Les résultats de l’enquête réalisée par l’Ansd sur les intentions d’investissement post Covid-19 mettent en exergue les conséquences drastiques de la pandémie sur les activités des entreprises sénégalaises, entre le marteau du repli des quantités produites (60,9%) et l’enclume du fléchissement du chiffre d’affaires (84,6%). Pour autant, 68,4% des entreprises ambitionnent d’investir après la pandémie et fondent leur espoir à 72,1% sur les sources de financement du fonds Force Covid-19. D’ailleurs, les enquêteurs recommandent au gouvernement de proroger les délais de non-paiement des factures d’eau, d’électricité et de loyers.
L’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), en appui au ministère de l’Économie, du Plan et de la Coopération, a réalisé une enquête auprès des entreprises du secteur formel (petites entreprises, moyennes entreprises et grandes entreprises), afin de recueillir leurs intentions d’investissement. Il ressort des résultats de cette enquête que la pandémie a fortement perturbé l’activité économique sénégalaise. En effet, l’arrêt momentané d’activités a été constaté auprès de 27,4% des entreprises formelles et touche notamment les petites unités (30,9%). Le phénomène est plus ressenti dans les secteurs des hôtels, bars et restaurants (50,2%), des services fournis aux entreprises (31,7%), des services personnels et divers (29,7%), du commerce (27,2%), des autres industries (25,5%) et des transports (24,3%). Et à défaut de fermer momentanément, 5,4% des entreprises ont changé d’activité depuis mars 2020 pour s’adapter à la crise. Il s’agit notamment des petites entreprises et moyennes entreprises dont 49,6% se sont orientées vers le commerce contre 42,7% vers les activités de services de soutien et de bureau.
84,6% des entreprises ont connu un fléchissement de leur chiffre d’affaires
Concernant l’évolution de l’activité, 60,9% des entreprises ont enregistré un repli des quantités produites. Cette baisse touche 59,7% des petites entreprises, 83,7% des moyennes entreprises et 37,6% des grandes entreprises. Pour le chiffre d’affaires, 84,6% des entreprises ont connu un fléchissement contre 15,4% qui ont observé une stagnation. La baisse concerne 62,9% des grandes entreprises, 78,9% des moyennes entreprises et 87,4% des petites entreprises. Près de deux entreprises sur cinq (39,3%) dont le chiffre d’affaires a évolué ont connu un retrait entre 25% et 50% des ventes, contre 30,6% à avoir subi une baisse entre 50% et 75% des ventes. Les grandes entreprises (45,8%) ont surtout enregistré des abaissements de moins de 25% dans les ventes. En revanche, pour les moyennes (54,2%) et les petites entreprises (37,8%), elles ont davantage enregistré une dégradation entre 25% et 50% dans leurs ventes.
S’agissant de la répartition des entreprises par type de difficultés, le problème d’écoulement de la production affecte toutes les entreprises mais, selon la taille, il touche plus les moyennes entreprises (53,2%) et les grandes entreprises (49,5%). En plus des difficultés d’approvisionnement en matières premières (30,1%), le coût élevé du transport (25,5%), entre autres. Lesquelles difficultés ont eu comme principales conséquences, le manque de liquidités ou de financement (61,3%), la réduction de la production/vente (52,1%) et la diminution du personnel (28,5%). Le manque de liquidité ou de financement affecte 64,6% des petites entreprises, 50,9% des moyennes entreprises et 38,4% des grandes entreprises.
La valeur de besoins de financement à court terme pour les grandes entreprises est de 1,1 milliard et 215 millions pour les moyennes entreprises…
L’enquête révèle également que 71,5% des entreprises ont conservé leur main d’œuvre. La baisse du personnel permanent a été enregistrée dans moins d’un quart des entreprises (20,5% pour les hommes et 16,1% pour les femmes), tandis que celle des saisonniers a été notée dans près du tiers des unités (21,4% pour les hommes et 31,2% pour les femmes). Le niveau de baisse est relativement faible avec moins de 3 travailleurs permanents en moyenne pour 44,7% des entreprises. S’agissant des besoins de financement à court terme, les résultats montrent que 40,4% des entreprises ont eu cette difficulté pour les acquisitions ou les entretiens d’équipements, 34,8% pour l’extension de l’activité, 33,5% pour l’amélioration des locaux et 31,6% pour le paiement de salaires. Les besoins de financement à court terme des industries portent sur l’achat de matières premières, ceux des Btp, hôtels, bars et restaurants sur le paiement des salaires, ceux du commerce et des transports sur l’acquisition ou l’entretien d’équipement, et ceux des services fournis aux entreprises et des services personnels sur l’amélioration des locaux. Ainsi, la valeur moyenne des besoins de financement à court terme est de 1,1 milliard pour les grandes entreprises, 215 millions pour les moyennes et 33 millions pour les petites entreprises.
68,4% des entreprises ambitionnent d’investir après la pandémie
A l’image de la valeur des besoins de financement, la valeur moyenne des intentions d’investissement est de 1,5 milliard pour les grandes entreprises, 216 millions pour les moyennes et 36 millions pour les petites entreprises. En effet, 68,4% des entreprises ambitionnent d’investir après la pandémie. Ce taux est supérieur à 65,0% dans l’essentiel des secteurs d’activités sauf celui des services personnels où il est ressorti à 50,1%. Par rapport à la taille, il est de 71,0% pour les grandes entreprises, 60,2% pour les moyennes et 69,1% pour les petites. Et, les prévisions d’investissement portent essentiellement sur l’acquisition de matériels informatiques ou de logiciels (41,8%), la machinerie, les équipements et les véhicules (36,5%), la formation des employés et le recrutement (35,9%), etc.
D’après le rapport, ces investissements sont motivés, en grande partie, par l’atteinte des objectifs de croissance (71,1%), l’amélioration de la compétitivité (66,3%), l’augmentation de la productivité ou de l’efficacité (59,0%) et la modernisation de l’entreprise (53,8%). 9,7% des entreprises qui ont l’intention d’investir ont déjà obtenu une partie ou la totalité du financement. Les sources de financement ciblées par ces entreprises sont principalement le Fonds Force Covid-19 (72,1%), les banques (62,3%) et l’autofinancement (29,4%). Si les grandes entreprises (70,0%) et les moyennes (75,9%) ciblent majoritairement les banques, les petites misent plutôt sur le Fonds Covid-19 (74,3%). Toutefois, ces entreprises, selon l’enquête réalisée, pourraient se heurter au manque d’aide du gouvernement (66,1%), l’insuffisance de fonds générés par l’entreprise (62,2%) et l’incertitude sur l’horizon du Covid-19 (40,1%).
Proroger les délais de non-paiement des factures d’eau, d’électricité et de loyers, entre autres recommandations
Suite aux révélations de l’enquête, des recommandations ont été formulées et concernent notamment la prorogation des délais de non-paiement des factures d’eau, d’électricité et de loyers ; mais aussi d’apporter une aide au chômage partiel pour maintenir les emplois ; en plus d’appliquer des remises d’impôts directs pour les entreprises menacées de fermeture. L’enquête recommande également au gouvernement de décréter un moratoire sur les obligations contractuelles et sociales (reports d’impôts et taxes, prêts bancaires, déclarations fiscales) afin de soulager les entreprises et d’éviter le risque de faillite ; de mobiliser des financements auprès des bailleurs de fonds pour des projets de relance des entreprises, etc.
Moussa CISS