Alors que l'on peine à gérer le Covid-19 voilà qu’une autre pandémie menace encore l’humanité : c’est la résistance aux antimicrobiens. Ce phénomène noté de plus en plus dans la médecine aussi bien humaine qu'animale intervient quand le microbe développe une aptitude de résistance contre les antibiotiques conçus pour l’éliminer. Même si elle n'est pas considérée comme une maladie, la RAM pourrait engendrer jusqu’à 4 millions de décès dans le continent d’ici 2050, si rien n’est fait, selon Dr Adjaratou Ndiaye, secrétaire permanente du Haut-Conseil national de sécurité sanitaire«OneHealth».
L’automédication, au-delà de toutes les complications qu’elle implique pour la santé, est reconnu aujourd’hui comme l’une des causes de la résistance aux antimicrobiens (RAM) qui est à son tour définie comme «la plus grande menace de la santé publique et la sécurité alimentaire en Afrique». Lors de l’atelier de formation organisé par la tripartite : le Secrétariat permanent du Haut Conseil national de la Sécurité sanitaire mondiale, l’Usaid et la Fao, dans le cadre de la Semaine mondiale de sensibilisation sur la RAM, les médecins et les vétérinaires se sont relayés au pupitre pour évaluer la situation. Cette rencontre procède d’une«volonté commune», selon ces experts, d’amener les acteurs de la santé humaine, animale et environnementale à prendre conscience du danger que constitue la résistance aux antimicrobiens. «On a passé des siècles à développer un arsenal thérapeutique constitué d’antibiotiques, d’antiparasites et d’autres médicaments, aussi bien pour les êtres humains que pour les animaux, et à anéantir les microbes. Mais on se rend compte de plus en plus d’une résistance aux antimicrobiens. Une situation qui pose un véritable problème de santé publique», a alerté la secrétaire permanente du Haut-Conseil national de sécurité sanitaire «One Health».
Selon Dr Adjaratou Ndiaye qui animait l’atelier organisé à l’intention des journalistes en santé avec des acteurs d’autres disciplines et compétences, dans le cadre de l’approche«OneHealth», la résistance aux antimicrobiens favorise la mortalité aussi bien chez l’homme que chez l’animal, avec des incidences sur l’environnement.«La RAM n’est certes pas une maladie, mais elle favorise et augmente la mortalité, car les microbes résistent aux médicaments qui devaient soigner les hommes et les animaux, avec une incidence également sur les végétaux», indique-t-elle avant de préciser qu’un antimicrobien, c’est tout ce qui peut tuer les microbes, bloquer leur croissance ou les empêcher de se multiplier, et la résistance s’établit une fois que l’arsenal commun pour soigner l’homme ou l’animal n’est plus efficace.
Dr Ibrahima Lô : «la résistance aux antimicrobiens est exacerbée par l’utilisation excessive ou non appropriée des médicaments»
Puisque cette résistance aux antimicrobiens ne concerne pas seulement la médication humaine, des vétérinaires ont aussi pris part à la rencontre. Ainsi, le Dr Ibrahima Lô, médecin vétérinaire, estime que pour gérer la problématique de la résistance antimicrobienne, il fautassocier les décideurs, les prescripteurs, les utilisateurs, les bénéficiaires,mais aussi les acteurs de la communication. En d’autres mots, Dr Lô pense qu’il faut intégrer les stratégies d’intervention dans le cadre de l’approche«OneHealth». «La résistance antimicrobienne constitue une menace pour la santé animale, la santé humaine et environnementale, la santé publique. Elle constitue, par conséquent, une préoccupation nationale, régionale et mondiale», a fait savoir Dr Ibrahima Lô. A l’en croire, la résistance aux antimicrobiens est exacerbée par l’utilisation excessive ou non appropriée des médicaments, selon la dose et la durée des traitements, ou à cause de l’automédication abusive. Il met ainsi en garde contre l’utilisation abusive de médicaments pour le bétail, par les éleveurs qui ne prennent pas toujours le temps de consulter les vétérinaires. Ce sont, dit-il, autant de facteurs qui favorisent la résistance aux antimicrobiens.
Dr Chantal Biagui : «l’utilisation d’antibiotiques dans le secteur de l’élevage a connu une hausse de plus de 20.000 kg entre 2015 à maintenant : 11.435 kg en 2015 à environ 39.000 kg en 2021»
Embouchant la même trompette, le Dr Chantal Biagui, vétérinaire et point focal Ram au ministère de l’Élevage et de la Production animale, l’utilisation d’antibiotiques dans le secteur de l’élevage a connu une hausse de plus de 20.000 kg entre 2015 à maintenant : de 11.435 kg en 2015 à environ 39.000 kg en 2021.Elle estime que cette évolution croissante d’agents antimicrobiens nécessite une prise de conscience, pour une«utilisation prudente, responsable et rationnelle de médicaments, afin d’éviter le développement de bactéries multi-résistantes». D’après ces experts, il faudrait que les soignants, les prescripteurs d’ordonnances, les pharmaciens et même les patients respectent la réglementation sur l’utilisation des médicaments, les antibiotiques notamment.Ces derniers soutiennent que les microbes résistants peuvent passer dans la chaîne alimentaire pour se répandre dans l’environnement, ainsi les antimicrobiens deviennent inefficaces pour traiter les infections ou les maladies chez les nouveaux hôtes.
Ndèye Khady DIOUF