L’affaire Cheikh Tidiane Gadio, aussi regrettable et malheureuse qu’elle soit, devrait avoir le mérite de sensibiliser nos dirigeants et fonctionnaires sur la menace réelle qui pèse sur eux, avec le Foreign Corrupt Pratices Act des Etats-Unis. Une loi à portée universelle, visant les dirigeants et employés des institutions étatiques, des entreprises et autres organismes publics ou privés, les politiciens…, tous réunis sous le terme «fonctionnaires étrangers».
UNE LOI ANTI-CORRUPTION QUI S’ETEND AU MONDE ENTIER
Le Foreign Corrupt Practices Act (FCPA) des États-Unis est une loi fédérale américaine de 1977, à portée internationale. EIle peut s’appliquer dans n’importe quel pays. En vertu de cette loi, la justice américaine peut enquêter sur n’importe quelle affaire à travers le monde, du moment qu’un lien filial (comme un versement d’argent) relie un contrat aux Etats-Unis. Le Fcpa vise avant tout à interdire la corruption. En clair, il interdit aux parties impliquées de payer, d’offrir ou de promettre de payer ou d’autoriser le paiement d’argent ou la fourniture de quelque chose de valeur à un agent étranger afin d’influencer un acte ou une décision de l’agent étranger en sa qualité officielle, ou d’obtenir un avantage indu pour obtenir ou conserver des affaires.LES PERSONNES AUXQUELLES S’APPLIQUE LE FCPA
Cette loi américaine sur la corruption s’applique à ceux qu’elle désigne sous le vocable «fonctionnaire étranger». Il s’agit des dirigeants et des employés d’un gouvernement étranger, des organismes et institutions étatiques, ainsi que des partis politiques. Le terme englobe aussi les agents des entreprises publiques et contrôlées par l’État. En ce sens, même les médecins qui sont employés dans les hôpitaux publics et les professeurs dans les universités publiques entrent dans le champ d’application du Fcpa. Dans l’application de la loi, le rang ou l’influence du «fonctionnaire étranger» n’est pas le plus important. Elle s’applique de la même manière aux hauts fonctionnaires qu’aux employés subalternes des institutions et organismes concernés. Sous cet angle, aujourd’hui, beaucoup de compatriotes, dont certains sont par exemple cités à tort ou à raison dans des activités de corruption ou de blanchiment, sont dans le champ d’application de la loi américaine.«TOUT CE QUI A UNE VALEUR» DONNE AVEC UNE «INTENTION DE CORROMPRE» VIOLE LE FCPA
Les paiements illégaux, interdits par les dispositions anticorruption du Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis, comprennent non seulement la trésorerie et les équivalents de trésorerie, mais également tout ce qui a de la valeur. Le terme «quelque chose de valeureux» est intentionnellement utilisé, pour permettre de toucher les nombreuses formes que peut revêtir un paiement irrégulier. Ce dernier peut se faire par exemple sous la forme de frais de déplacement, de repas, de stages, de dons de charité et de paiements à des tiers. Et du moment qu’on n’a pas un seuil fixe, même des cadeaux de moindre valeur pourraient constituer une violation du Fcpa, s’il est avéré qu’ils ont été donnés avec une «intention de corrompre» (c’est-à-dire une intention d’inciter le destinataire à abuser de sa position officielle). En effet, la preuve qu’un cadeau a été fait à un «fonctionnaire étranger», par exemple, pour influencer la prise de décision ou de permettre de conserver des affaires, est suffisante pour constituer une violation du Foreign Corrupt Practices Act des États-Unis.PLUSIEURS PERSONNALITES ETRANGERES DEJA PRISES PAR LES FILETS DU FCPA
Plusieurs personnalités et entreprises à travers le monde ont déjà été rattrapées par la patrouille de la Fcpa. Le cas le plus proche de nous est sans doute celui de l’ancien ministre guinéen des Mines, Mahmoud Thiam. Il a été condamné à 7 ans de prison ferme pour avoir été reconnu coupable de corruption et de blanchiment d’argent.Il y a quelques semaines, un ancien dirigeant du géant français Alstom a été condamné à 2 ans et demi. Frédéric Pierucci et d’autres responsables de l’entreprise ont été accusés d’avoir été au courant du recrutement et du paiement de «consultants» chargés en réalité de corrompre des responsables indonésiens.
Mbaye THIANDOUM