Face à la presse nationale, hier vendredi 4 avril 2025, en marge de la célébration de la fête de l’indépendance, le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, s’est livré à un exercice de transparence et de vérité, abordant sans détour les grandes questions qui agitent l’opinion sénégalaise. Justice, reddition des comptes, son prédécesseur Macky Sall, qu’il accuse de manœuvres souterraines, lutte contre la corruption, mais aussi réforme de la gouvernance avec un rééquilibrage des pouvoirs exécutifs en faveur du Premier ministre : aucun sujet n’a été éludé par le chef de l’État. Dans un ton ferme, parfois incisif, mais toujours mesuré, Bassirou Diomaye Faye a réaffirmé sa volonté de rupture avec les pratiques du passé, promettant une justice équitable, une gouvernance plus collégiale et une gestion rigoureuse des affaires publiques. Ce deuxième grand face-à-face avec les médias nationaux depuis son élection marque un tournant dans sa communication présidentielle et trace les lignes directrices de son quinquennat.
Sur le plan de la justice, Bassirou Diomaye Faye a affirmé que "les Sénégalais ont le droit de réclamer que la justice fasse son travail". Cette déclaration du chef de l’Etat intervient dans un contexte où de nombreuses personnalités publiques, anciennes figures politiques et opérateurs économiques, sont accusés de malversations financières sans pour autant être poursuivis de manière systématique. Le président Faye a insisté sur la nécessité d'une justice indépendante et rigoureuse, capable de traiter de manière équitable et transparente les affaires de corruption, indépendamment du statut ou de l'influence des accusés. "Il y a des personnes qui ont géré pendant 12 ans et qui doivent rendre des comptes. Si un opérateur économique commet une faute, il est poursuivi, mais lorsqu'il s'agit d'un homme politique, certains veulent faire croire qu’il s’agit d’un règlement de comptes", a-t-il indiqué. Avant de poursuivre pour accuser certains responsables politiques qui, selon lui, bénéficient d'une certaine impunité ou protection en raison de leur position. Diomaye Faye a donc appelé à une application uniforme de la loi, sans distinction de statut ou de pouvoir, affirmant que la politique ne doit pas servir de bouclier pour échapper à la justice. Sur le plan économique, Bassirou Diomaye Faye a mis l'accent sur l'importance de la transparence et de la rigueur dans la gestion publique. "La situation de sérieux, de transparence, de lutte contre la corruption et de clarté dans la vision des autorités que nous sommes rassure également le monde des investisseurs", a-t-il déclaré.
‘’manœuvres souterraines’’ de Macky Sall
Bassirou Diomaye Faye a ensuite accusé son prédécesseur Macky Sall est en train de faire des choses sans préciser quoi. "Après notre passation de service, le 2 avril 2024, on s'est fait des accolades même si j'avais le cœur vide. Ensuite, je lui ai donné l'avion présidentiel pour qu'il aille à La Mecque faire le petit pèlerinage. Mais je sais qu'il est en train de faire des choses. Il fait des manœuvres souterraines (contre nous)", a indiqué Bassirou Diomaye Face lors de son face à face avec des journalistes sénégalais au Palais.
«Ce pays a été géré pendant douze ans, et chacun devra répondre de ses actes»
Toujours à propos de Macky Sall, le Président Bassirou Diomaye Faye s’est exprimé sur une question concernant d’éventuelles poursuites contre son prédécesseur, Macky Sall. A ce propos, il a réaffirmé son engagement en faveur de la reddition des comptes, tout en rejetant fermement toute accusation de règlement de comptes politiques. «Je ne fais pas une fixation sur Macky Sall, mais je ne suis pas au-dessus de la loi. Ce pays a été géré pendant douze ans, et chacun devra répondre de ses actes», a-t-il déclaré avec fermeté. Pour le chef de l’État, l’égalité devant la justice est non négociable, qu’il s’agisse d’opérateurs économiques ou d’hommes politiques. «Quand un opérateur économique est visé, cela semble normal ; mais dès qu’il s’agit d’un homme politique, on crie au règlement de comptes», a-t-il déploré, avant d’asséner : «la reddition des comptes ne doit épargner personne.» Cette posture vise à dissiper toute idée de partialité dans l’examen des gestions passées.
Bassirou Diomaye Faye a ainsi promis une approche rigoureuse et impartiale. «Toutes les gestions seront passées au crible. Des enquêtes seront menées, et là où les faits l’exigeront, la justice suivra son cours», a-t-il conclu, laissant entendre que l’avenir judiciaire de Macky Sall dépendra des conclusions de ces investigations.
«Je veux un Premier ministre super fort»
En ce qui concerne la répartition du pouvoir, Bassirou Diomaye Faye dit qu’il veut un Premier ministre "super fort". Le président de la République réaffirmé ainsi sa volonté de mettre fin à l’hyper présidentialisme qui caractérise le système sénégalais. « Je veux un Premier ministre super fort, n’en déplaise à ses détracteurs », a-t-il déclaré, apportant un soutien sans équivoque à Ousmane Sonko, actuel chef du gouvernement, disant que sa position sur la question ne découle pas uniquement du profil de son mentor politique Ousmane Sonko, mais d’une conviction profonde, forgée bien avant son accession au pouvoir. «Avant même mon élection, j’avais constaté une concentration excessive du pouvoir entre les mains du président de la République. Je ne suis pas dans une logique d’accaparement. Je ne suis pas, et je ne veux pas être, ce genre de président», a expliqué Faye. Le chef de l’Etat défend une gouvernance basée sur la collégialité, la solidarité et une complémentarité des rôles au sein de l’exécutif, estimant qu’«une seule personne ne peut pas gérer un pays».
Dans cette optique, il souhaite renforcer les prérogatives du Premier ministre, un choix qu’il juge bénéfique pour lui-même. «Je ne veux pas que tout me soit systématiquement remonté. Un Premier ministre fort m’épaulera efficacement dans l’action publique », a-t-il souligné. Loin de chercher à bouleverser le régime, Faye inscrit son projet dans la continuité des Assises nationales, dont il considère les conclusions comme une boussole. «Je milite pour une répartition plus équilibrée des pouvoirs», a-t-il conclu, plaidant pour une modernisation de la gouvernance sénégalaise.
Sidy Djimby NDAO