Premier ministre, ministres, magistrats, maires, directeurs d’agences, gestionnaires publics… le nouveau projet de loi sur la déclaration de patrimoine veut imposer plus de transparence aux grands commis de l’État. Le texte élargit les obligations déclaratives, baisse le seuil de contrôle et prévoit des peines sévères en cas de manquement.
Une réforme pour moraliser la gestion publique
Le projet de loi n°15/2025 arrive dans un contexte marqué par une volonté politique affichée de rupture avec les pratiques opaques. Ce texte, soumis par l’exécutif, ambitionne de renforcer le contrôle sur les personnes qui gèrent des ressources publiques ou occupent des postes sensibles.
Ousmane Sonko va devoir s’y mettre...
La réforme élargit considérablement la liste des personnes concernées par l’obligation de déclaration. Sont désormais visés : Le Premier ministre, les membres du gouvernement, les députés, les maires, les présidents de conseils départementaux, les magistrats, les procureurs, les gouverneurs et préfets, les directeurs généraux d’agences publiques, de sociétés nationales, de fonds et d’établissements publics, les chefs de corps de contrôle, les responsables de projets, ainsi que les fonctionnaires des régies financières et les administrateurs de crédits.
Toute personne ayant un pouvoir de signature sur des ressources publiques ou naturelles devra se soumettre à cette obligation, y compris dans les secteurs sensibles comme les hydrocarbures, les mines, les finances publiques, le foncier et les marchés publics.
Le seuil passe à 500 millions de francs Cfa
L’un des points les plus marquants du projet est l’abaissement du seuil de gestion financière. Jusqu’ici fixé à un milliard, il est désormais fixé à 500 millions de francs Cfa par an. Cela élargit automatiquement le nombre de gestionnaires publics qui devront déposer une déclaration de patrimoine. Cette disposition vise à prévenir les détournements à tous les niveaux, y compris dans les services décentralisés et les programmes à financement international.
Déclaration obligatoire à l’entrée et à la sortie
Le texte prévoit que les assujettis devront déclarer leur patrimoine dans les trois mois suivant leur entrée en fonction, mais aussi trois mois après leur départ. Cette déclaration devra être précise, sincère et accompagnée de justificatifs. Elle inclut les biens mobiliers (avoirs bancaires, véhicules, bijoux, cryptoactifs, actions, assurances-vie…), les immeubles bâtis ou non bâtis, au Sénégal ou à l’étranger, ainsi que les dettes ou crédits en cours.
En cas de variation importante du patrimoine, l’intéressé devra fournir des explications crédibles sur l’origine des fonds.
Des sanctions lourdes pour les contrevenants : une peine de prison allant de 6 mois à 4 ans...
Le projet de loi prévoit un régime de sanctions sévère. En cas de défaut de déclaration, ou si la déclaration est mensongère ou incomplète, l’agent public concerné risque une peine de prison allant de six mois à quatre ans, une amende équivalente au tiers du dernier patrimoine déclaré, la révocation ou la suspension, une interdiction d’exercer une fonction publique, et une retenue sur salaire équivalente à 25% de la rémunération mensuelle, jusqu’à régularisation.
Si l’assujetti est un élu local, il peut être suspendu pour trois mois, puis révoqué s’il ne se conforme pas à la loi. L’organe anti-corruption est autorisé à saisir le procureur de la République dans les cas les plus graves.
L’organe anti-corruption au cœur du système
C’est cet organe qui recevra, vérifiera et conservera les déclarations. Il pourra publier la liste des personnes ayant déclaré ou non leur patrimoine. Il dispose aussi du pouvoir de formuler des recommandations en cas de conflit d’intérêts et de déclencher des audits de gestion. En cas de constat d’infractions, il transmet les dossiers aux autorités judiciaires compétentes.
Le silence de l’organe anti-corruption, au-delà de deux ans après le dépôt d’une déclaration de sortie, vaut quitus automatique, sauf en cas de procédure judiciaire en cours.
Samba THIAM
Bijoux, comptes, crypto : l’addition risque d’être salée
Dans le cadre de l’obligation de transparence, les autorités concernées devront fournir une déclaration complète de leurs avoirs. Cette exigence couvre aussi bien les biens meubles que les biens immeubles, au Sénégal comme à l’étranger.
S’agissant des biens meubles, il s’agit notamment des avoirs bancaires détenus sur des comptes courants ou d’épargne, mais aussi des placements en bourse, des actifs financiers, des produits dérivés et des crypto-monnaies. Les actions dans des sociétés commerciales, les assurances-vie et les fonds de commerce doivent également être déclarés. Par ailleurs, tout bien mobilier dont la valeur dépasse 20 millions de francs Cfa devra figurer sur la liste, à l’exception des effets personnels et des objets ménagers usuels.
Les objets de valeur ne sont pas en reste. Les collections, œuvres d’art, bijoux et pierres précieuses devront être accompagnés d’une estimation précise, dès lors que leur valeur dépasse 50 millions de francs Cfa.
Pour ce qui est des biens immeubles, la déclaration devra inclure les propriétés bâties ou non bâties, qu’elles soient situées au Sénégal ou à l’étranger. Les immeubles par destination, c’est-à-dire les biens attachés à un usage immobilier, sont également concernés.
S.THIAM













