Les députés ont examiné hier le projet de budget alloué au ministère de la Santé. Voté par la majorité, ce budget pour l’année 2020 est réparti comme suit : 191.714.747.125 F Cfa en crédits de fonctionnement et 701.709.588.656 F Cfa en autorisations d’engagement. Parmi les griefs des députés, il y a la situation déficitaire au niveau des structures sanitaires, allant du manque de moyens et de personnel au faible niveau du plateau technique. Entre les accusations de Abdou Mbacké Bara Dolli sur un détournement du budget d’un hôpital prévu à Touba et le coup de gueule de Amy Ndiaye Gniby contre Sonko, les parlementaires ont quand même validé le budget de Abdoulaye Diouf Sarr.
Près de 7 tours d’horloge, avec 74 intervenants, la séance plénière pour le vote du projet de budget du ministère de la Santé et de l’Action sociale s’est tenue hier à l’hémicycle. Les différentes questions traitées à cette occasion ont été la rupture de médicaments, le problème de l’accueil dans les structures sanitaires, le manque de personnel.
Pape Sagna Mbaye : «la subvention allouée à l’hôpital de Pikine est insuffisante»
Pour Pape Sagna Mbaye, ancien maire de la ville de Pikine, la subvention allouée à l’hôpital de Pikine est insuffisante. «Certes, la subvention a connu une augmentation de 200 millions, mais c’est insuffisant. Pikine est le premier département du Sénégal en termes de population. Si on peut donner à l’hôpital de Grand-Yoff plus d’un milliard, pareillement à l’hôpital Dantec ainsi que Principal, avec le niveau de leur plateau technique, on pourrait faire un peu plus d’effort pour l’hôpital de Pikine», dénonce Pape Sagna Mbaye, qui soutient par la même occasion que la quasi-totalité du personnel est composée de stagiaires diplômés qui ne bénéficient que de contrat de 3 mois à 6 mois, renouvelé plusieurs fois.
Santi Agne : «les mairies ne peuvent plus gérer les factures d’électricité et d’eau des structures de santé»
Interpellant le ministre de la Santé en sa qualité de maire, Santi Agne a axé son intervention sur la responsabilité de l’Etat sur la situation des structures de santé. Selon le maire de Sicap Liberté, entre 2018 et 2019, il a payé pour 43 millions au titre unique de l’électricité. Et ce n’est pas tenable. «Ça ne peut pas continuer. Et ça nous est tombé dessus, depuis l’acte 3 de la décentralisation. Il faudrait que l’Etat puisse trouver des moyens pour pouvoir nous soulager avec le paiement des factures d’eau et d’électricité des centres de santé», avoue M. Agne, qui suggère par ailleurs la mise en place d’un cadre harmonisé pour la prise en charge du problème des handicapés.
Lucie Cissé : «il faut aller vers la transplantation rénale»
Pour ce qui est de la rupture des médicaments, Lucie Cissé pense qu’il est temps que l’Etat apporte tout son soutien à la Pharmacie nationale d’approvisionnement. Mme Cissé pense que c’est dangereux pour un pays comme le Sénégal d’avoir des ruptures de médicaments de premier ordre. D’après le député non-inscrit, cette rupture est causée par le fait que 90% de nos médicaments soient importés : «pensons à innover en produisant le strict minimum. Il faut penser à recruter nos jeunes diplômés du secteur de la santé. La gratuité de la dialyse, c’est bien, mais il faut penser à la transplantation rénale, surtout pour les jeunes».
Nango Seck : «la santé de ce pays est malade… sur quel critère attribue-t-on les ambulances ?»
Pour Nango Seck, si on aspire à l’émergence, la santé devrait être au sommet de toutes les exigences. «Le taux de mortalité est inquiétant, allez dans n’importe quel cimetière et vous verrez vous-mêmes. Aux États-Unis, le taux de mortalité des femmes en couches est de 0% alors qu’au Sénégal, c’est de mal en pis», dénonce M. Seck. «Comment concevoir, dans un pays où on dépense des milliards dans des futilités, que des femmes continuent de mourir en donnant la vie ?», s’interroge t-il avant de demander au ministre de veiller aux compétences des agents de santé, surtout dans les cliniques. «Les critères d’attribution des ambulances aux maires doivent être revus; ils doivent être équitables, sans aucune orientation politique», souligne Nango Seck pour dénoncer le favoritisme dans la distribution des ambulances.
Ousmane Sonko : «les 191 milliards prévus pour la santé sont très insuffisants»
Selon Ousmane Sonko, si on s’arrête aux ratios posés par l’Organisation mondiale de la santé, nous sommes très loin d’atteindre le minimum requis. «Avec un seul médecin généraliste pour 59.000 habitants, nous sommes loin du compte qui nous exige un médecin pour 10.000 habitants. Un sage-femme pour 10.000 alors que la norme nous exige un sage-femme pour 6000 habitants. Alors que la norme requiert un infirmer sur 3000, au Sénégal, un infirmier gère 11.000 habitants», souligne le leader de Pastef. Ousmane Sonko pense que les dépenses pour le secteur de la santé sont de 1,47% du Pib du pays. Le budget alloué à la santé est très insuffisant par rapport aux besoins du Sénégal.
Abdou Mbacké Bara Dolli accuse 3 chefs religieux et 3 ministres d’avoir détourné 14 milliards destinés à la construction d’un hôpital
Comme à l’accoutumée, le député libéral s’est encore illustré. Renseignant sur un supposé détournement au niveau de Touba, Abdou Mbacké Bara Dolli soutient qu’un troisième hôpital était prévu dans le département de Mbacké, au temps de Serigne Sidy Mokhtar. Mais le budget prévu à cet effet a été détourné et partagé entre trois chefs religieux et trois ministères. Chacun d’eux aurait 2 milliards et personne ne dit rien. «Cette affaire doit être tirée au clair, parce que l'Etat veut résilier ce contrat pour en créer un autre avec 46 milliards», dit-il.
Les autres griefs des parlementaires ont porté sur le problème de l’accueil dans les structures de santé, le refus de certains médecins de rejoindre leur poste à l’intérieur du pays. Pour ces deux cas, les parlementaires invitent l’Etat à être ferme : il est inadmissible que nos structures sanitaires soient victimes d’autant d’indiscipline.
Ndèye Khady D. FALL
Abdou Mbacké Dolli-les jeunes dames députées et les ambulances offertes par le ministre de la Santé
Dans ses accusations, Abdou Mbacké Dolli affirme qu'il semble avoir du deux poids deux mesures pour l'octroi des ambulances. «L’année dernière, des jeunes dames députées ont toutes bénéficié d'ambulances de la part du ministre de la Santé. Je ne sais pas sur quelle base elle ont été attribuées, mais nous aussi nous en voulons», ironise ce dernier. Face à cette déclaration de Abdou Mbacké Dolli, Cheikh Seck et le président Aymerou Gningue proposent la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire pour tirer cette affaire au clair.
Pour Cheikh Seck, c’est irresponsable de se dire député, d’être au courant d’une telle affaire sans pour autant activer les leviers pour dénoncer le fait. «Quand on dit représenter le peuple et être au courant d’une telle injustice et rester dans son coin sans rien faire, c’est un peu léger de lancer des accusations sans fondement. Dans ces cas, si on est sûr de ce que l’on avance, il faut saisir l’Assemblée pour la mise en place d’une commission d’enquête parlementaire», peste le député socialiste.
Embouchant la même trompette, le président du groupe parlementaire exige de son collègue la saisie de l’Assemblée pour une commission d’enquête afin d’édifier les populations sur cette affaire, sinon, il ne devrait plus soulever le sujet devant l’hémicycle.
NKDF