«Les Échos» tient de sources sûres que plus de 92 Somaliens (hommes et femmes) ont été enchaînés dans un avion pendant 23 heures à Dakar au Sénégal. Il s’agit, en effet, d’un vol de rapatriement de ressortissants (détenus) somaliens expulsés par les Services de l’immigration américains «The US Immigration and Customs Enforcement (ICE) » de l'État de Louisiane. Ce rapatriement autorisé par la justice américaine s’est déroulé le 7 décembre dernier et devait passer par la capitale sénégalaise. Seulement, le vol n'a jamais atteint la Somalie et a été forcé de quitter Dakar et retourner aux États-Unis, le 9 décembre. Mais, entre-temps, les 92 Somaliens ont subi l’enfer à bord de l’appareil sur le sol sénégalais.
Et si au niveau du Sénégal, personne n’a levé le petit doigt, ne serait-ce que pour s’indigner, de retour au pays de l’oncle Sam, un procès a été ouvert sur l’affaire suite à une plainte contre «L’US Immigration and Customs Enforcement». Lundi dernier, lors du jugement de l’affaire, sept parmi les déportés ont été sélectionnés pour témoigner. Et leurs témoignages assermentés et presque tous identiques sont tout simplement effarants et rappellent les actes barbares d’autrefois. En effet, ils ont affirmé avoir subi des traitements inhumains et des abus flagrants lors du vol du 7 décembre. Dans leurs témoignages, ces Somaliens, dont certains n’ont été condamnés, par la justice américaine, que pour des délits mineurs, ont affirmé que certains ont été contraints d'uriner là où ils étaient assis. «Lorsque les toilettes de l'avion ont débordé de déchets humains, certains détenus ont été «autorisés» à uriner dans des bouteilles ou sur eux-mêmes», rapporte le procès-verbal du procès qui précise que cette horreur au-delà de l’imaginable s’est déroulée sur le sol sénégalais.
«Les officiers m’ont traîné dans l'allée de l’avion et à me battre»
Toujours dans leurs témoignages, les Somaliens ont révélé que les agents de la police de l'immigration qui assuraient l’escorte du rapatriement n’hésitaient pas à violenter toute personne qui osait protester. «Après environ 20 heures, je me suis levé et j'ai demandé ce qui se passait et pourquoi nous attendions. Un officier m'a attrapé par le col et je suis tombé par terre, les officiers ont commencé à me traîner dans l'allée et à me battre», a déclaré Farah Ali Ibrahim, un demandeur d'asile et un plaignant nommé dans le procès-verbal.
Abdiwali Ahmed Siyad : «les gardes ont également refusé de me laisser prier ou d'utiliser la salle de bain»
Nommément cité par le rapport, l’un des expulsés a fait un témoignage sous serment qui a suscité l’indignation. «Un garde a marché sur mes fers, m'a couvert le visage et m'a poussé deux fois. Les gardes ont également refusé de me laisser prier ou d'utiliser la salle de bain», a dit le nommé Abdiwali Ahmed Siyad, qui ajoute qu'on lui avait refusé des médicaments pour la dépression et qu'il avait utilisé la salle de bain une fois en 48 heures.
Pourquoi l’avion des Américains est resté si longtemps à Dakar
De son côté, ICE ne fait aucun commentaire sur l’affaire, mais a nié les allégations de mauvais traitements dans des déclarations antérieures au sujet du vol. Dans un communiqué rendu public, ICE, qui a expliqué que l’escale au Sénégal était pour «le ravitaillement et le changement de pilotes», n’a pas reconnu les graves accusations à son endroit. «L’avion, les détenus et l'équipage à bord, est resté stationné à l'aéroport pour permettre à l'équipe de secours de se reposer. Les détenus étaient nourris à intervalles réguliers par la fourniture de collations et de boissons supplémentaires, et les toilettes étaient fonctionnelles et entretenues pendant toute la durée du voyage», lit-on sur la note qui précise que «61 des 92 passagers avaient des condamnations pénales, notamment des homicides, des viols et des voies de fait graves».
Le groupe pourrait être renvoyé en Somalie très bientôt
Mais les avocats des passagers ont déclaré que certaines des condamnations étaient pour des délits mineurs, tels que le vol à l'étalage. Selon les avocats des déportés, ICE a indiqué que le groupe pourrait être renvoyé en Somalie très bientôt.
Les plaignants, qui comprennent des personnes qui vivent aux États-Unis depuis des décennies, disent craindre la mort et la persécution du groupe islamiste Al-Shabaab, qui a semé la terreur dans toute la Somalie et tué plus de 500 personnes avec un énorme camion piégé en octobre.
À la lumière du procès qui s’est tenu lundi aux États Unis, plusieurs questions méritent d’être posées. Les autorités sénégalaises sont-elle au courant de cette affaire ? Comment se fait-il que l’ignominie se passe sur notre sol sans que personne ne s’en aperçoive ? Pourquoi les autorités n’ont jamais communiqué sur cette affaire ?
Sidy Djimby NDAO