de fonds à suspendre leur coopération avec le Niger et à fermer
le robinet des financements. Le pays est miné par des grèves perlées.
Dans les casernes, des tracts exprimant un malaise dans l'armée
commencent à circuler. La tension au sein de la troupe est perceptible. Le
chef d’État-major des armées, le Général Moumouni Boureïma, très proche
du Président Tandja, fait une tournée dans les casernes pour « mettre en
garde » les soldats contre toute « tentative de remise en cause des
institutions de la République ».
Après l’adoption au forceps de sa nouvelle constitution et la prolongation
illégale de son mandat, au mépris des appels répétés de la CEDEAO et de
l’Union Africaine pour le respect de l’ordre constitutionnel nigérien,
Mamadou Tandja veut se mettre à l’abri d’un coup d’État militaire.
Ainsi, il a convoqué tous les généraux de l’Armée, de la Police et de la
Gendarmerie à sa résidence. Chacun d’eux a reçu une villa clés en main et
50 millions de francs CFA, pour acheter leur soutien. Il arrose aussi
copieusement les officiers supérieurs des ex-rebelles touaregs du MNJ.
Chacun d’eux reçoit également une villa et un bonus de 20 millions de francs
CFA. En échange, ils doivent maintenir l’arrêt des combats au nord qui ont
beaucoup fragilisé le Président. Pour le reste de la troupe : rien. Zéro. La
nouvelle des centaines de millions distribués aux généraux et aux officiers
de la rébellion touarègue, casse le moral de l’armée et crée un esprit de
sédition au sein de la troupe. Et ce qui devait arriver, arriva.
Le Commandant Salou Djibo, qui commandait la 5ème Compagnie de
Commandement d’Appui et de Services (CCAS), unité d’élite chargée de la
protection de la capitale et de la sécurisation des institutions, décide de
passer à l’action pour arrêter la dérive autoritaire du Président Tandja. Face
à la tiédeur de ses supérieurs devant la dictature qui s’emparait du Niger,
il a pris ses responsabilités. Avec ses hommes, ils ont attaqué le palais
présidentiel le jeudi 18 février 2010, juste après le Conseil des Ministres et
mis aux arrêts le Président et son Premier ministre. Au Niger, c’est le
premier coup d’État opéré sans le concours de l’État-major de l’Armée.
Le Commandant Djibo est un ancien élève de l'École des Forces armées
(EFA) de Bouaké, où il a effectué sa formation d'officier de 1995 à 1997. Il
en est sorti sous-lieutenant et appartient à la promotion Joseph Anoma de
ladite école. Il a conduit une courte transition d’un an, à la tête du Conseil
Suprême pour la Restauration de la Démocratie (CSRD) et a transmis le
pouvoir le 7 avril 2011, au nouveau Président de la République
élu, Mahamadou Issoufou. Le Tazartché voulu et rêvé par Mamadou Tandja
n’aura duré en tout et pour tout que 56 jours, avant qu’il ne soit brutalement
ramené à la réalité.
Entre le parcours du Tazartché suivi par Mamadou Tandja et la tentation du
troisième mandat d’Alassane Ouattara, que de similitudes !
Similitudes au plan politique
• La perte de son principal bras droit
Alassane Ouattara a obtenu le soutien d’une coalition qui lui a permis de
gouverner pendant 10 ans, dans la stabilité et la sécurité. Avant, pendant
et après la crise armée, il a obtenu l’appui de Guillaume Soro, son plus fidèle
allié, pour l’imposer au palais et affermir son trône présidentiel.
Guillaume Soro, c’était un peu son Hama Amadou, l’homme qui prenait tous
les coups pour lui, qui défendait sa politique et affrontait ses adversaires,
politiquement et militairement afin qu’il ait du répit. Autant Mamadou
Tandja a évincé Hama Amadou de la Primature par un vote de défiance de
la majorité parlementaire MNSD et l’a fait mettre aux arrêts, autant le
Président Ouattara a contraint Guillaume Soro à la démission du perchoir
de l’Assemblée nationale où pourtant leur parti commun avait une majorité
absolue. Hama Amadou est allé créer son propre parti, le Mouvement
démocratique nigérien (Moden-Fa Lumana), et Guillaume Soro est allé créer
le mouvement Générations et Peuples Solidaires (GPS), sa propre formation
politique.
À la différence d’Hama Amadou, Guillaume Soro a échappé à une
arrestation parce que son avion a été dérouté à la dernière minute, mais il
a écopé d’une condamnation judiciaire comme son jumeau nigérien et ses
partisans ont été arrêtés en masse et emprisonnés.
• La perte de son principal soutien politique
Mamadou Tandja est issu de l’ethnie minoritaire Kanouri, métissage de
Peulh et de Soninké. Il fut le premier Président du Niger qui ne soit pas issu
des groupes ethniques Haoussa ou Djerma. Au Niger, le poids des groupes
ethniques est reparti comme suit : les Haoussa (47 %), les Djerma ou
Zerma (18 %), les Peulhs (8 %), les Amazigh (4,8 %) et les Kanouri (4,2
%).
Mamadou Tandja, après avoir échoué deux fois à l’élection présidentielle
(en 1993 face à Mahamane Ousmane et en 1996 face à Ibrahim Baré
Maïnassara), n’avait aucune chance de devenir un jour Président de la
République du Niger, s’il ne bénéficiait pas du soutien d’une puissante tribu.
Il trouva son salut en Mahamane Ousmane.
En effet, Mahamane Ousmane, économiste, socio-démocrate, fut le
premier Président de la République du Niger élu démocratiquement
en 1993 et renversé en 1996 par un coup d'État du Général Maïnassara.
Lors de la présidentielle de 1999, face à son adversaire Mahamadou
Issouffou, issu de l’ethnie Haoussa, Mamadou Tandja avait très peu de
chances s’il n’obtenait pas le soutien d’un puissant allié. C’est ainsi qu’il se
tourna vers Mahamane Ousmane, son ancien adversaire politique, le priant
d’appeler sa communauté à voter pour lui. C’est donc ce dernier, qui pesa
de tout son poids et de son prestige d’ancien Chef d’État pour que le vote
haoussa ne se reporte pas systématiquement sur Mahamadou Issoufou,
l’Haoussa et bascule en faveur de Tandja, le Kanouri.
En Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara issu de l’ethnie malinké ne pouvait
devenir président sans le soutien électoral d’une puissante ethnie. Candidat
au deuxième tour face à Laurent Gbagbo, il se tourna vers son vieil ennemi
Henri Konan Bédié, pour le supplier d’appeler les Akans à voter pour lui.
Auréolé de son statut d’ancien Chef d’État renversé par un coup d’État en
1999, le Président Bédié lança un appel public à voter en faveur d’Alassane
Ouattara. Et c’est le vote Akan qui permit à celui-ci de devenir Président de
la République en 2010.
En somme, Mahamane Ousmane a apporté au second tour, le soutien des
Haoussa au candidat Tandja d’origine mauritanienne par son père tout
comme Bédié a apporté le soutien des Baoulés au candidat Ouattara
d’origine voltaïque.
Mais, comme le fit Mamadou Tandja pour l’Assemblée nationale dirigée par
son allié Mahamane Ousmane, le Président Ouattara s’est attelé à dissoudre
le PDCI de son allié Henri Konan Bédié. Lui et Tandja ont perdu leurs
puissants soutiens politiques et se sont mis dans une situation de fragilité
politique extrême. Cela fut fatal pour le président nigérien. Pour le cas
ivoirien, les choses sont en cours.
• La nomination d’un Premier ministre noceur
Quand il a fait arrêter et emprisonner pendant 10 mois à la prison de haute
sécurité de Koutoukalé, son Premier ministre Hama Amadou, Mamadou
Tandja avait urgemment besoin d’un bourreau de travail à ses côtés. À plus
de 70 ans, il n’avait pas la force d’un jeune homme et devait beaucoup
déléguer.
Hama Amadou, le Secrétaire Général de son parti, faisait si bien son boulot
de Premier ministre que le Président Tandja l’a gardé pendant sept ans à
ce poste. Un record.
Au Niger, à cette époque, on parlait de « présidence laisse-guidon ». Et une
célèbre chanteuse nigérienne, Absou Garba, fit même une chanson
populaire dont le refrain était « Tandja yana kwana, Hama na aiki » (Tandja
dort pendant que Hama travaille).
Il nomma d’abord Seyni Oumarou, qui démissionna pour se présenter aux
législatives. Puis, finit par choisir Ali Badjo Gamatié. Ce fut son erreur.
Gamatié fut présenté à l’opinion comme un grand cadre nigérien issu de la
BCEAO et qui pouvait relever le Niger au moment où ce pays faisait face à
l’une des plus graves crises politiques de son existence. Ali Badjo Gamatié
se révéla un piètre Premier ministre, qui préférait plus se promener à bord
du « Mont Bagazam », l’avion présidentiel, que réellement plancher sur ses
dossiers. Il accompagnait aveuglément le Président dans sa volonté de
tazartcher.
Quand les sanctions de la CEDEAO et de l’Union Africaine ont commencé à
pleuvoir sur le Niger, quand les capitales occidentales ont commencé à se
fermer face aux diplomates nigériens et que les bailleurs de fonds ont serré
les cordons de la bourse au moment où le Niger commençait à entrer en
phase de famine, le nouveau Premier ministre, lui festoyait avec ses copains
pour célébrer sa nomination. Il tenta une tournée dans les capitales de la
CEDEAO pour essayer d’expliquer le bien-fondé du Tazartché, mais ne
réussit à rencontrer aucun chef d’État francophone. Il tenta la même
opération auprès des pays anglophones, mais le leadership du Nigeria sur
la CEDEAO le ramena à la raison. Il rentra donc au pays et continua sa
bamboula pendant que le pays s’enfonçait dans une crise politique grave.
En Côte d’Ivoire, un schéma similaire se dessine. Au moment où le pays est
entré en crise politique, le Président nomme un champion de N’dombolo à
la Primature. Là où un travail de conciliation et de consensus politique
autour des élections est nécessaire, le nouveau Premier ministre pousse le
président dans le dos à persister dans sa volonté de briguer un troisième
mandat anticonstitutionnel et continue d’organiser des fêtes fastueuses à
sa résidence.
• Le défilé des courtisans pour réclamer une prolongation du mandat
Après le décès du Premier ministre Amadou Gon-Coulibaly, et sur le lieu
même de ses obsèques, le Président Ouattara a commencé à faire défiler
des populations choisies à dessein, pour venir le supplier de faire une
prolongation de son mandat, bien que la Constitution lui interdise d’en
rêver. Ce défilé lugubre s’est poursuivi pendant plusieurs semaines pendant
lesquelles l’on a vu des rois, des chefs traditionnels, des cadres issus des
régions supplier le Président de la République d’accepter de faire un
troisième mandat anticonstitutionnel. Certains ministres sont même allés
jusqu’à verser des larmes en public dans leurs supplications. Le parti
présidentiel a organisé un vaste Conseil politique télévisé, pour demander
au Président Ouattara de prolonger son mandat au-delà du terme
constitutionnel. Exactement comme l’ont fait les partisans de Mamadou
Tandja.
• La coalition présidentielle explose
Quand Mamadou Tandja s’est mis en tête de tazartcher son mandat
présidentiel, il a perdu le précieux soutien de ses alliés politiques qui avaient
fait bloc derrière et avaient opéré un report des voix en sa faveur. Il a perdu
outre Hama Amadou qui a emporté avec lui une partie des cadres et des
militants du MNSD, Mahamane Ousmane du CDS-Rahama, Cheiffou
Amadou de RSD-Gaskiya et Moumouni Adamou Djermakoye de l’ANDP-
Zaman Lahiya.
Alassane Ouattara, lui, a perdu, outre Guillaume Soro, Henri Konan Bédié
et le PDCI-RDA, Albert Mabri Toikeusse et l’UDPCI, Anaky Kobenan et
Anzoumane Moutayé du MFA et Me Soro Brahima de l’UPCI. Il est réduit à
la seule dimension du RDR privée d’une grande partie de ses militants qui
ont préféré suivre Guillaume Soro à GPS.
Comme Mamadou Tandja qui avait distribué une série de mandats d’arrêt
contre ses opposants, Alassane Ouattara ne s’est pas privé du plaisir de
lancer à son tour des mandats d’arrêt contre ses opposants, Laurent
Gbagbo, Blé Goudé Charles, Guillaume Soro et peut-être bientôt Mabri
Toikeusse.
• La violation des constitutions et des serments
Comme Mamadou Tandja déclarait devant le Président français Nicolas
Sarkozy qu’il ne toucherait jamais à la Constitution de son pays et s’en irait
à la fin de son mandat, Alassane Ouattara déclarait, lui aussi le 5 mars
2020 : « J’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle du 31
octobre 2020 et de transférer le pouvoir à la jeune génération. Cette
décision est conforme à ce que j’ai toujours dit ».
Mais, le 29 juillet 2020, il déclarait face aux membres du Conseil politique
de son parti qui lui demandaient avec insistance d’être candidat : « J’ai
entendu les différents messages. Je prends acte des résolutions du Conseil
politique. Je vous demande de me laisser le temps du recueillement et de
la récupération avant de vous donner une réponse très prochainement.
Notre pays fait face à des défis. Je ne peux pas rester insensible à la
nécessité de préserver la paix dans la sous-région ».
Enfin, dans un discours télévisé, diffusé la veille du 60ème anniversaire de
l’indépendance de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara a annoncé qu’il ne
pouvait rester insensible aux appels de son peuple et qu’il prenait la décision
de tazartcher à son tour !
Pourtant, le Président Ouattara sait très bien que la Constitution de la Côte
d’Ivoire l’empêche de briguer un troisième mandat. Et comme Mamadou
Tandja, Alassane Ouattara a l’assurance que le Président Nicolas Sarkozy le
soutiendra et fera en sorte que la France le soutienne également au nom
de la « doctrine de la stabilité ».
• La tension dans le pays
Le projet de troisième mandat rêvé par Alassane Ouattara a mis en péril la
précaire paix civile retrouvée il y a tout juste une décennie. Dans son propre
camp, les défections se multiplient. Son ami de 40 ans, Daniel Kablan-
Duncan l’a abandonné. Son ami de plus de trente ans, Marcel Amon Tanoh
l’a quitté.
Le cas Marcel Amon Tanoh est typique. C’est un personnage qui a toujours
été au cœur du pouvoir. Il y a grandi et s’y est développé. Si Marcel Amon
Tanoh quitte un pouvoir qu’il a contribué à mettre en place, dans lequel il
était un personnage influent et prépondérant, c’est qu’il a compris la vacuité
du système et sa fin proche. Il a préféré partir plutôt que de rendre compte
des dérives d’un système dans lequel il ne se reconnaissait plus. Il avait
constaté que le Président Ouattara était devenu autiste, égocentré et
n’écoutait plus que la voix des laudateurs. C’est tellement typique de ce qui
avait cours sous Mamadou Tandja !
Tous les ambassadeurs et les hautes personnalités, qui se rendaient au
Niger et y rencontraient les conseillers du chef de l’État, étaient étonnés de
les entendre répéter, les uns après les autres, que le Président Tandja était
devenu sourd aux conseils, était entêté et qu’ils étaient obligés de
l’accompagner dans son tazartché, sans y croire.
À Abidjan, ceux qui sont dans les cercles les plus proches du Président
Ouattara disent exactement la même chose. Ils savent qu’il avait donné sa
parole en public. Ils savent que son projet de troisième mandat ne peut
apporter que la ruine et la désolation au pays. Mais, tous ont la même
phrase à la bouche : « on ne peut rien dire, sinon on risque nos vies ». Ils
regardent donc le président conduire le pays dans le mur en priant qu’il
aura le réflexe de freiner à la dernière minute. Avec l’opposition, c’est
identique.
Le Président Alassane Ouattara est en guerre ouverte avec le PDCI-RDA,
dont il a fait arrêter des cadres tel Jacques Mangoua et poussé à l’exil
d’autres comme Akossi Bendjo. Il est en guerre déclarée avec Guillaume
Soro qu’il a tenté de faire assassiner le 23 décembre 2019 à l’aéroport
militaire d’Abidjan et détient prisonniers 32 de ses partisans. Le maintien
en prison de dizaines de prisonniers politiques pro-Gbagbo et son projet de
décapitation des principaux partis politiques ou de rejet de la candidature
des principaux leaders de l’opposition politique font peser une menace
grave sur la stabilité et la sécurité du pays.
En outre, l’interdiction de rassemblement signifiée aux militants de
l’Opposition, tandis que les membres du RHDP, le parti présidentiel se
rassemblent dans tous les endroits qu’ils veulent. L’accaparement des
médias publics pour la couverture exclusive des activités du camp
présidentiel crée une distorsion dans le jeu politique. À cela s’ajoutent les
arrestations multiples de bloggeurs et de cyberactivistes proches de
l’opposition, tandis que les appels au meurtre fréquents émanant de
cyberactivistes et de leaders politiques du clan Ouattara ne donnent lieu à
aucune réponse judiciaire. Cela crée un sentiment d’injustice qui se répand
dans tout le corps social.
• Le parti au pouvoir seul autorisé à manifester
Quand face au Président Sarkozy, Mamadou Tandja a laissé sous-entendre
qu’il pourrait rester si le peuple le lui demandait, il a déclenché la mise à
feu du Tazartché. Tous les gouverneurs de régions, qui sont
presqu’exclusivement des militaires, ont commencé à autoriser, voire à
susciter des marches de soutien au Tazartché.
Le gouverneur de Niamey, Tahirou Amadou a fait montre d’un zèle
particulier dans la délivrance des autorisations de marches aux pro-
Tazartché et interdit celles de la Société civile et des partis de l’opposition.
Les gouverneurs de Zinder, Yahaya Yendaka et de Tahoua, Zéty Maïga ne
sont pas en reste.
L’opposition n’avait pas accès aux médias publics qui ont été occupés à
longueur de journées par des intellectuels, des juristes, des journalistes,
des politologues, des religieux, des chefs de tribus, des associations de
femmes, de jeunes, d’artistes, etc. qui, tous, venaient réclamer en chœur
une prolongation du mandat présidentiel de Mamadou Tandja.
Les médias privés étaient soumis à de fortes pressions et plusieurs
directeurs de publications proches de l’opposition sont arrêtés. Des
journalistes comme Ibrahim Hamidou, journaliste renommé et Directeur de
publication de « Tribune du Peuple » du temps de sa splendeur, vendit son
âme au Tazartché contre espèces sonnantes et trébuchantes et devient
milliardaire. En transformant son journal en tribune des pro-Tazartché et
en attaquant violemment ses anciens amis de l’opposition, il obtient
plusieurs récompenses, dont la plus notable fut son association avec Hadia
Toulaye Tandja, le fils du Président Tandja, dans un obscur business minier,
dont il revendit ses parts contre 2 milliards de francs CFA.
Cela rappelle en Côte d’Ivoire, le cas d’un certain Méité Sindou, journaliste
reconnu qui abandonna ses amis soroïstes de l’opposition pour rejoindre
prestement le navire du troisième mandat, contre espèces sonnantes et
trébuchantes également.
Le Général Diomandé Vagondo, âme damnée d’Alassane Ouattara et de son
frère Téné Birahima Ouattara, a été placé au ministère de la Sécurité de
Côte d’Ivoire, pour mettre des entraves à la liberté de manifester de
l’opposition. Depuis que le Général Vagondo a été nommé, les militants du
RHDP ont eu toutes les autorisations pour se réunir par milliers pour
soutenir le projet de troisième mandat présidentiel, malgré les mesures
mises en place pour la lutte contre le Coronavirus.
Mais, sous ce même Général Vagondo, l’opposition n’a reçu aucune
autorisation de rassemblement pour manifester contre la décision du
troisième mandat d’Alassane Ouattara.
Similitudes au plan sécuritaire
• La subornation de l’Armée
Comme Mamadou Tandja, Alassane Ouattara sent que son Tazartché est
très risqué. La situation socio-politique délétère couplée au
mécontentement de l’Armée que l’on déploie en première ligne face aux
djihadistes, sans aucun matériel de protection et sans primes de guerre, le
rendent particulièrement fragile. Il veut donc s’acheter un parapluie anti-
putsch. Alors, la solution trouvée est de convoquer les généraux de l’Armée,
de la Police et de la Gendarmerie pour les couvrir d’argent. Comme chacun
sait, chaque général est ressorti de son entretien avec le chef de l’État avec
son enveloppe de 100 millions de francs CFA. Exactement comme Mamadou
Tandja avait cadeauté ses propres généraux de 50 millions de francs CFA
et d’une villa.
Le Président Ouattara, suivant les traces de son modèle nigérien, fit
convoquer les chefs de l’ancienne rébellion des Forces Nouvelles et leur fit
remettre à chacun 50 millions de francs CFA, afin d’obtenir la paix dans les
casernes pendant qu’il tenterait de violer la Constitution pour briguer un
troisième mandat. Mais, et les soldats du rang ? Rien. Zéro. Oubliés, comme
au Niger.
• Recrutement de miliciens
En sus de l’application de ce qu’il a appris de Mamadou Tandja, Alassane
Ouattara a pris la précaution de recruter au moins un millier de miliciens,
auxquels viendront s’ajouter des supplétifs. Tout ce monde est en train de
se préparer pour le Jour J, c’est-à-dire le 6 août 2020, le jour où Alassane
Ouattara s’est déclaré candidat et entrera bientôt en campagne électorale.
Il a bien dépensé 5 milliards de francs CFA pour acheter les généraux, mais
il se dit qu’il faut dépenser quelques milliards de plus pour recruter des
miliciens, car avec les militaires, on ne sait jamais. Ils pourraient avoir des
états d’âme le jour décisif. Les miliciens eux n’en auront pas.
Similitudes au plan économique et social
• Le PSP Tandja et le PPU d’Alassane Ouattara, des clones
Quand Alassane Ouattara est arrivé au pouvoir, quelques mois plus tard, il
réussit à obtenir le point d’achèvement de l’initiative PPTE, préparé
plusieurs années en amont par les gouvernements précédents. Ce sont donc
6 000 milliards de francs CFA qui ne seraient plus affectés au
remboursement annuel de la dette, qu’il a décidé d’utiliser en créant un
programme hors-budget et hors contrôle baptisé Programme Présidentiel
d’Urgence (PPU), comme le Programme Spécial Présidentiel (PSP) de
Mamadou Tandja. En la matière, le Président Ouattara n’a rien inventé et a
tout copié sur le Niger.
Le Programme Spécial Présidentiel fut qualifié de Gâchis Spécial Présidentiel
par les Nigériens, tant il a permis à la coterie proche du chef de l’État de
s’enrichir outrageusement, tandis que la population croupissait sous le poids
de la misère. Pour rentrer dans les clous du FMI afin d’obtenir ce fameux
PPTE, le Président Tandja avait diminué les salaires des fonctionnaires,
suspendu les appuis à l’éducation, à la santé, gelé l’embauche de nouveaux
fonctionnaires et abaissé l’âge de départ à la retraite. Et quand les fruits de
ces sacrifices sont arrivés, seuls lui et une partie des Tazartchistes se
sucraient sur le dos des pauvres Nigériens.
En Côte d’Ivoire, c’est pareil. Nul n’a jamais su avec exactitude le montant
réel des fonds alloués au PPU. Pas même le Parlement, ni les membres
lambda du gouvernement. Seuls le Président Ouattara et son fidèle coursier,
Amadou Gon-Coulibaly, savaient combien ils mettaient dans la cagnotte et
combien ils dépensaient réellement pour les projets PPU. Dans notre pays,
chacun sait que la plupart des ministres se sont fait construire leurs
résidences sur les fonds du PPU, alors que lesdits fonds étaient à l’origine
destinés aux œuvres sociales prioritaires. Le FMI qui s’en agaçait a sifflé la
fin de la récréation et le PPU a été dissout sans jamais rendre compte de
l’utilisation des fonds. Voici le régime d’Alassane Ouattara et pourquoi à
l’instar de Mamadou Tandja, il est déterminé à tester la bravoure des
Ivoiriens en se lançant dans son projet hérétique de troisième mandat.
Mais, les Nigériens s’en souviennent encore : le jour où le Commandant
Salou Djibo a décidé d’arrêter la dérive autoritaire du Président Tandja, tous
les braves aux discours guerriers se sont évaporés. Lorsque Salou Djibo et
ses hommes ont débarqué dans la salle du Conseil des Ministres, c’était la
débandade générale. Le Président Tandja à 71 ans, a retrouvé la vigueur
de ses 20 ans et a détalé pour s’enfermer dans son bureau dont la porte
blindée, était censée lui garantir une sécurité à toute épreuve, abandonnant
derrière lui son Premier ministre et les membres du gouvernement. Le
Premier ministre Ali Badjo Gamatié quant à lui, a plongé sous la table du
Conseil des Ministres en essayant de se faire le plus petit possible afin de
se rendre invisible. Peine perdue. Le Président Tandja et lui ont été cueillis
comme des poules et conduits à la garnison de Tondibia.
Après, il fut confié au procureur et transféré au camp pénal de Kollo, après
un séjour de plusieurs mois de séquestration à la villa verte de Niamey.
Malheureusement, l’histoire est en train de se répéter en Côte d’Ivoire, où
le Président Alassane Ouattara, sans tirer aucune leçon de la désastreuse
tentative de Tazartché au Niger, semble avoir décidé comme Mamadou
Tandja, de finir sa vie dans les rebuts de l’Histoire.
CHRIS YAPI avec la collaboration de MAROU IDRISSOU, investigateur à Niamey