La première séance plénière sous le régime du Président Diomaye Faye et la dernière de la session ordinaire 2023/2024 s’est finalement soldée par un échec. Le Débat d’orientation budgétaire a été annulé quelques minutes avant son démarrage par le bureau de l’Assemblée nationale qui n’a pas digéré les « menaces » du Premier ministre à l’encontre de l’Assemblée nationale. Depuis lors, les réactions fusent de partout : chacun y va de son analyse.
Si certains désignent un coupable pour le bras de fer entre le parlement et le Premier ministre Ousmane Sonko qui a menacé de tenir sa Déclaration de politique générale hors Assemblée, en conférence publique, si le Règlement intérieur n’est pas corrigé ; d’autres cherchent des solutions pour sortir de cette crise.
Le Forum du justiciable saisit Amadou Mame Diop
Pour une demande de mise à jour du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale en procédure d'urgence, le président du Forum du justiciable, Babacar Ba, s’est fendu d’une lettre adressée au président de l’Assemblée nationale pour lui demander d’engager une procédure de mise à jour du Règlement intérieur. « Nous venons (…) solliciter (..), la mise à jour du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale, suite à la suppression des dispositions relatives au Premier ministre, notamment les articles 97, 98, 99 portant respectivement sur la Déclaration de politique générale, sur la question de confiance et sur la motion de censure (cf loi n°2019-10 du 14 mai 2019 portant révision de la Constitution) », a écrit le président du Forum du justiciable.
A l’en croire, cette mise à jour s'impose à la faveur de l'adoption par l'Assemblée nationale, le 10 décembre 2021, du projet de loi constitutionnelle n°38-2021 restaurant le poste de Premier ministre. « Dans le souci de préserver la stabilité de l'institution parlementaire et dans l'intérêt supérieur de la nation, il serait souhaitable que la majorité parlementaire prenne, sans délai et avec le concours précieux de l'ensemble des députés, l'initiative de mettre à jour le Règlement intérieur pour permettre au Premier ministre de faire sa Déclaration de politique générale en toute légalité, conformément à l'article 55 de la Constitution », affirme M. Ba.
Thierno Bocoum : « y’en a marre de ce gatsa-gatsa enfantin et ridicule »
Le président du mouvement Agir lui en a ras-le-bol que les textes et lois soient utilisés pour des combats politiques. Pour Thierno Bocoum, le bureau de l’AN n’a pas le droit d’annuler l’exécution d’une disposition de la loi. Tout comme le Premier ministre n’a pas le droit de menacer de faire sa Dpg en dehors de l’Assemblée nationale. « Y en a marre de ce gatsa-gatsa enfantin et ridicule. Le PR est la clef de voûte des institutions. Il doit agir pour rétablir cette situation. Un Premier ministre dans un régime présidentiel ne peut avoir le pouvoir de créer une crise institutionnelle ».
Babacar Gaye : « j’approuve la démarche de l’Assemblée… »
Pour Babacar Gaye, cette situation était prévisible. Pour lui, l’attitude du bureau de l’Assemblée nationale est une réponse à la hauteur de l’affront. « Le Premier ministre n’a pas à fixer des délais pour l’Assemblée nationale. Elle est une institution autonome et indépendante qui mérite respect et considération », renseigne l’ancien président du groupe parlementaire libéral. Babacar Gaye assure que ce n’est pas la première fois que l’Assemblée refuse de recevoir un ministre.
Alioune Souaré : « c’est un scandale que tous les démocrates doivent dénoncer »
L’expert parlementaire Alioune Souaré prend son contrepied, en estimant que le bureau de l’Assemblée a fait une dérive extraordinaire que rien ne peut justifier. « Dans l’article 17 du Règlement intérieur de l’Assemblée qui encadre ses pouvoirs et nulle part dans ce texte on y voit le droit d’annuler un Débat d’orientation budgétaire », fulmine Alioune Souaré, qui fait noter que les textes de l’Assemblée ne peuvent être au-dessus d’une loi organique. « Le Débat d’orientation budgétaire est régi par la loi organique relative aux lois de finances, donc le bureau qui ne dispose que d’un pouvoir administratif, n'a aucun droit pour surseoir le Débat d’orientation budgétaire régi par une loi organique », fait savoir l’ancien député. Selon ce dernier, il est incompréhensible que le bureau refuse de donner la parole au ministre des Finances appartenant au gouvernement de Ousmane Sonko, sous prétexte que ce dernier a proféré des menaces contre le parlement pour ensuite donner la parole au ministre chargé des rapports entre les institutions lors de la cérémonie de clôture de la session ordinaire.
Ndèye Khady D. FALL