
Invité à l’émission «Point de vue» sur la RTS1, dimanche dernier, le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation a dressé un diagnostic sans concession du système universitaire sénégalais. Dr Abdourahmane Diouf a mis en lumière les nombreuses failles qui plombent le secteur, notamment le chevauchement des années académiques, qui engendre un désordre organisationnel et financier, ainsi que des budgets déséquilibrés qui compromettent la gestion efficace des établissements. Le ministre a également dénoncé l’ampleur des dépenses sociales dans les universités, avec des coûts faramineux liés à la restauration et à l’approvisionnement en eau, qui pèsent lourdement sur les finances publiques. Face à cette situation préoccupante, Dr Diouf a annoncé une série de réformes majeures pour assainir la gestion de l’enseignement supérieur, optimiser l’utilisation des ressources et garantir un fonctionnement plus efficace et transparent des universités sénégalaises.
La stabilisation du calendrier universitaire progresse de manière encourageante, bien que certains retards persistent dans certaines facultés. C’est ce qu’a affirmé dimanche, dans l’émission «Point de vue» sur la Rts1 le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr Abdourahmane Diouf, qui appelle à «une vigilance accrue» pour atteindre pleinement cet objectif.
Estimant qu’il a hérité d’un secteur en crise, marqué par des budgets déséquilibrés, un chevauchement des années académiques et un manque criant d’innovation, Dr Abdourahmane Diouf dresse un constat alarmant : chaque année, l’instabilité du calendrier universitaire coûte au Sénégal près de 40 milliards de francs Cfa. «À notre arrivée, nous avons trouvé des budgets déséquilibrés. Tous les budgets des universités étaient établis sur une base de 9 mois alors que le principe annuel voudrait que nous ayons des budgets ajustés en conséquence. Nous avons constaté l’existence de pôles de recherche produisant des résultats, certes, mais dans un environnement saturé. Depuis dix ans, le Sénégal perd chaque année 40 milliards de francs Cfa, uniquement parce que nous n’avons pas un calendrier académique normal», a déclaré Dr Abdourahmane Diouf, avant d’ajouter, péremptoire : «le Sénégal doit être le seul pays au monde où l’on ne sait ni quand commence ni quand se termine l’année universitaire».
Une hémorragie financière que le ministre entend stopper par une série de réformes visant à rationaliser les dépenses et à restructurer le fonctionnement des universités. Mais s’il en est ainsi, c’est, estime le ministre, la superposition des années académiques est l’un des principaux dysfonctionnements du système.
Des budgets inadaptés et des dépenses sociales incontrôlées
Le ministre a également détaillé les dépenses sociales excessives qui grèvent le budget de l’enseignement supérieur. Selon lui, «le coût des repas servis dans les restaurants universitaires est disproportionné». Il a ainsi révélé que 70.000 repas sont servis chaque jour dans les universités publiques, avec une subvention de l’État équivalente à 22 milliards de francs Cfa par an. Un coût jugé insoutenable, qui pousse à une refonte de la politique de restauration universitaire.
Autre poste de dépense non maîtrisé : l’eau. «Nous payons des factures d’eau de 6 milliards par an, une somme astronomique qui doit nous interroger sur la gestion et l’optimisation des ressources», a-t-il dénoncé. Pour lui, il est urgent de rationaliser ces dépenses afin d’assurer une gestion plus efficace des ressources publiques
L’enseignement privé sous surveillance
Le ministre a également abordé la question des universités privées, qui absorbent une part importante du budget public. «Au Sénégal, aujourd'hui, il y a huit universités publiques et 298 universités privées. Sur les 298 universités privées, il y en a au moins une centaine, ce qui fait le tiers, qui ne remplissent pas les conditions d'agrément définitif, qui ne remplissent pas les conditions d'habilitation, qui ne remplissent pas les conditions d'accréditation. Et quand bien même on y avait affecté des étudiants qui étaient pris en charge par l'État. Si vous avez dans un pays une centaine d'universités qui ne remplit aucune condition, est-ce que vous devez venir embrayer sur cet existant-là négatif au point de continuer à porter préjudice aux étudiants et aux parents ?», s’est interrogé le ministre.
D’ailleurs, poursuit-il, «il y a même des écoles où on a constitué des collectifs d'étudiants qui ont payé des études, qui ont obtenu des diplômes et qui, une fois sur le marché du travail, se rendent compte que leurs diplômes ne sont pas reconnus.»
Annonçant une vérification approfondie des contrats entre l’État et ces établissements, afin de s’assurer que les fonds alloués soient utilisés de manière optimale, le ministre envisage une refonte du partenariat avec les universités privées pour améliorer l’offre de formation et garantir une meilleure qualité d’enseignement. «Le gouvernement travaille sur cette question. Nous avons les rapports sur notre table et très bientôt, on va commencer à en parler. Notre approche, ce n'est pas l'approche du gendarme du tout punitif où on va venir essayer de fermer toutes les universités. Nous allons tendre la main à tout le monde, nous allons servir des mises en demeure, nous allons discuter. Mais à la fin de la journée, nous devons avoir des établissements d'enseignement supérieur privé assainis au point que le parent qui choisit de mettre son étudiant dans une université privée sénégalaise ait la garantie qu'au bout de la licence ou de la maîtrise, cet étudiant-là aura le diplôme d'égal dignité que celui qu'on trouve dans les universités publiques… Si on n'a pas assaini dans ce milieu-là, ça veut dire qu'on va continuer encore à délivrer des diplômes qui n'ont aucune forme de reconnaissance», a encore déclaré le ministre de l’enseignement supérieur.
Sidy Djimby NDAO