Les réformes sur la justice, l’Union des magistrats sénégalais les a toujours souhaitées. Le président Souleymane Teliko et ses camarades ont même fait des propositions de réformes, qui ont été discutées lors du colloque sur la justice qui avait été organisée. Un comité a été mis en place, qui a fait d’autres propositions validées par l’Ums ; et le rapport a été déposé sur la table de Macky Sall qui n’en a plus parlé. En cette période électorale, les prétendants à la magistrature suprême ont fait de cette question de la justice un cheval de bataille. Idrissa Seck a pris des engagements, consignés dans un pacte avec Abdoul Mbaye et Mamadou Lamine Diallo qui le soutiennent. Le candidat de la coalition «Idy2019» propose de grandes réformes, notamment la suppression du Conseil constitutionnel et la diminution des prérogatives du procureur avec l’institution du juge des libertés. La Crei sera également supprimée, mais pas la poursuite pour enrichissement illicite, etc. Idrissa Seck satisfait également aux revendications de l’Ums.
Si la démocratie sénégalaise avait gravi un échelon dans son processus, elle semble, aujourd’hui, avoir reçu un coup très rude après les critiques portées sur la justice, non seulement par de simples citoyens, mais par les magistrats eux-mêmes, notamment l’Union des magistrats sénégalais. L’Ums, qui dénonce la non-transparence au sein du Conseil supérieur de la magistrature (Csm) et surtout l’immixtion de l’exécutif dans les affaires judiciaires, avait fait des propositions pour une justice indépendante, au service uniquement du peuple. Ce rôle fondamental de la justice, dans une démocratie, les candidats à la présidentielle en sont conscients. Lors de sa première déclaration sur l’antenne de la Radiotélévision sénégalaise (Rts), Issa Sall, candidat du Parti de l’unité et du rassemblement (Pur), avait promis, une fois élu, d’organiser les assises de la justice. Le candidat Idrissa Seck a signé un pacte avec le leader du mouvement Tekki, Mamadou Lamine Diallo et le président de l’Alliance pour la citoyenneté et le travail (Act), Abdoul Mbaye, dans lequel il s’engage sur plusieurs points dont la justice.
Le Conseil constitutionnel supprimé
«La justice sera soustraite de la tutelle de l’exécutif et du législatif et assurera son pouvoir sans entrave. Le pouvoir judiciaire est exercé par la Cour constitutionnelle, la Cour de cassation, la Cour des comptes et les Cours et Tribunaux», ratifie le président de la coalition «Idy2019». Le Conseil constitutionnel supprimé et remplacé par la Cour constitutionnelle: «elle sera la plus haute juridiction de l’Etat. Elle connaît de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux, des conflits de compétence entre l’exécutif et le législatif. Elle garantit les droits fondamentaux de la personne humaine et des libertés publiques», précise le document. Cette Cour sera composée de 7 membres dont 3 magistrats ou anciens magistrats qui ont au moins 25 ans d’expérience et qui seront nommés par le Président, sur une liste de 6 noms qui sont proposés par le Conseil supérieur de la magistrature. Il y a également un professeur titulaire de droit choisi par le président de l’Assemblée nationale, un avocat choisi par l’ordre qui a la même ancienneté que les magistrats, un membre choisi par l’opposition parlementaire et une personnalité indépendante choisie par l’Assemblée nationale sur une liste de trois personnalités proposées par le collectif des associations des défenseurs des droits humains. Nommés par décret, ils auront un mandat de 6 ans non renouvelable. Ils devront également faire leur déclaration de patrimoine. Cette haute juridiction pourra être saisie par toute personne physique ou morale «lorsqu’une mesure d’ordre législatif lui paraît porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne humaine ou remettre gravement en cause les principes et valeurs de la République, de la démocratie et de l’Etat de droit», précise encore le document.
Nominations par appel à candidature ; institution d’un juge des libertés
Le Conseil supérieur de la magistrature, qui intéresse au plus haut point l’Ums dans son combat, est aussi au cœur des réformes. Il sera composé, «outre le président de la Cour constitutionnelle et deux personnalités de haut rang, désignées respectivement par le président de la République et le président de l’Assemblée nationale (…) du Premier président de la Cour de cassation et du Procureur général près ladite Cour, et, au titre des membres élus, d’au-moins un nombre égal de membres choisis conformément aux dispositions prévues par la loi organique sur le Conseil supérieur de la magistrature», a accepté Idrissa Seck. «La nomination des magistrats procède du respect d’une procédure d’appel à candidature claire et transparente, de l’instruction des dossiers par un secrétariat ad hoc, et d’une décision finale motivée par le Csm», s’engage le leader du Rewmi, qui satisfait ainsi, substantiellement, à la sempiternelle bataille de l’Ums.
Ce même procédé d’appel à candidature concerne le Parquet. Mais, mieux, «le Parquet ne sera plus sous la tutelle du ministère de la Justice. Toutefois, des réformes et dispositions seront mises en œuvre pour assurer l’indépendance des juges à l’égard des parties et la sanction de toutes dérives assimilables à une mauvaise administration de la justice», signe encore Idy. S’agissant des mandats d’arrêt intempestifs, il propose : «il sera institué un juge des libertés pour mettre fin aux abus de la détention préventive». Mais, ce n’est pas tout, la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) est impliquée dans les réformes proposées : «suppression Crei et création d’une chambre financière», ratifie le candidat de la coalition «Idy2019» mais, il précise : «cependant, le délit d’enrichissement illicite est maintenu au niveau des tribunaux ordinaires, offrant ainsi des voies de recours aux condamnés». Une petite réforme donc pour la Crei, qui n’est plus une juridiction spéciale, mais ordinaire et dont les décisions peuvent être attaquées. Le principe du double degré de juridiction est ainsi respecté.
Alassane DRAME