Les Sénégalais sont dans l’expectative, attendant la nomination d’un Premier ministre dont le poste avait été rétabli en procédure d’urgence en décembre 2021, pour suppléer le chef de l’Etat pris dans ses tâches de président de l’Union Africaine. Simple prétexte, puisque le Président Macky Sall, à ce moment précis d’après les législatives où on l’attend sur la nomination du PM, s’occupe de ses obligations de président de l’UA. Profitera-t-il de sa tournée pour finaliser son gouvernement… ?
En ce long weekend d’Assomption, les Sénégalais espéraient un nouveau gouvernement ou ne serait-ce que la nomination d’un nouveau Premier ministre et le démarrage du ballet des consultations pour former l’attelage. Mais rien de tout cela. Le Président Macky Sall vaque à d’autres occupations, celles-là qui l’avaient poussé à faire voter en procédure d’urgence le retour du poste de chef du gouvernement. Et si c’est le président en exercice de l’Union Africaine qui s’est rendu au Mali voisin, afin d’aider à asseoir une transition qui satisfasse les parties maliennes et la communauté internationale, il n’en arborera pas moins sa casquette de Président sénégalais pour traiter des questions importantes de coopération bilatérale. Les Sénégalais devront donc prendre leur mal en patience dans l’attente d’un nouveau gouvernement.
L’Administration au ralenti, les charlatans à la fête
Quand on attend un nouveau gouvernement, c’est connu, celui qui est en place ne travaille plus qu’à gérer les affaires courantes. Et depuis deux semaines que le Président Macky Sall a annoncé à ses ministres la fin prochaine de leur compagnonnage, ces derniers sont dans l’expectative et tracent des plans sur la comète de leur reconduction. Et si certains jubilent d’avoir gagné leurs départements lors des dernières législatives, d’autres, laminés par l’opposition à ces mêmes joutes ont vraiment du mouron à se faire et, comme d’habitude dans ces cas de figure, courent les chefs religieux pour un coup de pouce ou, pire encore, les charlatans pour un anti limogeage. Et pendant ce temps, la république fonctionne au ralenti.
Entre le perchoir et la primature, quels profils ?
Ainsi, les yeux et les oreilles étaient braqués sur le palais de Popenguine où le chef de l’Etat s’était retiré, dit-on, pour opérer le casting d’un nouvel attelage gouvernemental. Et les supputations sont allées bon train, pour désigner le Premier ministre dans un lot de personnalités triées sur le volet, dont la tête de liste nationale de Benno aux dernières législatives et ancienne Pm, Aminata Touré, mais aussi Abdoulaye Daouda Diallo, argentier très discret du régime et de l’Etat, Aly Ngouille Ndiaye, ancien ministre de l’Intérieur, Amadou Ba, ancien ministre des Finances, entre autres. Mais le Président Macky Sall a dribblé tout le monde. Puisqu’il s’est envolé ce lundi pour une visite de travail au Mali. Une absence qui va se prolonger jusqu’au 19 aout, date de son retour, vu qu’il se rendra après Bamako au Tchad, puis au Gabon.
Fast-track ou Fox-Trot ?
Le constat est donc que le Président Macky Sall, bien qu’ayant précipité le vote en procédure d’urgence du rétablissement du poste de Premier ministre dans l’architecture institutionnelle du pays, ne semble pas trop pressé de désigner un chef du gouvernement. Il s’était fixé comme délai final les élections législatives et celles-ci étant désormais derrière nous, rien ne devrait constituer un blocage. En faisant de l’ancienne Premier ministre Mimi Touré la tête de liste de sa coalition à ces législatives, d’aucuns pensaient qu’en cas de victoire, le chef de l’Etat pourrait la faire revenir aux affaires. Mais ce n’est pas si simple, car le Président Sall pourrait la destiner au perchoir de l’Assemblée, même si, pour lui, forcer son camp à installer Aminata Touré première femme présidente de l’Assemblée ne serait pas une sinécure, compte tenu des guerres de leadership et de clans au sein de l’Apr et de la mouvance présidentielle. D’autres candidats sont cités, dont un outsider de luxe en la personne du faiseur de roi Pape Diop, qui a permis de faire pencher la balance de la majorité absolue du côté de Benno à l’Assemblée. Le Président Sall en fera-t-il un président de l’Assemblée, compte tenu de sa longue expérience au poste ? Nul ne sait. En tout cas, dans la distribution des rôles, le chef de l’Etat a à sa disposition une brochette de personnalités dans son camp, certaines au-devant de la scène, d’autres en réserve de la République. Il peut même, question de mettre tout le monde d’accord, aller chercher l’oiseau rare loin de ses bases et mettre en selle un «inconnu» du sérail. Il a tout le temps d’opérer son casting dans le ciel d’Afrique, entre Bamako, Ndjamena et Libreville ou dans les appartements des palais de ces capitales africaines.
Gérer des transitions vers un retour à l’ordre constitutionnel
En tout cas, le président en exercice de l’Union Africaine qu’il est s’est rendu dans la capitale malienne pour rencontrer le Président Asimi Goïta avec qui il a discuté de différents sujets dont le principal a été la conduite de la transition au Mali. Afin de trouver une issue acceptable pour tous à une question qui divise les Maliens entre eux et avec la communauté internationale, particulièrement la Cedeao. La question des 49 soldats ivoiriens arrêtés au Mali, inculpés pour complot contre le gouvernement et atteinte à la sureté de l’Etat, a également été évoquée. Mais sur ces deux importantes questions, le Président Sall a évoqué des échanges «francs» avec le chef de la junte malienne, sans plus. Et certainement que les discussions portant sur la coopération bilatérale auront été plus fructueuses, d’une part parce que les deux pays sont liés par l’histoire et la géographie et sont les seuls au monde à partager la même devise : un Peuple-un But-une Foi, et d’autre part parce que les relations entre Bamako et Abidjan sont devenues bien exécrables.
A Ndjamena ou il est arrivé lundi dans la soirée, le Président Sall parlera également de transition, avant l’ouverture du Dialogue national inclusif prévue samedi prochain 20 aout. Il faut rappeler que l’UA n’avait pas voulu sanctionner le Tchad à l’installation d’une junte suite au décès du Président Idriss Déby en avril 2021. Mais l’organisation africaine avait décidé d’accompagner le nouveau pouvoir à condition qu’un dialogue inclusif soit organisé durant une transition qui n’excéderait pas 18 mois. Ajoutant que les autorités de la transition ne pourraient pas candidater aux prochaines élections. C’est donc la mise en œuvre de ces points que l’UA, par son président, ensuite par le président de sa Commission Moussa Faki, vient encadrer.
Cest à Libreville que le Président Sall compte boucler ce périple, avec les festivités de commémoration de l’indépendance du Gabon dont il est invité d’honneur. Fera-t-il un crochet par Abidjan pour finaliser sa médiation dans le dossier des 49 soldats retenus au Mali ? Peut-être bien. En tout cas, les Sénégalais l’attendent impatiemment, espérant qu’il débarquera avec bien calés sur son calepin le nom de son Premier ministre et la liste exhaustive des ministrables à consulter.
Mansour KANE