Des visites des directions et agences sous leur tutelle, des séminaires et autres rencontres dans les hôtels de Dakar ou de Saly… alors que, pour la plupart, ils ne savent rien des dossiers importants qui dorment dans les tiroirs et armoires de leurs ministères respectifs. C’est cette perte de temps inutile qui plombe le bon fonctionnement des ministères et empêche l’atteinte des objectifs fixés, notamment aux nouveaux ministres. C’est en tout cas ce que croit savoir l’ancien ministre Thierno Lo. À travers un texte publié sur internet, le président de la coalition Adiana fait la leçon aux néo-ministres et déballe sur le fonctionnement de nos ministères.
«Le parcours du combattant». C’est ainsi que l’ancien ministre de l’Environnement a intitulé son texte aux allures d’une leçon. Une leçon à des «petits frères» à qui on voudrait éviter les erreurs que d’autres ou soi-même ont commis. Et l’ancien responsable du Parti démocratique sénégalais ne perd pas de temps. «Les ministres gagneraient à se concentrer sur les bonnes solutions et à l'étude approfondie des dossiers de passation de service pour assurer une bonne continuité. Les dossiers sont signés sous réserves, donc la première tâche doit être la levée de ces dernières, au lieu de faire le tour du pays, pour visiter des directions et des agences», a indiqué Thierno Lo, qui assure que ce parcours ne sert à rien «car ce qu’ils trouvent sur le terrain n'a rien à voir avec la réalité de gestion de ces entités, car, le jour de visite, tout est préparé, tout le monde à l'heure, locaux balayés et discours bien élaborés».
Poursuivant, il assure qu’il s’agit d’un plat servi à tous les ministres qui empruntent le parcours, avant d’être rangé au garage. En se basant sur sa propre expérience, il raconte comment, ministre, il a contourné ces goulots d’étranglement. Ainsi, il raconte que quand il fut désigné pour conduire le ministère de l'Environnement, ce fut pour lui sa première découverte du tourisme intérieur. «Les directeurs, en relation avec mon directeur de cabinet et mes conseillers, des gens de la maison - car je ne changeais pas le personnel quand je le pensais compétent pour assurer la continuité du service qui est un mal en Afrique - m’emmenaient visiter le parc de Djoudj, de Guembeul, les iles de la Madeleine, la bande des filaos, la forêt classée de Mbao, Bandia, les chutes de Dindefelo et le Niokolo», se rappelle l’ancien ministre, se demandant si ce parcours avait réglé les problèmes environnementaux du pays. «Non», répond-il sans attendre, se désolant que, pourtant, tous les ministres empruntent le même parcours.
L'expérience devant servir, il note que quand il fut porté à la tête du département du Tourisme et de l’Artisanat, il n’a pas fait la visite de la Direction de l’artisanat, de l'Apda, de la Sapco, de l'Anpt. «J'ai dit à mon directeur de Cabinet que comme nous avons des réunions de coordination chaque mardi, travaillons sur les dossiers, assurons un contrôle de tâches rigoureux et laissons les directeurs assumer leurs responsabilités», dit-il.
«J'avais aussi refusé d'avoir des suites dans tous les hôtels»
Un choix qui a porté ses fruits, comme il l’écrit plus loin. «C'est parce que je suis resté dans mon bureau, lire les dossiers que je suis tombé, bien rangées dans une armoire, les conclusions des Journées nationales sur le tourisme. Tout était dit, il y avait les recommandations et personne ne peut dire mieux. C'est pourquoi j'ai pu à la surprise de tout le secteur organiser deux salons internationaux du tourisme dont la première édition comparée au Top Resa de Paris m’a valu la médaille d'or décernée par la Fédération internationale du tourisme. J’ai pu conduire aussi la baisse de la Tva de 18 à 10%, la fermeture des résidences clandestines, l'équipement de la police touristique et j’avais commencé le classement des hôtels et autres tâches», magnifie l’ancien ministre. Aussi, fait-il savoir : «j'avais aussi refusé d'avoir des suites dans tous les hôtels».
Ce fut la même chose pour l’artisanat, avec l'organisation d'un salon international sur la ferronnerie, vraie niche à milliards, mais aucune continuité, se désole-t-il. «Toutes ces réalisations, j'ai pu les faire en évitant les tournées, les forums et séminaires à Saly et dans les hôtels de la place, avec leurs menus bien garnis, chambres pour madame ou maitresse, et perdiums sans parler des conclusions que certains ministres ne lisent et n’appliquent», ajoute-t-il, terminant par dire la motivation de son texte. «Je partage cette petite expérience pour que les nouveaux ministres lisent les dossiers et appliquent les textes pour bien traduire leur lettre de mission. C'est ça le fast-track qui était de notre bréviaire dans le privé. Ce n’était pas un slogan pour nous mais un outil de performance», assure-t-il.
Sidy Djimby NDAO