Le 4e Forum de Dakar pour la paix et la sécurité s’est ouvert, hier, sur le thème «défis sécuritaires actuels en Afrique : pour des solutions intégrées». Mais, au Centre international de conférence Abdou Diouf (Cicad) de Diamniadio, la sérénité n’a pas été de mise. Des craintes subsistent pour ce qui est des méthodes face à la radicalisation des terroristes. Le changement de démarche est même prôné.
C’est peu de dire que le terrorisme fait peur. Il hante même le sommeil des chefs d’Etat, malgré les immenses efforts faits pour le contrer. Hier, à l’ouverture de la 4e édition du Forum de Dakar sur la paix et la sécurité, les panélistes ne se sont pas gênés pour le faire savoir. En effet, d’après Moussa Faki Mahamat, président de la Commission de l’Union africaine, l’Afrique est confrontée à de nombreux défis sur le plan sécuritaire. Il en veut pour preuve les avatars électoraux et démocratiques. Faki Mahamat de rappeler que dans le cadre de l’agenda 2063, l’Afrique s’était fixé un objectif principalement ambitieux : celui de faire taire les armes à l’horizon 2020. Mais, au regard de la complexité de la situation, des doutes, quant à l’atteinte de ces objectifs, persistent.Selon lui, une réflexion nouvelle est dès lors cruciale sur les réponses internationales face à la persistance des foyers de tensions et des violences. «Il est légitime dans ce contexte de s’interroger sur l’adéquation de ces réponses par rapport aux formes des violences terroristes, criminelles qui sévissent dans la Corne de l’Afrique. Le système international actuel de maintien de la paix est tributaire de beaucoup de choses. Lorsqu’il a vu le jour, les formes actuelles de violences n’avaient pas cours. Ou du moins ne présentaient pas la même intensité. Les missions de la paix sont attaquées partout. Lorsqu’elles sont déployées, ces missions éprouvent des difficultés à s’adapter à l’environnement dans laquelle elles sont censées opérer. Elles manquent de flexibilité. Les limites posent parfois leur efficacité d’action. Parfois, elles sont contraintes de consacrer l’essentiel de leurs efforts à leur propre protection, au détriment de la mise en œuvre de protection des civils ou de l’appui de mises en œuvre par les accords de paix», diagnostique le président de la Commission de l’Union Africaine. Qui ajoute : «cette impuissance de la puissance face aux groupes terroristes et criminels d’autres entités rebelles apparait aujourd’hui comme l’une des caractéristiques pour les missions classiques de maintien de la paix, notamment sur les théâtres africains».
Pour le Tchad, l’engagement de l’Union africaine et ses Etats membres demeure trop théorique
Le Premier ministre du Tchad, Albert Pahim Padacké, qui représentait Idriss Déby à cette rencontre, ne dit pas autre chose. Selon lui, le monde fait face à des menaces de plusieurs ordres et l’Afrique est le continent le plus vulnérable et le plus exposé à ces menaces qui mettent en péril la paix et la sécurité. «Quel que soit l’engagement des uns et des autres, la complexité croissante des menaces, des conflits est telle qu’aucun Etat, seul, aucune organisation, seule, ne peut les annihiler. C’est pourquoi, nous pensons que l’UA a raison de toujours plaider en faveur des partenariats stratégiques avec les Nations-Unies».
Aussi, il estime que «l’engagement de l’Union africaine et ses états membres demeure trop théorique et la mobilisation des moyens en deçà de nos capacités réelles, eu égard à l’ampleur de la menace, comme en témoignent par exemple les atermoiements continus. Le continent doit savoir d’abord compter sur lui-même avant d’en appeler à l’aide. Puisqu’il s’agit d’abord et avant tout de la sécurité de l’Afrique et des Africains».
«Il faut gagner cette guerre du bien contre le mal»
Pour le Premier ministre tchadien, «ce qui est en jeu, c’est notre destin partagé. La liberté à laquelle aspirent les autres». Tous les Etats, selon lui, «doivent s’unir pour contrer la menace dans sa base de gestation, tout en œuvrant pour un environnement peu favorable à la radicalisation». A son sens, «en plus de l’action militaire rendue incontournable», il leur faut impérativement passer à la réalisation des objectifs. «Chacun d’entre nous ressent avec une émotion partagée les dégâts humains et matériels qui résultent des actes de terrorisme perpétrés dans nombre de pays du continent. Pour ce qui concerne le Tchad, sa détermination à lutter farouchement contre les terroristes sur son territoire et à voler à la rescousse d’autres pays, est une politique volontariste du président Deby, convaincu du danger que représente le terrorisme. En dépit du lourd tribut humain, matériel et financier, le Tchad est en passe de gagner cette guerre du bien contre le mal».C’est aussi ce que suggère le Président Ibrahim Boubacar Keïta. Selon le chef de l’Etat malien, ce ne sont pas les attaques terroristes contre le peuple malien qui le pousseront à renoncer à faire du Mali un havre de paix.
Pour sa part, la ministre de la Défense de la France rassure que la France n’abandonne et n’abandonnera jamais ses partenaires. Le Forum de Dakar, selon elle, «est devenu un événement très attendu, très espéré, aux échanges riches et aux conclusions concrètes et parler donc de sécurité intégrée, c’est faire une analyse lucide des menaces actuelles et celles à venir qui pèsent sur le continent africain».
Macky Sall : «la riposte militaire contre les groupes terroristes est vitale»
Selon le Président Macky Sall la riposte militaire est la seule à même d’aider l’Afrique. «De toute évidence et en premier lieu, la riposte militaire sur le terrain contre les groupes terroristes est vitale. Nous ne pouvons pas laisser le champ libre à des forces dont le seul objectif est de semer la mort et le chaos», a dit Macky Sall, qui fait remarquer que la riposte militaire au terrorisme doit toutefois être solidaire et globale pour ne laisser aucun sanctuaire aux groupes terroristes. «Le risque, aujourd’hui et pour les années à venir, c’est de voir des terroristes vaincus ailleurs chercher des zones de repli en Afrique, pour y poursuivre leurs activités criminelles en s’attaquant aussi bien aux populations locales qu’aux intérêts étrangers. Ce serait une erreur fatale de sous-estimer ce risque, ou de penser que le déplacement du spectre du terrorisme vers une zone donnée mettrait les autres à l’abri. Le terrorisme et ses causes doivent être traités partout avec la même détermination et le même ordre de priorité. C’est cela aussi l’approche intégrée. Tant qu’il reste une zone de vulnérabilité, nous continuerons tous d’être exposés à la menace», insiste-t-il.Pour que la riposte sur le terrain soit plus efficace et cohérente, le Président déclare qu’il faut des forces de défense et de sécurité suffisamment formées et entrainées, suffisamment équipées et dotées de mandats clairs et robustes. Ce qui pose encore une fois la question des missions de paix des Nations-Unies.
Madou MBODJ