
Les deux députés du Parti de l’unité et du Rassemblement (PUR), MassataSamb et Mamadou Niang ont fait face hier aux juges. Curieusement, ils ont catégoriquement nié les coups et blessures volontaires et menaces de mort que leur reproche leur collègue Amy Ndiaye Gniby. Le procureur de la Républiquea requis 2 ans de prison ferme contre eux. Amy Ndiaye Gniby, la victime, absente à la barre, leur réclame 500 millions de dédommagements.
Si Massata Samb et Mamadou Niang, députés du Parti de l'unité et du rassemblement (Pur), n'ont pas voulu s'expliquer face aux agents de la Division des investigations criminelles et devant le procureur de la République sur les faits de coups et blessures volontaires ayant entraîné une incapacité temporaire de travail de 23 jours et de menaces de mort au préjudice de leur collègue Amy Ndiaye Gniby, ils l'ont fait, hier, à la barre du tribunal des flagrants délits de Dakar, où ils ont été jugés. Ces parlementaires ont nié les faits lorsqu'ils ont été interrogés.
MassataSamb : «J'ai juste arraché son foulard, mais je ne l'ai pas giflée»
En répliquant au juge, Massata Samb a juré que ces accusations portées sur sa personne ne sont pas avérées. «J'ai réagi de la sorte en allant auprès d'elle parce qu'elle a tenu des propos injurieux à l'encontre de mon marabout. Elle a piétiné sa dignité. C'est après cela que je suis allé vers elle pour lui arracher son foulard. J'ai juste arraché son foulard, mais je ne l'ai pas giflée. Et je m'en suis limité là avant qu'on ne me tire. Je n'avais pas l'intention de la taper, parce que c'est une femme. En plus, si je l'avais battue, on allait parler d'une autre Amy Ndiaye. À chaque fois, elle ne cesse de nous insulter. Elle nous insultait de mère devant les caméras. Elle est plus agressive que les hommes», a-t-il poursuivi. Seulement, la procureure l’a démenti en lui indiquant que tout le monde l’a vu gifler sa collègue dans les vidéos.
Mamadou Niang : «Nous sommes juste entrés en collision lorsque je suis allé les séparer»
De son côté, Mamadou Niang s’est exprimé à propos du coup de pied qu'il a donné à sa victime. «J'ai quitté la place où j'étais assis pour les séparer. Curieusement, la dame a saisi la chaise pour la lui jeter. Pour la reprendre de ses mains comme elle venait en vitesse, nous sommes tombés par terre mais je n'avais pas l'intention de lui donner un coup de pied. Mon pied l'a accidentellement atteint. Nous sommes juste entrés en collision lorsque je suis allé les séparer. Mais je n'ai pas porté ma main sur elle», assure-t-il.
Appelé à la barre à titre de témoin, Abass Fall a confirmé les allégations: «j'étais présent et je tiens à dire devant tout le monde que le Pv dressé par le président de l'Assemblée nationale ne reflète pas la réalité». Mais le juge lui a rétorqué : «contentez-vous des faits, vous êtes un témoin à la barre et non un prévenu».
L'autre témoin,Sanou Dione, a abondé dans le même sens, confiant qu'il n'a pas vu le pied de Massata Samb toucher Amy Ndiaye Gniby.
Me Alioune Badara Ndiaye : «ces deux députés devaient être traduits devant la chambre criminelle»
Avocat de la partie civile, Me Kane a fustigé l'attitude des députés,indiquant que le Sénégal a été la risée du monde. Il a ainsi rappelé que l'Assemblée nationale n'est pas un ring de boxe, ni une arène. Son confrère Me Souleymane Soumaré d'ajouter : «aujourd'hui, l'on peut s'interroger sur le sort de l'enfant et sur les dommages. Au-delà de la mère, c'est la santé de l'enfant qui est menacée». Pour sa part, Me Alioune Badara Ndiaye a indiqué que ces députés devaient comparaître devant une autre juridiction plus répressive. «Heureusement que madame Amy Ndiaye est encore en vie. Ils devaient même comparaître devant la chambre criminelle. Parce qu'ils avaient dit devant tout le monde qu'ils allaient tuer Amy Ndiaye. On aurait dû ouvrir une information judiciaire pour les traduire devant la chambre criminelle. Les autorités doivent prendre des mesures pour éviter de telles situations, parce que la violence faite aux femmes est monnaie courante», a-t-il asséné.
Me Baboucar Cissé réclame 500 millions pour sa cliente
Taxant les deux députés d'avoir formé une «association de malfaiteurs», Me Baboucar Cissé leur réclame 500 millions de dommages et intérêts pour le compte de sa cliente. Ce, après avoir craché ses vérités. «Les images ont fait le tour de la planète. C'est la première fois depuis l’indépendance qu'il y a une telle législature dans notre Assemblée nationale. Les faits sont d'une gravité extrême et il faut sévir, parce que c'est la seule manière pour que l'Assemblée retrouve son lustre d'antan», a-t-il déclaré.
La procureure requiert 2 ans ferme
Dans ses observations, la procureure a demandé une application rigoureuse de la loi à l'endroit des députés, avant de requérir 2 ans de prison ferme contre chacun. «Les prévenus n'ont aucune excuse de provocation. M. Le président, vous êtes le dernier rempart du législateur pour appliquer la loi de la manière la plus stricte. On ne peut pas croire qu'à l'Assemblée nationale, des personnes investies et élues par le peuple se livrent à de tels actes. L'excuse de provocation ne peut pas être invoquée. Et le sursis ne peut pas leur être appliqué non plus», a-t-elle lancé.
La défense demande au tribunal de débouter la partie civile de sa demande «faramineuse»
Si Me Abdy Nar Ndiaye de la défense estime que Amy Ndiaye a jeté le discrédit et l'anathème sur la personne de Serigne Moustapha Sy qui est un modèle, son confrère Me Adama Fall a, quant à lui, indiqué qu'on ne peut pas attaquer quelqu'un sur la base de sa foi. Me Fall qui a demandé au tribunal de débouter la partie civile de sa demande «faramineuse» de poursuivre : «la provocation est venue de la dame Amy Ndiaye Gniby. On a voulu plaider la cause féminine en parlant de violences faites aux femmes, mais je ne vais pas entrer dans ces considérations. Les faits qui vous sont déférés sont des violences et voies faits M.le président. Il y va de la paix, de la stabilité du pays et des bons rapports entre les parlementaires». Délibéré lundi prochain 26 décembre 2022.
Fatou D. DIONE
AU MOMENT OÙ LES AVOCATS DES DÉPUTÉS DEMANDENT LA NULLITÉ DE LA PROCÉDURE
Me Baboucar Cissé, conseil d'Amy Ndiaye Gniby, a souligné que BirameSoulèye Diop qui les a pris avec lui devait être poursuivi pour recel
Estimant que MassataSamb et Mamadou Niang avaient pris la fuite avant qu'ils ne se soient présentés à la Dic en compagnie de BirameSoulèye Diop, l'avocat d'Amy Ndiaye Gniby, Me Baboucar Cissé, a déclaré que ce dernier devait être poursuivi pour recel. La robe noire a évoqué cela hier pendant que les avocats des parlementaires sollicitaient la nullité de la procédure.
Hier, lorsque les infractions qui sont reprochées aux députés MassataSamb et Mamadou Niang leur ont été notifiées, leurs avocats ont soulevé une exception de nullité de la procédure avant même que les débats ne commencent. Les conseils de la défense ont évoqué la violation de l'article 61 du règlement intérieur de l'Assemblée nationale sur leur immunité parlementaire. Premier à prendre la parole, Me AdamaFall a précisé : «les faits qui leur valent cette comparution ont eu lieu le 1er décembre 2022. L'Assemblée examinait le budget du ministère de la Justice. Elle était en session. Et quand elle est en session, l'article 61 dit qu’aucun membre ne peut être poursuivi ou arrêté». Il poursuit sur le flagrant délit : «par ailleurs, si vous estimez tenir compte du flagrant délit, je vous rappelle qu'à la date du 13 décembre, jour où ils ont été arrêtés, le délit n'a pas été commis. Il s'est écoulé 9 jours. On est plus dans la flagrance ou en matière de flagrant délit, mais dans le cadre de l'enquête». En guise de conclusion, la robe noire a évoqué la thèse de la «fuite» de ses clients avancée par certains. «On viendra vous dire qu'ils étaient en fuite. Alors qu'il faut un avis de recherche ou une convocation servie à leurs domiciles. Il n’en est rien puisqu'ils sont régulièrement domiciliés. Sur quoi se base-t-on pour dire qu'ils étaient en fuite ? Ils ont pris part aux travaux de la Déclaration de politique générale du Premier ministre le 12 décembre dernier. Le flagrant délit et la fuite ne peuvent pas être retenus en l'espèce. La fuite et le flagrant délit ne sont pas opérants», a argué le conseil qui estime que cette procédure ne mérite que la nullité.
«Faux», a rétorqué l'avocat d'Amy Ndiaye Gniby, Me Baboucar Cissé. Citant ainsi tous les endroits où les téléphones des deux députés ont été bornés lorsqu'ils se sont fondus dans la nature, il déclare : «c’est faux, ils ont fui ! C'est BirameSoulèye Diop qui les a pris dans sa voiture lorsqu'ils se sont présentés pour la Déclaration de politique générale du Premier ministre. Et il aurait dû être poursuivi pour recel. Il les a pris chez lui où ils ont passé la nuit». Sur la nullité de la procédure soulevée par la défense, Me Cissé de renchérir : «il s'agit d'une exception tirée du fait de leur immunité parlementaire qui n'est pas levée. Et pour cela, on a tenté de vous dire que la loi organique de notre auguste Assemblée nationale est illégale et anticonstitutionnelle. On a terni l'image de ce pays. Et tout le monde a vu qu'un député s'est levé, s’est dirigé vers sa collègue pour la gifler. Cela est flagrant».
Partageant le même raisonnement, la représentante du procureur a bien précisé que pour entamer ces poursuites, ils se sont référés aux dispositions de l'article 51 de la loi organique portant règlement de l'Assemblée nationale. «On est venu ce matin pour dire que cette loi est non conforme à la constitution. Alors que le flagrant délit ne souffre d'aucune contestation. Les faits se sont produits à l'Assemblée nationale et devant les caméras. Il y a la notion de fuite qui est aussi flagrante. Et avec ça, leur immunité parlementaire ne peut pas être opérationnelle. Il vous plaira de rejeter cela», a conclu la parquetière avant que le tribunal ne joigne les exceptions au fond pour ainsi continuer les débats d'audience.
Fatou D. DIONE