Prenant part au Sommet sur les systèmes alimentaires en Afrique qui se tient du 5 au 8 septembre 2023 à Dar es Salam en Tanzanie, le président de la République Macky Sall s'est prononcé sur le contexte actuel en Afrique. Estimant la question vitale et d’actualité, Macky Sall a déclaré que de tout temps, tout ce qui touche à l’agriculture et à la sécurité alimentaire revêt une priorité de premier ordre. Il estime que cela est encore plus évident aujourd’hui pour nos pays confrontés aux effets combinés du changement climatique, de la pandémie de Covid-19 et d’une guerre majeure. Le Président Sall a également indiqué à l’endroit de ses pairs africains la nécessité d’engager les mutations nécessaires, seuls gages pour transformer le potentiel du continent et réaliser ses objectifs de souveraineté alimentaire. Cela, dira-t-il, passe par quatre axes majeurs : l’amélioration de la mécanisation agricole et la maîtrise de l’eau ; l’augmentation des superficies exploitées ; l’installation des équipements de stockage et de conservation des produits ou encore l’appui aux petits exploitants.
Placé sous le thème « Récupérer, régénérer, agir : les solutions africaines à la transformation des systèmes alimentaires », le Sommet 2023 du Forum sur les systèmes alimentaires en Afrique se concentre sur la reconstruction de meilleurs systèmes alimentaires et de la souveraineté alimentaire, avec les jeunes et les femmes au centre. Le thème identifie trois étapes nécessaires pour réaliser cette transformation : récupération, régénération et action. Mais, devant l’urgence, le Forum appelle à une action pour accélérer la transformation des systèmes alimentaires grâce à de meilleures politiques, pratiques et investissements.
Prenant la parole lors de cette rencontre de haut niveau, le président de la République a estimé que les chiffres parlent d’eux-mêmes. En effet, rappelle-t-il, selon l’estimation des Nations-Unies, plus de 750 millions de personnes, dont près de 240 millions d’Africains, vivent aujourd’hui dans l’insécurité alimentaire. La faim en Afrique, dit-il, n’est pas seulement une préoccupation ; c’est aussi et surtout un grand paradoxe pour un continent de 1,4 milliard d’habitants et 30 millions de km2, disposant de 60% des terres arables non exploitées de la planète et d’abondantes ressources hydriques.
« Avec un potentiel aussi immense, l’Afrique ne devrait avoir ni faim ni soif. Bien au contraire, elle devrait pouvoir se nourrir et aider à nourrir le monde, au lieu de continuer à importer et, pire encore, à dépendre de l’aide pour satisfaire l’essentiel de ses besoins alimentaires. Il y a 20 ans, nos pays avaient pris l’engagement, dans la Déclaration de Maputo de juillet 2003, d’allouer au moins 10% du budget national à l’agriculture. La réalisation de cet objectif requiert avant tout un choix volontariste qui joint l’acte à la parole », a invité Macky Sall.
Donnant son pays en exemple, Macky Sall renseigne « qu’au Sénégal, nous avons porté à 12% la part de l’agriculture dans le budget général d’investissement, et augmenté en deux ans de 75% le financement de la campagne agricole saisonnière afin d’accélérer notre marche vers la souveraineté alimentaire ».
« Nos progrès sont réels, même si les défis à relever restent encore nombreux »
A l’échelle africaine, le Sénégal a organisé en janvier dernier le Dakar II agricole en collaboration avec la Bad, après le Dakar I en octobre 2015. Dans un contexte de crise mondiale, Dakar II a remis l’objectif de souveraineté alimentaire au cœur de l’agenda continental, avec la participation de 34 chefs d’Etat et de Gouvernement ; un record pour un sommet sectoriel. En trois jours, nous avons pu mobiliser un montant de 30 milliards de dollars pour aider à stimuler la production agricole et le commerce de produits alimentaires sur le continent. Depuis lors, ce montant est passé à 72 milliards de dollars », a magnifié Macky Sall, ajoutant que lors son passage à la tête de l’Union Africaine, la task force qu’il avait mise en place pour le suivi de la Déclaration de Washington poursuit les consultations avec la partie américaine.
Mais, en tout état de cause, prévient-il, si nous voulons transformer notre potentiel et réaliser nos objectifs de souveraineté alimentaire, il nous faut résolument engager les mutations nécessaires. Le Président dit en avoir identifié quatre au moins. Il s’agit, premièrement, de valoriser davantage la recherche, d’améliorer la mécanisation agricole et la maîtrise de l’eau, et d’intensifier l’utilisation de méthodes et technologies modernes, y compris pour la transformation locale des produits. Il s’agit, deuxièmement, d’augmenter les superficies exploitées bien au-delà des petites fermes familiales ; d’où la nécessité d’aménagements fonciers qui concilient les besoins légitimes de l’agriculture familiale et ceux indispensables de l’agro business qui permet la production à grande échelle. Il s’agit, troisièmement, d’installer des équipements de stockage et de conservation des produits pour éviter les pertes post récolte, et de désenclaver les zones de production aux marchés, en renforçant les infrastructures de transport interne et d’interconnexion transfrontalière, afin de faciliter l’accès aux marchés, surtout à l’heure de la Zlecaf. Et enfin il s’agit, quatrièmement, selon Macky Sall, de soutenir les petits exploitants, notamment les femmes et les jeunes, par un encadrement et un financement adaptés à leurs besoins.
« Il faut, pour ce faire, vaincre les préjugés encore tenaces qui perçoivent l’agriculture comme une activité pour les pauvres, qu’on n’exerce que parce qu’on ne trouve rien d’autre à faire. Au contraire, la crise actuelle nous rappelle brutalement que l’agriculture, mise aux normes modernes, est un métier noble, une source d’opportunités et d’accomplissement social. C’est dire qu’aujourd’hui plus que jamais, il urge de rompre avec les préjugés et les pratiques qui continuent d’exposer nos pays à la précarité alimentaire, pour engager une véritable révolution agricole qui, au-delà de la résilience, nous mènera vers la souveraineté alimentaire et la conquête des marchés mondiaux. », a-t-il préconisé.
Sidy Djimby NDAO