Institution de référence sur les questions d’ordre stratégique liées à la défense, la sécurité et la paix en Afrique, le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) fait actuellement objet d’un procès en justice devant le tribunal du travail. Le Cheds est, en effet, poursuivi pour licenciement abusif par une ex-employée. Celle-ci, un ancien mannequin qui a été victime de harcèlement sexuel de la part de ses supérieurs, a décidé de porter le combat pour que plus jamais une femme ne subisse les attaques et coups bas de machos au sein d’un service.
Alors que les autorités prennent très au sérieux la question genre, au point de voir le Sénégal être cité en modèle à travers le monde, notamment pour l’application de la parité au niveau des instances de décision, certains semblent refuser de prendre le train du progrès. Parmi ceux qui semblent vouloir se cantonner dans les vieux et haïssables comportements des hommes d’autrefois, des membres du Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds). C’est en tout cas le triste constat qui sort de la triste histoire de la jeune femme Fatou Fall.
En effet, il y a de cela un an, une dizaine d’employés en situation de stage ou de Contrats à durée déterminée (Cdd) avaient été remerciés à la veille de la fin d’année au Cheds. Le motif avancé à l’époque reposait sur des contraintes budgétaires pour cet établissement public rattaché à la Présidence. L’affaire qui à l’époque avait ému plus d’un n’avait toutefois pas fait de bruit, sans doute à cause du type du contrat dont disposaient les personnes qui ont été remerciées.
Licenciement brutal de Fatou Fall, la goutte d’eau de trop
Mais les choses vont prendre une toute autre tournure quand le Directeur des lieux a décidé du licenciement brutal de Fatou Fall, analyste en défense, sécurité et paix. C’était au mois de mars 2020. Chargée de programmes à la Direction de la Recherche et de la Publication dans cet établissement, le licenciement de la dame Fall choquera plus d’un au sein du centre et au-delà. Connue pour ses aptitudes de recherche et rédactionnelles, Fatou Fall est également très appréciée dans le milieu de la culture. Elle a, en effet, marqué le milieu du mannequinat de par sa prestance, sa discipline, son caractère fort mais surtout de par sa détermination à réussir dans ses études.
Ce produit de la Faculté des Sciences et Techniques de l’Université de Dakar est également diplômé en Sciences juridiques. Un profil très particulier, devenu une référence pour de nombreuses jeunes filles et femmes en l’espace de quelques années. Une alliance parfaite entre intelligence et beauté que certains, au sein du Cheds, n’ont pas ou ont mal apprécié. En effet, la bonne dame s’est vue confrontée à un harcèlement au sein de cette structure et qui a fini par lui couter son travail.
Le Tribunal du travail saisi
Licenciée pour «faute lourde» par le général de Brigade Amadou Anta Guèye, en plein début de pandémie de Covid-19, sa situation fait l’objet à ce jour d’une procédure contentieuse au Tribunal du travail de Dakar. Mais il faut croire que les raisons sont autres.
En effet, pour avoir refusé de troquer sa dignité en s’adonnant à des pratiques contraires aux bonnes mœurs ou encore de se rabaisser pour être la serveuse des déjeuners et cafés à ses supérieurs, elle s’est vue licenciée sans préavis, ni dommages. Fatou Fall a donc choisi de rester digne là où pas mal de femmes choisiraient de courber l’échine afin de préserver un Contrat à durée indéterminée (Cdi).
L’aurait-on licenciée parce qu’elle aurait été mannequin dans sa carrière ? En tout cas, des sources internes à la structure assurent que sa capacité à dire non à des bassesses avait fini de frustrer plus d’un. Mais Fatou avait mis un point d’honneur là-dessus, préférant la mort à la déviance.
Alors que le Cheds a refusé de commenter l’affaire, nos informations indiquent que des retards et des absences auraient été à l’origine de son licenciement. Cependant, tout laisse croire que le complexe d’une femme belle et bardée de diplômes reste le seul motif de son licenciement. Comme si être belle et intelligente était devenu, plus qu’un fardeau, une faute lourde et que le prix à payer réside dans la perte de son emploi.
Et on se demande à la lumière de ces révélations, comment expliquer qu’un centre de cette envergure puisse traiter son personnel de la sorte ?
Il faut savoir que bien que dirigé par un général de Brigade, ce centre n’est pourtant pas une structure militaire. En effet, le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds) est un établissement public à caractère administratif créé par décret n°2013-12 /PR du 03 janvier 2013, modifié par le décret n° 2014-792 du 18 juin 2014. Il a pour but de satisfaire les besoins de l’Etat en expertises sur des questions d’ordre stratégique liées à la protection des individus et des biens, à la politique étrangère, à la science, à la technologie et aux phénomènes économiques et sociaux.
Sidy Djimby NDAO
Le Centre des hautes études de défense et de sécurité refuse de commenter «une affaire pendante»
Nous sommes entrés en contact avec le Centre des hautes études de défense et de sécurité (Cheds). C’est ainsi qu’après plusieurs tentatives, nous avons pu joindre la Directrice administrative et financière qui, après avoir reconnu l’effectivité de la plainte contre le centre, a tenu à nous faire savoir qu’elle ne peut pas commenter cette affaire. «Je suis désolée mais il s’agit d’une affaire pendante en justice, je ne peux faire de commentaire là-dessus», a-t-elle déclaré.