Après le débat sur le budget, l’ancien ministre Papa Malick Ndour est revenu à la charge pour poser, cette fois-ci, ce qu’il appelle un débat d’idée sur la loi de finances rectificative (Lfr) 2024, les 800 milliards de dette et l'autorisation du parlement. En effet, autour de ce triptyque, il a construit un certain nombre d’interrogations ; d’autant plus qu’il juge impossible de s’endetter à ce niveau dans un délai aussi court et avant le vote de la Lfr.
L’ancien ministre de la Jeunesse, de l'Entreprenariat et de l'Emploi, Papa Malick Ndour a décidé de challenger les tenants du pouvoir en posant un débat d’idée sur la problématique de la dette, aux allures d’une question écrite. Celle des 800 milliards évoquée dans la loi de finances rectificatives (Lfr) 2024 et l’autorisation du parlement. Et, dans cette dynamique de tirer cette affaire au clair, il invite à un débat d’idée dépouillé d’insulte. « J'ai récemment posé une panoplie de questions sur le budget 2025 en réponse à Ousmane Sonko, qui appelait à relever le niveau du débat. Mes interpellations sont hélas restées sans réponse. J’ai estimé de bonne foi que le débat était trop économique. Alors j'ai préféré cette fois-ci y ajouter une petite dose de droit des finances publiques afin de permettre aux juristes, économistes et autres tenants du Projet, parmi lesquels d’éminents spécialistes du droit chypriote de nous gratifier de leurs avis savants », raille d’emblée l’ancien ministre de Macky Sall.
800 milliards ont servi à financer le déficit supplémentaire
« Le vote de la Loi de Finances rectificative (Lfr) a porté le plafond d'endettement à 4573,9 milliards, soit une augmentation de près de 2500 milliards par rapport à la Lfi 2024, qui était la seule en vigueur jusqu'au 24 décembre, soit une semaine avant la fin de l'exercice budgétaire 2024. Je précise que près de 800 milliards proviennent des flux nets de l'emprunt et ont servi à financer le déficit supplémentaire. En termes clairs, l'autorisation du parlement à faire varier l'encours de la dette n'a été donné qu'à une semaine de la fin de la gestion », fait remarquer, dans la foulée, le président du conseil départemental de Guinguinéo, avant d'enfoncer le clou : « l’état n'a eu qu'une petite semaine pour mobiliser toute cette dette supplémentaire autorisée par la Lfr. D'autant plus que l'article 27 de loi organique relative aux lois de finances (Lolf) stipule que « les emprunts à moyen et à long terme sont autorisés par une loi de finances et que la variation nette de l'encours des emprunts à moyen et long terme qui peuvent être émis est plafonnée annuellement par une loi de finances ». Il était donc théoriquement impossible de s'endetter avant le vote de la Lfr, au moins pour 800 milliards. De même, le 31 décembre étant la fin de l'année budgétaire, le délai de mobilisation de cette ressource a été donc d'une semaine », déplore l’ancien ministre.
800 milliards en une semaine, un délai qui intrigue
S’ensuit alors une série de questions de Papa Malick Ndour pour tirer cette dette au clair. « Comment l'État a-t-il réussi à négocier, obtenir et mobiliser toute cette manne financière supplémentaire en l'espace d'une seule semaine, étant donné les délais de traitement et d'approbation nécessaires pour mobiliser des fonds aussi importants ? Quelles ont été les conditions d’emprunt ? L'État a-t-il dû accepter des taux d’intérêt plus élevés ou des conditions moins favorables pour obtenir cet argent rapidement ? L'État a-t-il eu recours à des créanciers ou institutions spécifiques capables de répondre à une telle demande dans un délai aussi court ? Quelles conséquences potentielles cette mobilisation rapide de fonds peut-elle entraîner sur la stabilité financière à court terme ? Comment les acteurs du marché financier ont-ils réagi à cette demande soudaine d'au moins 800 milliards en si peu de temps ? Quelles mesures ont été prises pour assurer la transparence de cette opération, surtout dans un délai aussi court ? », s’interroge l’ancien ministre. A l'en croire, en l’absence de réponses pertinentes à ses interpellations, on pourrait envisager, dit-il, que ces opérations de financement aient été anticipées avant même le vote de la Lfr.
La Lolf écarte toute possibilité de s’endetter en dehors de la loi de finances
Dans le cas où ces opérations précèdent la Lfr, suscite de nouvelles interrogations partagées pour Papa Malick Ndour. « Comment cette anticipation pourrait-elle être réalisée ? En contrevenant ou en se conformant aux procédures légales et réglementaires en vigueur, notamment l'article 27 de la Lolf, qui écarte toute possibilité de s'endetter en dehors du cadre légal, c’est-à-dire la Loi de finances ? Si oui ne peut-on pas considérer la dette qui en découle comme un emprunt caché ou non déclaré qu'on peut classer au même titre que celle qu'aurait effectué l'ancien régime que les tenants actuels du pouvoir taxent pourtant de faussaire ? Si ces opérations de prêt ont été anticipées avant le vote de la Lfr, savez-vous qu’elles ne respectent pas les exigences de la légalité budgétaire et portent atteinte aux principes de régularité et de transparence financière ? Si ces opérations ont été anticipées avant même le vote de la Lfr, peut-on parler d'une précipitation législative ? Quelle a été l'ampleur des risques légaux encourus par l'État en agissant avant l'approbation de la loi par le Parlement ? Puisque le Parlement du Jub Jubal Jubbanti nous informe qu'il se pourrait qu'il ne soit pas toujours en phase avec le pouvoir Exécutif. Les députés de Pastef nous disent que leur pouvoir législatif ne sera jamais aux ordres de l'Exécutif. Si l'emprunt a été anticipé, peut-on considérer qu'il existe une forme de rétroactivité législative dans l’application de la Lfr pour couvrir les actions entreprises avant le vote, comme c'est le cas avec les décrets d'avance ? Quels sont les principes juridiques qui encadrent une telle situation », ajoute l’ancien ministre de Macky Sall.
S'endetter sans l’autorisation des mandants
En outre, il est revenu sur la déclaration du premier ministre faisant croire que « le système, ce n’est pas simplement des hommes, ce sont aussi des pratiques administratives aux antipodes de la transparence». A cette assertion, il met le patron de Pastef devant le fait accompli. «Ousmane Sonko, avez-vous réellement donné l'ordre à vos fonctionnaires d'anticiper une partie de la dette en vous appuyant sur une pratique non conforme à la loi ? Le cas échéant, je soulève ces préoccupations afin que vous puissiez vous en servir pour conformer les pratiques de l'administration à votre désir de mettre fin au ‘’système’’ et de conformer les pratiques administratives au Jub Jubal Jubbanti. De même, le peuple serait ainsi informé que le nouveau régime s'endette sans que ses mandants ne leur en donnent l'autorisation. Qui parlait encore d'emprunts non déclarés ? », ironise l’ancien ministre de la Jeunesse.
M. CISS