Après 4 ans de détention provisoire, Boubacar Ndiangadou ne sait toujours pas quel sort lui réserve la justice sénégalaise. Malien d’origine, il a été inculpé et placé sous mandat de dépôt, parce que soupçonné de faire partie de réseau terroriste. Au final, le Doyen des juges l’a blanchi pour sa relation avec le terrorisme, mais a retenu, dans son ordonnance de renvoi rendue il y a plus d’une année, le blanchiment d’argent. Las d’attendre en prison sans être jugé, le commerçant a décidé d’observer une grève illimitée de la faim, tout au moins jusqu’à ce que son dossier soit programmé en audience.
Observer une grève de la faim rien que pour être jugé, c’est peut-être absurde, mais cela peut se comprendre. En tout cas, pour Boubacar Ndiangadou, c’est tout à fait compréhensible. Ce commerçant d’origine malienne est décidé à observer une grève de la faim, espérant ainsi tordre le bras au Procureur afin qu’il programme son dossier en audience. «Depuis quatre ans, je suis en prison, mes femmes, mes enfants me demandent : quand est-ce qu’on va te juger ? Je n’en peux plus d’attendre. Je suis prêt à observer la grève de la faim jusqu’à ce que mort s’ensuive s’il le faut. Mais je veux qu’on me juge ; au moins que je sache !» ; ce sont les propos de Boubacar Ndiangadou, désespéré, qui nous ont été rapportés par un de ses proches. Selon ce proche du commerçant toujours, Boubacar Ndiangadou va commencer dès aujourd’hui à faire la diète.
En fait, le dossier qui a valu à Boubacar Ndiangadou son séjour en prison est clôturé depuis le 1er juillet 2019 et jusqu’à présent, il ignore quand il va en jugement. «Je jure que je n’ai rien fait. Mais, ils disent maintenant qu’il n’y a plus de terrorisme, mais il y a le blanchiment d’argent ; ce que je réfute encore. Au moins qu’on me juge pour que je puisse m’expliquer. Je ne demande que ça. Selon les dernières informations qu’on a reçues, le Procureur dit qu’on ne peut pas être jugé, pour le moment, parce qu’il n’y a pas encore de financement. Je ne comprends rien de tout cela», s’est encore plaint Boubacar Ndiangadou auprès de ce proche. Et selon ce dernier, l’homme est déterminé à aller jusqu’au bout.
En tout cas, d’après nos investigations, il est avéré que Boubacar Ndiangadou a obtenu le non-lieu sur tout ce qui a trait au terrorisme. Du coup, le juge d’instruction a retenu le blanchiment d’argent. Est-ce alors parce qu’il fait partie du dossier de Ould Sidy Mouhamed Sina et Cie qu’il doit payer et attendre, même s’il s’est avéré qu’il n’a rien à voir avec eux ? Doit-il purger la même peine ou garder encore la prison juste parce qu’il a eu le tort de faire partie de ce dossier ?
C’est le 21 mars 2017 que le commerçant malien a été arrêté. Le 21 mars 2021, il fera quatre ans de prison. Lors de son interpellation, la justice sénégalaise le soupçonnait de faire partie du groupe terroriste de Mouhamed Sina et autres qui avaient planifié l’attaque du Grand Bassam en Côte d’Ivoire. Des accusations qu’il a réfutées. Etabli à Dakar depuis 1985, il a réussi à caser ses compatriotes maliens au «marché malien» à la Salle de vente. Il s’active dans le transfert d’argent. Mouhamed Sina qui a été arrêté le 23 janvier 2017 a récupéré de l’argent qui lui a été transféré, auprès de sa boutique. Près de deux mois après, Boubacar Ndiangadou tombe, accusé de faire partie du réseau terroriste. Il jure n’avoir rien à voir avec Mouhamed Sina qui, comme beaucoup de personnes, a récupéré de l’argent chez lui. Le commerçant malien nie également le blanchiment d’argent portant notamment sur les 3 milliards qui seraient retrouvés dans son compte à la Bicis. Selon ce proche du commerçant toujours, cela fait 15 ans qu’il a ce compte et il y a fait près de trois crédits parfois d’un montant de 120 millions. Il a également un autre compte à la Bsic. Selon lui, il ne s’agit que de mouvements de compte qu’on a additionnés. Vrai ? Faux ? Seul un procès pourrait nous édifier. Demander à être jugé, ce n’est pas demander le ciel. Les autorités sénégalaises devraient s’atteler à juger toutes ces personnes au risque de violer leur droit élémentaire. Les juger permettraient même de désengorger les prisons.
Alassane DRAME