Comme l’a révélé «L’Observateur» sous la plume de Mamadou Seck, l’arrêté du bureau de l’Assemblée nationale du 17 janvier 2019 portant radiation du député Khalifa Sall a été attaqué en annulation devant la Cour suprême pour excès de pouvoir par les avocats du requérant. «Les Échos» a parcouru les quatre moyens soulevés par la défense pour démonter la série de «violations» qui entourent cette radiation.
A la suite de la procédure intentée contre l’ancien député-maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall, depuis le 7 mars 2017, jour de son placement sous mandat de dépôt, le mis en cause a été respectivement condamné en instance, le 30 mars 2018, à cinq ans ferme et une amende de 5 millions francs Cfa. Une condamnation confirmée en appel le 30 août 2018, avant que sa requête aux fins de cassation du 4 octobre ne soit rejetée le 3 janvier 2019. Ainsi, suite à l’arrêt de la Cour suprême, les avocats de Khalifa Sall avaient formé un rabat d’arrêt le 8 février 2019. Seulement, avant même que la Cour ne se prononce sur la requête aux fins de rabat d’arrêt, le bureau de l’Assemblée nationale a pris l’arrêt de bureau n°6 en date du 17 janvier 2019, portant radiation de Khalifa Sall. Ce qui a été à l’origine de cette nouvelle requête aux fins d’annulation pour excès de pouvoir, déposée à la Cour suprême le 11 avril dernier. Il résulte de cette requête en annulation, dont «Les Échos» détient copie, quatre moyens soulevés par la défense de Khalifa Sall, composée entre autres de Me Borso Pouye, Me Ciré Clédor Ly, Me Seydou Diagne, Me Amadou Aly Kane, Me El Mamadou Ndiaye. Ils ont développé différents motifs pour démontrer que l’arrêté du bureau de l’Assemblée nationale doit être tout simplement annulé pour excès de pouvoir.
Incompétence du bureau de l’Assemblée nationale pour radier un député
Aux termes de l’article 17 de la Loi 2002-20 du 15 mai 2002, modifiant et complétant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale (inséré au chapitre V intitulé : «Pouvoirs du Bureau»), il est indiqué que le bureau «a tous pouvoirs pour régler les délibérations de l’Assemblée nationale et pour organiser et diriger tous ses services, dans les conditions déterminées par le présent et les règlements subséquents». Ainsi, aux termes de l’article 102 alinéas 3, «le bureau est compétent pour régler tous les problèmes relatifs à la retraite des députés». A la suite de cet exposé des motifs, la défense de Khalifa Sall, au regard de ces dispositions des articles sus indiqués, qui sont le siège du bureau de l’Assemblée nationale, aucune disposition ne donne pouvoir de radiation d’un député au bureau de l’Assemblée nationale. Mieux, selon les termes des articles 56, 58 et 59 du règlement intérieur, les sanctions disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée nationale sont de la compétence du président ou de l’Assemblée nationale. Et les sanctions se résument à l’appel à l’ordre, la censure, l’expulsion temporaire dont la durée ne peut excéder 24 heures. Sur ce point relatif à l’incompétence de l’Assemblée nationale, la défense de Khalifa Sall précise que l’arrêté en question a été pris, alors que l’Assemblée nationale était en session, de sorte que la compétence du bureau de l’Assemblée nationale ne pourrait même pas être fondée sur l’idée d’un exercice d’une compétence de l’Assemblée nationale entre deux sessions. Toutes choses qui font croire, de l’avis des avocats de l’ancien maire de Dakar, que le bureau de l’Assemblée nationale n’est pas compétent pour radier un député.
Violation de l’article 11 des droits de l’homme…
Outre l’incompétence du bureau de l’Assemblée nationale, la défense de Khalifa Sall a brandi un autre moyen tiré de la violation de l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. «Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public ou toutes les garanties de sa défense lui ont été assurées», rapportent les avocats dans la requête dont «Les Échos» détient copie. S’y ajoute la violation de l’article 61 alinéa 4 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 qui relève que le «membre du parlement qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du ministre de la Justice». Or, en l’espèce, la défense de Khalifa Sall rappelle que l’arrêt de la Cour suprême du 3 janvier 2019 ne revêt pas encore un caractère définitif. Les avocats de Khalifa Sall en veulent pour preuve l’article 51 de la loi organique N°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême qui précise : «Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d’aucun recours, à l’exception de la requête en rectification d’erreur matérielle ou pour omission de statuer sur un ou plusieurs moyens et de la requête en rabat d’arrêt». Et, dans cette affaire, note la défense, l’ancien maire de Dakar a bel et bien déposé un recours en rabat d’arrêt ; une procédure qui a un caractère suspensif selon les dispositions expresses de la loi organique. En d’autres termes, l’arrêt de la Cour suprême rendu le 3 janvier 2019 et qui a fait l’objet d’un recours en rabat d’arrêt, ne revêt pas le caractère de décision définitive.
Inexactitude des faits
Selon les conseils de l’ancien maire de Dakar, les faits sur lesquels le bureau de l’Assemblée nationale s’est fondé pour radier leur client sont inexacts. Or, les motifs de fait de l’acte administratif doivent être exacts. «Pour procéder à la radiation de Khalifa Sall de la liste des députés, le bureau de l’Assemblée nationale s’est fondé sur la lettre du 11 janvier 2019 du garde des Sceaux, ministre de la Justice, transmettant l’arrêt du 3 janvier 2019 rendu par la Chambre criminelle de la Cour suprême et demandant la radiation d’un député ayant fait l’objet d’une condamnation définitive». Des faits qui sont inexacts, étant donné que le requérant avait déjà formé un rabat d’arrêt qui a un caractère suspensif.
Violation du code électoral : Seul le Conseil constitutionnel est compétent pour prononcer la radiation d’un député
Dans la décision de radiation du député Khalifa Sall par le bureau de l’Assemblée nationale, le Code électoral a été violé en ces articles LO 158 et LO 194 de la loi 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral. Selon l’article Lo 158 «sera déchu de plein droit de son mandat de député celui dont l’inéligibilité se révèlera après la proclamation des résultats à l’expiration du délai de recours, ou qui, pendant son mandat, se trouvera dans un cas d’inéligibilité prévu par le présent code». LO 194 est encore plus explicite : «La déchéance prévue par l’article Lo 158 du présent code est constatée par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de l’Assemblée nationale ou du président de la République». En effet, il ressort de cette disposition claire et non équivoque que c’est le Conseil constitutionnel sur saisine du ministère public, qui est seul compétent pour prononcer la radiation d’un député pour cause de condamnation pénale, ladite radiation étant la conséquence de la constatation de la déchéance prévue à l’article LO 158 du code électoral. Or, il ressort de l’examen de l’arrêté du bureau de l’Assemblée nationale que l’institution a été saisie par le garde des Sceaux, le 11 janvier 2019, pour transmettre l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour suprême et demander la radiation de Khalifa Sall. Ainsi, par cette procédure, le bureau de l’Assemblée nationale a pris une décision qui n’entre pas dans le cadre de ses compétences.
Les conseils de l’ancien maire de la Ville de Dakar précisent que les dispositions de l’article LO 194 du Code électoral ne sont en rien contraires à celles de l’article 61 de la constitution. «L’article 61 de la Constitution et LO 194 du Code électoral, pris ensemble, doivent être interprétés comme signifiant que lorsqu’un député fait l’objet d’une condamnation pénale définitive, le ministre de la Justice saisit le ministère public d’une demande tendant à faire constater la déchéance et le ministère public saisit, à son tour, le Conseil constitutionnel qui est seul compétent pour constater la déchéance», fait remarquer la défense de Khalifa Sall qui estime qu’il y a violation des articles LO158 et LO 194 du Code électoral.
Moussa CISS
A la suite de la procédure intentée contre l’ancien député-maire de Dakar Khalifa Ababacar Sall, depuis le 7 mars 2017, jour de son placement sous mandat de dépôt, le mis en cause a été respectivement condamné en instance, le 30 mars 2018, à cinq ans ferme et une amende de 5 millions francs Cfa. Une condamnation confirmée en appel le 30 août 2018, avant que sa requête aux fins de cassation du 4 octobre ne soit rejetée le 3 janvier 2019. Ainsi, suite à l’arrêt de la Cour suprême, les avocats de Khalifa Sall avaient formé un rabat d’arrêt le 8 février 2019. Seulement, avant même que la Cour ne se prononce sur la requête aux fins de rabat d’arrêt, le bureau de l’Assemblée nationale a pris l’arrêt de bureau n°6 en date du 17 janvier 2019, portant radiation de Khalifa Sall. Ce qui a été à l’origine de cette nouvelle requête aux fins d’annulation pour excès de pouvoir, déposée à la Cour suprême le 11 avril dernier. Il résulte de cette requête en annulation, dont «Les Échos» détient copie, quatre moyens soulevés par la défense de Khalifa Sall, composée entre autres de Me Borso Pouye, Me Ciré Clédor Ly, Me Seydou Diagne, Me Amadou Aly Kane, Me El Mamadou Ndiaye. Ils ont développé différents motifs pour démontrer que l’arrêté du bureau de l’Assemblée nationale doit être tout simplement annulé pour excès de pouvoir.
Incompétence du bureau de l’Assemblée nationale pour radier un député
Aux termes de l’article 17 de la Loi 2002-20 du 15 mai 2002, modifiant et complétant le règlement intérieur de l’Assemblée nationale (inséré au chapitre V intitulé : «Pouvoirs du Bureau»), il est indiqué que le bureau «a tous pouvoirs pour régler les délibérations de l’Assemblée nationale et pour organiser et diriger tous ses services, dans les conditions déterminées par le présent et les règlements subséquents». Ainsi, aux termes de l’article 102 alinéas 3, «le bureau est compétent pour régler tous les problèmes relatifs à la retraite des députés». A la suite de cet exposé des motifs, la défense de Khalifa Sall, au regard de ces dispositions des articles sus indiqués, qui sont le siège du bureau de l’Assemblée nationale, aucune disposition ne donne pouvoir de radiation d’un député au bureau de l’Assemblée nationale. Mieux, selon les termes des articles 56, 58 et 59 du règlement intérieur, les sanctions disciplinaires applicables aux membres de l’Assemblée nationale sont de la compétence du président ou de l’Assemblée nationale. Et les sanctions se résument à l’appel à l’ordre, la censure, l’expulsion temporaire dont la durée ne peut excéder 24 heures. Sur ce point relatif à l’incompétence de l’Assemblée nationale, la défense de Khalifa Sall précise que l’arrêté en question a été pris, alors que l’Assemblée nationale était en session, de sorte que la compétence du bureau de l’Assemblée nationale ne pourrait même pas être fondée sur l’idée d’un exercice d’une compétence de l’Assemblée nationale entre deux sessions. Toutes choses qui font croire, de l’avis des avocats de l’ancien maire de Dakar, que le bureau de l’Assemblée nationale n’est pas compétent pour radier un député.
Violation de l’article 11 des droits de l’homme…
Outre l’incompétence du bureau de l’Assemblée nationale, la défense de Khalifa Sall a brandi un autre moyen tiré de la violation de l’article 11 de la Déclaration universelle des droits de l’homme. «Toute personne accusée d’un acte délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public ou toutes les garanties de sa défense lui ont été assurées», rapportent les avocats dans la requête dont «Les Échos» détient copie. S’y ajoute la violation de l’article 61 alinéa 4 de la Constitution du Sénégal du 22 janvier 2001 qui relève que le «membre du parlement qui fait l’objet d’une condamnation pénale définitive est radié de la liste des parlementaires sur demande du ministre de la Justice». Or, en l’espèce, la défense de Khalifa Sall rappelle que l’arrêt de la Cour suprême du 3 janvier 2019 ne revêt pas encore un caractère définitif. Les avocats de Khalifa Sall en veulent pour preuve l’article 51 de la loi organique N°2017-09 du 17 janvier 2017 sur la Cour suprême qui précise : «Les décisions de la Cour suprême ne sont susceptibles d’aucun recours, à l’exception de la requête en rectification d’erreur matérielle ou pour omission de statuer sur un ou plusieurs moyens et de la requête en rabat d’arrêt». Et, dans cette affaire, note la défense, l’ancien maire de Dakar a bel et bien déposé un recours en rabat d’arrêt ; une procédure qui a un caractère suspensif selon les dispositions expresses de la loi organique. En d’autres termes, l’arrêt de la Cour suprême rendu le 3 janvier 2019 et qui a fait l’objet d’un recours en rabat d’arrêt, ne revêt pas le caractère de décision définitive.
Inexactitude des faits
Selon les conseils de l’ancien maire de Dakar, les faits sur lesquels le bureau de l’Assemblée nationale s’est fondé pour radier leur client sont inexacts. Or, les motifs de fait de l’acte administratif doivent être exacts. «Pour procéder à la radiation de Khalifa Sall de la liste des députés, le bureau de l’Assemblée nationale s’est fondé sur la lettre du 11 janvier 2019 du garde des Sceaux, ministre de la Justice, transmettant l’arrêt du 3 janvier 2019 rendu par la Chambre criminelle de la Cour suprême et demandant la radiation d’un député ayant fait l’objet d’une condamnation définitive». Des faits qui sont inexacts, étant donné que le requérant avait déjà formé un rabat d’arrêt qui a un caractère suspensif.
Violation du code électoral : Seul le Conseil constitutionnel est compétent pour prononcer la radiation d’un député
Dans la décision de radiation du député Khalifa Sall par le bureau de l’Assemblée nationale, le Code électoral a été violé en ces articles LO 158 et LO 194 de la loi 2017-12 du 18 janvier 2017 portant Code électoral. Selon l’article Lo 158 «sera déchu de plein droit de son mandat de député celui dont l’inéligibilité se révèlera après la proclamation des résultats à l’expiration du délai de recours, ou qui, pendant son mandat, se trouvera dans un cas d’inéligibilité prévu par le présent code». LO 194 est encore plus explicite : «La déchéance prévue par l’article Lo 158 du présent code est constatée par le Conseil constitutionnel à la requête du bureau de l’Assemblée nationale ou du président de la République». En effet, il ressort de cette disposition claire et non équivoque que c’est le Conseil constitutionnel sur saisine du ministère public, qui est seul compétent pour prononcer la radiation d’un député pour cause de condamnation pénale, ladite radiation étant la conséquence de la constatation de la déchéance prévue à l’article LO 158 du code électoral. Or, il ressort de l’examen de l’arrêté du bureau de l’Assemblée nationale que l’institution a été saisie par le garde des Sceaux, le 11 janvier 2019, pour transmettre l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour suprême et demander la radiation de Khalifa Sall. Ainsi, par cette procédure, le bureau de l’Assemblée nationale a pris une décision qui n’entre pas dans le cadre de ses compétences.
Les conseils de l’ancien maire de la Ville de Dakar précisent que les dispositions de l’article LO 194 du Code électoral ne sont en rien contraires à celles de l’article 61 de la constitution. «L’article 61 de la Constitution et LO 194 du Code électoral, pris ensemble, doivent être interprétés comme signifiant que lorsqu’un député fait l’objet d’une condamnation pénale définitive, le ministre de la Justice saisit le ministère public d’une demande tendant à faire constater la déchéance et le ministère public saisit, à son tour, le Conseil constitutionnel qui est seul compétent pour constater la déchéance», fait remarquer la défense de Khalifa Sall qui estime qu’il y a violation des articles LO158 et LO 194 du Code électoral.
Moussa CISS