Xavier Diatta révèle que 1200 jeunes ont été enrôlés par le Mfdc entre 2012 et 2017 et dit tout sur la crise
Après «Fiju Di Terra, la Crise casamançaise racontée à mes enfants», Xavier Diatta sort un autre brûlot plein de révélations sur la crise casamançaise. Le livre paru aux éditions l’Harmattan traite de beaucoup de sujets restés jusque-là tabous. «Casamance, Les Geôles du Mensonge» révèle par exemple que plus de 1200 jeunes ont été enrôlés par le mouvement indépendantiste en l’espace de cinq ans, entre 2012 et 2017. Xavier Diatta, auteur du brûlot, ancien pilote de l’armée sénégalaise, aborde aussi l’implication et la responsabilité de groupes d’individus qui, révèle-t-il, profitent du contexte de ni paix ni guerre en Casamance pour faire des affaires et vivre du conflit, aux motifs d’administrer ou de maintenir la paix en Casamance.
Le récit, qui retrace le parcours d’un ancien élève du lycée Djignabo des années 1970, aborde sans langue de bois la situation «incompréhensible» qui prévaut en Casamance depuis l’éclatement du conflit en 1982. Xavier Diatta développe dans le livre de manière crue les vérités sur la tuerie de Boffa et l’arrestation du journaliste René Capin Bassène, une arrestation qu’il estime «spectaculaire et arbitraire». «Casamance, Les Geôles du Mensonge» s’intéresse à d’autres questions sensibles inhérentes à la crise casamançaise : il s’agit de la fermeture de l’aérodrome d’Abéné suspecté de servir de transit aux narcotrafiquants sud-américains, les non-dits sur le projet d’exploitation du Zircon de Niafrang, entre autres questions.
La sensibilité des questions abordées : la boucherie de Boffa
Depuis la survenue de la boucherie de Boffa en janvier 2018, jamais personne n’avait encore abordé avec une telle profondeur et audace les vrais contours de cet épisode qui avait ému tout le pays. Xavier Diatta permet ainsi à ses lecteurs de s’imprégner de ce qui s’est réellement produit à Boffa. Un thème qui devrait susciter beaucoup d’interrogations et de polémiques, en ce sens que l’auteur en parle dans un contexte où la justice n’a pas encore tranché la question, ni condamné un prévenu pour son implication dans la boucherie.
Recrutement de 1200 jeunes par le Mfdc entre 2012 et 2017
Xavier Diatta semble ramer à contre-courant de l’énorme espoir que les autorités font entretenir au sujet d’une issue presque acquise dans le processus de paix en Casamance. Dans son livre, il a révélé le recrutement de 1200 jeunes par le Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (Mfdc). Ce qui le pousse à s’interroger sur les réelles motivations d’un tel projet du Mfdc, au moment où le mouvement indépendantiste a affiché, du moins publiquement, son engagement à œuvrer de concert avec les acteurs impliqués dans le sens d’une solution définitive à la crise. Jamais, en termes de statistiques, on a été autant précis sur les chiffres qui parlent de l’enrôlement des combattants dans le Mfdc. Pour montrer que ses écrits sont «béton», Xavier Diatta a même révélé le milieu social d’où viennent ces recrues, des milieux gagnés par la précarité sociale qui ouvrent la voie à toutes formes de perspectives sociales face à l’absence d’une politique d’emploi bien menée capable de prendre en charge ces jeunes aux chômage.
Qui profite du contexte de ni paix ni guerre en Casamance pour faire des affaires et vivre du conflit ?
Xavier Diatta pose d’autres questions dans son livre «Casamance, Les Geôles du Mensonge». Selon lui, il y a des gens qui profitent du contexte de ni paix ni guerre en Casamance pour faire des affaires et vivre du conflit. Ce que confirme un communiqué attribué au Mfdc au lendemain du massacre de Boffa, impliquant l’administration et les forces de maintien de la paix dans le pillage organisé des ressources naturelles de manière générale.
L’exploitation du Zircon de Niafrang, une polémique sans fin qui atterrit enfin dans un ouvrage
Dans son livre, Xavier Diatta aborde aussi la polémique sur l’exploitation du zircon de Niafrang. Un sujet d’une telle sensibilité que seule l’audace peut pousser un auteur à s’y intéresser. Entre un camp déterminé à défendre l’intégrité naturelle de son environnement pour des questions de survie et un autre engagé à s’ouvrir à l’exploitation de ses ressources par des multinationales afin d’en tirer profit, difficile de trancher sur qui a raison ou qui a tort. L’auteur de «Geôles du Mensonge» pénètre cet environnement, pénètre cette question d’une extrême sensibilité avec des ramifications qui vont jusqu’à affecter le conflit casamançais.
Baye Modou SARR