Spectaculaire rebondissement dans le dossier judiciaire qui oppose Karim Wade à l’Etat du Sénégal. Hier, Me El Hadj Amadou Sall a envoyé, via sa page Facebook, un petit compte-rendu dans lequel il indique que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a «jeté à la poubelle» la décision de la Crei. Les faits sont plus complexes. «Les Echos» révèle tout.
C’est dans un document de 13 pages que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a donné «son verdict» suite à la saisine des avocats de Karim Wade qui se sont plaints de ne pas avoir la possibilité de réexamen par une juridiction supérieure de sa condamnation par la Crei. Ce qui, selon eux, est une violation de l’article 14 Paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Karim Wade a envoyé Mes Michel Boyon, Mohamed Seydou Diagne et Ciré Clédor Ly au front
La décision du Comité, datée du 22 octobre dernier, mais mise à la disposition des parties le jeudi 8 novembre dernier, porte la signature de Tania Maria Abdo Rocholl, Yadh Ben Achour, Ilze Brands Kebris, Sarah Cleveland, Ahmed Amin Fathala, Olivier de Frouville, Christof Heyns, Bamariam Koîta, Maria Kran, Duncan Laki Muhumuza, Mauro Politi, José Manuel Santos Pais, Yuval Shany, Mardo Waterval et Andreas Zimmermann. Du côté de Karim Wade, les avocats qui sont montés au front sont Me Michel Boyon, Me Mohamed Seydou Diagne et Me Ciré Clédor Ly. Les noms des avocats qui ont défendu la cause de l’Etat du Sénégal n’ont pas été mentionnés.
La plainte de Karim Wade date du 31 mai 2016
Le Comité a d’abord exposé les griefs de Karim Wade à l’encontre de l’Etat du Sénégal. Dans la «plainte» envoyée le 31 mai 2016, Karim Wade a retracé toutes les étapes: des fonctions qu’il a exercées au sein du gouvernement à la défaite de son père en passant par la décision de la Crei et les différents recours qu’il a eu à introduire à la Cour suprême et à la Cour de justice de la Cedeao. Dans un document volumineux, Karim Wade a indiqué que la législation sénégalaise ne lui permettait pas de faire appel de sa déclaration de culpabilité prononcée par la Crei le 23 mars 2015. Et quand il a introduit un pourvoi en cassation à la Cour suprême invoquant une violation de l’article 14. Paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a été débouté.
L’Etat clashe le Groupe de travail des Nations Unies, accuse Karim d’abus de plainte et «défend» la Crei
L’Etat a essayé de se défendre en démontant les arguments avancés par Karim Wade et ses avocats. L’Etat a vertement critiqué l’avis du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire en estimant qu’il a été victime d’un déni de justice puisque ses arguments ont été rejetés au motif de leur soumission après les délais sur la base d’une règle procédurale inapplicable. L’Etat du Sénégal a aussi rappelé les nombreuses fois que Karim Wade a été débouté de ses plaintes au niveau de la Cour de justice de la Cedeao avant d’indiquer qu’il abuse du droit de plainte. Sur le fond, les avocats ont aussi insisté sur le fait que la Crei et la Cour suprême sont conformes au cadre juridique national et international. Avant de réfuter toute violation de l’article 14 paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Après avoir jugé recevable la procédure, le Comité a écarté l’argument de l’Etat du Sénégal selon lequel la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a déclaré arbitraire la détention de Karim Wade, est entachée de vice de forme. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies souligne qu’il ne lui appartient pas d’examiner la validité des avis du groupe de travail.
Le Comité : «chaque Etat peut organiser son système judiciaire comme il l’entend dès lors qu’un recours à une juridiction supérieure est possible»
Examinant l’affaire au fond, le Comité souligne qu’il appartient à chaque Etat partie d’organiser son système judiciaire comme il l’entend et n’attache pas d’importance à la forme particulière et au système retenu dès lors que la loi de l’Etat partie fixe des modalités permettant à toute personne déclarée coupable d’une infraction de voir sa déclaration de culpabilité et de condamnation réexaminée par une juridiction supérieure. Aussi, le Comité rappelle que si le Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’exige pas un nouveau procès sur les faits de la cause, en revanche, une procédure permettant une révision effective et substantielle de la déclaration de culpabilité est exigée et doit permettre d’évaluer les éléments de preuve et de faits et non se borner à une révision limitée aux aspects de droit. Ce que le Comité semble exiger, parce qu’il rappelle que la Crei statue en premier et dernier ressort, que les décisions de la Commission d’instruction de la Crei ne sont susceptibles d’aucun recours et que la Cour suprême ne connaît pas du fond des affaires. Et même si la réforme de la Cour suprême du 23 septembre 2008 introduit le droit d’appel en matière criminelle, cela ne s’applique pas aux décisions de la Crei. A cet effet d’ailleurs, le Comité, après la lecture de l’arrêt de la Cour suprême, s’est rendu compte que la haute juridiction n’a pas procédé à l’évaluation des éléments de preuve et de faits par la Crei. Aussi rappelle-t-il une observation selon laquelle «une révision qui concerne uniquement les aspects formels ou juridiques du verdict sans tenir aucun compte des faits n’est pas suffisant».
Le Comité constate des violations par l’Etat de l’article 14 paragraphe 5 à l’égard de Karim Wade
Le Comité dit certes reconnaître l’importance de l’objectif légitime de la lutte contre la corruption pour les Etats, mais souligne que celle-ci doit s’effectuer dans le respect des règles de procédure et du droit à un procès équitable. Après avoir examiné les faits, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’Etat de l’article 14 paragraphe 5 à l’égard de Karim Wade.
Le Comité demande que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade soit réexaminée
Aussi, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies rappelle au Sénégal qu’il est tenu d’assurer à Karim Wade un recours utile. Ce qui signifie, selon le Comité, que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade doit être réexaminée. Pire, indique en substance le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, le Sénégal est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent plus à l’avenir.
Le Comité donne 6 mois à l’Etat du Sénégal pour donner effet à ses constations
Le Sénégal ayant reconnu, en adhérant au protocole facultatif, que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et qu’il est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir du Sénégal, dans un délai de 180 jours (Ndlr : 6 mois), des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constations.
Cheikh Oumar NDAW
C’est dans un document de 13 pages que le Comité des droits de l’homme des Nations Unies a donné «son verdict» suite à la saisine des avocats de Karim Wade qui se sont plaints de ne pas avoir la possibilité de réexamen par une juridiction supérieure de sa condamnation par la Crei. Ce qui, selon eux, est une violation de l’article 14 Paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Karim Wade a envoyé Mes Michel Boyon, Mohamed Seydou Diagne et Ciré Clédor Ly au front
La décision du Comité, datée du 22 octobre dernier, mais mise à la disposition des parties le jeudi 8 novembre dernier, porte la signature de Tania Maria Abdo Rocholl, Yadh Ben Achour, Ilze Brands Kebris, Sarah Cleveland, Ahmed Amin Fathala, Olivier de Frouville, Christof Heyns, Bamariam Koîta, Maria Kran, Duncan Laki Muhumuza, Mauro Politi, José Manuel Santos Pais, Yuval Shany, Mardo Waterval et Andreas Zimmermann. Du côté de Karim Wade, les avocats qui sont montés au front sont Me Michel Boyon, Me Mohamed Seydou Diagne et Me Ciré Clédor Ly. Les noms des avocats qui ont défendu la cause de l’Etat du Sénégal n’ont pas été mentionnés.
La plainte de Karim Wade date du 31 mai 2016
Le Comité a d’abord exposé les griefs de Karim Wade à l’encontre de l’Etat du Sénégal. Dans la «plainte» envoyée le 31 mai 2016, Karim Wade a retracé toutes les étapes: des fonctions qu’il a exercées au sein du gouvernement à la défaite de son père en passant par la décision de la Crei et les différents recours qu’il a eu à introduire à la Cour suprême et à la Cour de justice de la Cedeao. Dans un document volumineux, Karim Wade a indiqué que la législation sénégalaise ne lui permettait pas de faire appel de sa déclaration de culpabilité prononcée par la Crei le 23 mars 2015. Et quand il a introduit un pourvoi en cassation à la Cour suprême invoquant une violation de l’article 14. Paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, il a été débouté.
L’Etat clashe le Groupe de travail des Nations Unies, accuse Karim d’abus de plainte et «défend» la Crei
L’Etat a essayé de se défendre en démontant les arguments avancés par Karim Wade et ses avocats. L’Etat a vertement critiqué l’avis du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire en estimant qu’il a été victime d’un déni de justice puisque ses arguments ont été rejetés au motif de leur soumission après les délais sur la base d’une règle procédurale inapplicable. L’Etat du Sénégal a aussi rappelé les nombreuses fois que Karim Wade a été débouté de ses plaintes au niveau de la Cour de justice de la Cedeao avant d’indiquer qu’il abuse du droit de plainte. Sur le fond, les avocats ont aussi insisté sur le fait que la Crei et la Cour suprême sont conformes au cadre juridique national et international. Avant de réfuter toute violation de l’article 14 paragraphe 5 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Après avoir jugé recevable la procédure, le Comité a écarté l’argument de l’Etat du Sénégal selon lequel la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire, qui a déclaré arbitraire la détention de Karim Wade, est entachée de vice de forme. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies souligne qu’il ne lui appartient pas d’examiner la validité des avis du groupe de travail.
Le Comité : «chaque Etat peut organiser son système judiciaire comme il l’entend dès lors qu’un recours à une juridiction supérieure est possible»
Examinant l’affaire au fond, le Comité souligne qu’il appartient à chaque Etat partie d’organiser son système judiciaire comme il l’entend et n’attache pas d’importance à la forme particulière et au système retenu dès lors que la loi de l’Etat partie fixe des modalités permettant à toute personne déclarée coupable d’une infraction de voir sa déclaration de culpabilité et de condamnation réexaminée par une juridiction supérieure. Aussi, le Comité rappelle que si le Pacte international relatif aux droits civils et politiques n’exige pas un nouveau procès sur les faits de la cause, en revanche, une procédure permettant une révision effective et substantielle de la déclaration de culpabilité est exigée et doit permettre d’évaluer les éléments de preuve et de faits et non se borner à une révision limitée aux aspects de droit. Ce que le Comité semble exiger, parce qu’il rappelle que la Crei statue en premier et dernier ressort, que les décisions de la Commission d’instruction de la Crei ne sont susceptibles d’aucun recours et que la Cour suprême ne connaît pas du fond des affaires. Et même si la réforme de la Cour suprême du 23 septembre 2008 introduit le droit d’appel en matière criminelle, cela ne s’applique pas aux décisions de la Crei. A cet effet d’ailleurs, le Comité, après la lecture de l’arrêt de la Cour suprême, s’est rendu compte que la haute juridiction n’a pas procédé à l’évaluation des éléments de preuve et de faits par la Crei. Aussi rappelle-t-il une observation selon laquelle «une révision qui concerne uniquement les aspects formels ou juridiques du verdict sans tenir aucun compte des faits n’est pas suffisant».
Le Comité constate des violations par l’Etat de l’article 14 paragraphe 5 à l’égard de Karim Wade
Le Comité dit certes reconnaître l’importance de l’objectif légitime de la lutte contre la corruption pour les Etats, mais souligne que celle-ci doit s’effectuer dans le respect des règles de procédure et du droit à un procès équitable. Après avoir examiné les faits, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies constate que les faits dont il est saisi font apparaître des violations par l’Etat de l’article 14 paragraphe 5 à l’égard de Karim Wade.
Le Comité demande que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade soit réexaminée
Aussi, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies rappelle au Sénégal qu’il est tenu d’assurer à Karim Wade un recours utile. Ce qui signifie, selon le Comité, que la déclaration de culpabilité et de condamnation contre Karim Wade doit être réexaminée. Pire, indique en substance le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, le Sénégal est tenu de veiller à ce que des violations analogues ne se reproduisent plus à l’avenir.
Le Comité donne 6 mois à l’Etat du Sénégal pour donner effet à ses constations
Le Sénégal ayant reconnu, en adhérant au protocole facultatif, que le Comité avait compétence pour déterminer s’il y avait eu ou non violation du Pacte et qu’il est engagé à garantir à tous les individus se trouvant sur son territoire et relevant de sa juridiction les droits reconnus dans le Pacte et à assurer un recours utile et exécutoire lorsqu’une violation a été établie, le Comité souhaite recevoir du Sénégal, dans un délai de 180 jours (Ndlr : 6 mois), des renseignements sur les mesures prises pour donner effet à ses constations.
Cheikh Oumar NDAW