L'entraîneur de Boy Niang s’est ouvert à nous sur la préparation et l’avenir de son poulain, qui vient de forcer les portes des VIP de l'arène sénégalaise, après sa victoire sur l’ancien roi des arènes, Balla Gaye 2. Cheikh Ndiaye, dans cet entretien qu’il nous a accordé, a confié que Boy Niang devait atteindre le sommet de la lutte et qu’il fallait passer l’examen Balla Gaye 2.
Les Echos : Cheikh Ndiaye vous êtes le coach de Boy Niang, pouvez-vous revenir sur la préparation du combat qui l’a opposé à Balla Gaye 2 ?
Cheikh Ndiaye : La préparation de ce combat a duré presque 1 an. On a démarré juste après le combat contre Tapha Tine. On a pris le temps quand même de soigner la main de Boy Niang avant de reprendre le chemin des entraînements.On a commencé par des courses pour améliorer le cardio, pour le préparer au plus dur. C'était plus des réveils musculaires. On faisait 10 kilomètres de course sur la plage chaque jour et cela sur 2 mois. Après, on s'était attaqué à la musculation pendant 3 intenses mois. On lui a fait faire des séances de boxe et d'autres programmes pour une bonne mise en forme. Techniquement, on a fait tout le travail qu'il fallait. Tout le monde a vu l'ouverture et la masse musculaire de Boy Niang lors du premier face-à-face. Après on a réduit le poids avec des entraînements de contact et de course. On a réussi à refermer tout son corps. Ce qu'il faut savoir, c'est qu’on n’a pas besoin d'avoir un surplus de poids pour combattre Balla Gaye 2. Il fallait s'arrêter à 120 ou 125 kilos. C'est au Sénégal seulement qu'on voit quelqu'un avoir 130 kilos et avoir des difficultés, mais ça demande un travail colossal pour ne pas s'en rendre compte. On lui a enlevé tout ce qui est gras pour qu'il puisse avoir des muscles bien définis.On a beaucoup appris de nos derniers combats, donc il fallait s'y préparer parce quand on a pris ce combat, on avait déjà un contrat avec Tapha Tine. C’est vrai qu'il y avait beaucoup de manquements lors de nos dernières sorties mais on a appris de nos erreurs.On a d'autres coachs qui ont participé à ce travail extraordinaire. Nous en profitons pour les remercier.
Tactiquement aussi, il y avait du travail à faire n’est-ce pas ?
Heureusement que ce combat a eu cette issue, mais si le combat avait plus duré, les gens auraient vu d'autres choses encore plus exceptionnelles. On s'était préparé à tous les scénarios. Par exemple, si Balla Gaye avait décidé de se contenir, on avait une clé pour en finir avec lui. Les gens ont beaucoup parlé de la passivité de Boy Niang, mais ce qu'ils ne savent pas, c'est que c'est un fin stratège. Il est souvent dans les actions continues pour trouver une méthode pour terrasser son adversaire. On ne peut pas préparer un combat pendant un an et le vendanger en une minute le jour j. On a utilisé des stratégies de communication et Balla Gaye, en tant que champion, n’a pas voulu se laisser marcher dessus. On a soufflé le chaud pour utiliser le froid en fait. On ne pouvait pas étaler notre stratégie.
Vous voulez dire que vous l'avez amadoué lors des échanges ?
Oui justement, on a fait trois face-à-face et on savait que Balla Gaye n'aime pas qu'on l'attaque. C'est un lutteur orgueilleux, mais aussi très courageux. Il n'aime pas qu'on le compare parce que c'est quand même un grand champion. C'est pour ça qu'on a utilisé ses faiblesses ; même s'il n'a pas répondu sur le coup, il avait certainement mal et avait envie de se venger. On a vendu le combat mais on savait aussi par ailleurs que Balla Gaye avait retenu tout ce que Boy Niang lui a dit et qu’il en ferait une arme pour ce combat. Il fallait donc mettre une stratégie différente de ce qu'on a montré avant le combat. Et voilà, le combat n'a même pas duré 5 minutes. Il faut tromper son adversaire pour le terrasser. Boy Niang a suivi toutes les instructions, ce qui lui a valu cette belle victoire. On ne peut que le féliciter.
C’est ce qui explique cette «bunkerisation» de Boy Niang avant le combat ?
Oui, c'est vrai. Il fallait le faire, parce que c'est tout ce que le combat nous exigeait. Ce n'est pas une simple affaire de faire face à Balla Gaye 2. Il fallait travailler loin de tout et des yeux, mais aussi et surtout savoir qui fréquenter et où aller exactement. Il nous fallait des hommes de défi et d'honneur pour pouvoir protéger le jeune. Balla Gaye peut même avoir des supporters chez son adversaire. On a donc donné à ce combat toute son importance. On y a mis les moyens tant pour le coaching, mais aussi pour les proches compagnons. La victoire seule suffit, elle est plus importante que l'argent. Balla Gaye n'est pas l'objectif de Boy Niang, mais il fallait passer par lui, parce que personne ne pourra plus refuser Boy Niang après cette victoire. La preuve, les gens sont en train d'oublier les deux dernières défaites de Boy Niang. Le sport de combat favorise les plus jeunes. En anatomie, il est dit qu'un sportif qui a fait 20 ans peut être déclassé par un jeune qui n'a pas encore pris toutes ses formes. Il fallait avoir plus de fraîcheur. Le plus jeune a gagné parce qu'il est plus en forme physiquement et plus motivé. Le plus dur, ce n'est pas de rejoindre le sommet, mais plutôt d'y rester. On va continuer notre chemin qui nous mènera au sommet.
Que pouvez-vous nous dire de l’aspect technique du combat ?
Balla a buté sur un jeune lutteur très technique et tactiquement bien formé. Il a affronté un bon lutteur. Pour en revenir au combat, quand il a pris le pied de Boy Niang, ce dernier a reculé en laissant ses mains au-dessus de lui. Boy Niang a ensuite sorti la tête de Balla qu'il avait mis en cale sur son abdomen. Il a pris son ngimb avant de faire une prise. En ce moment, Balla avait aussi pris son ngimb. Boy Niang a fait une rotation pour s'en défaire. Balla a été surpris de voir le jeune toujours debout et le haut de son corps au-dessus du sien. Boy Niang l’a accompagné avec une plaque et par la force il devait céder parce que Boy Niang lui avait imposé tout son poids. C'est ce qui a amené la chute.
Le mystique aussi était très important pour vous ?
On a eu une victoire purement sportive, il y avait plus de technique dans ce combat. Et mon poulain a usé de technique. Maintenant, il faut le reconnaître, il y a une commission mystique qui est différente de la commission technique et eux aussi ont fait le travail qu'il fallait.
Pourquoi n'avez-vous pas voulu que Boy Niang soulève Balla Gaye après le combat ?
La lutte est un sport particulier. Le mystique y a une grande part. On ne peut pas le minimiser. Si vous vous rappelez quand Balla Gaye 2 a terrassé Yekini, son homonyme Balla Gaye 1 lui a demandé de ne pas le soulever. On ne peut pas agir n'importe comment quand on a ce quelque chose que tout le monde cherche et que même ton adversaire pouvait avoir. Un lutteur ne doit pas terrasser un autre lutteur et le soulever. On connaît les réalités de la lutte. Il y a certes l'aspect sportif qui est très important mais il faut aussi considérer les autres aspects. On ne peut pas se limiter seulement à entraîner un lutteur, il faut une plus grande imprégnation dans ce monde mystique. Je n'accepterai jamais que mon poulain le fasse.
Quel avenir prédisez-vous à Boy Niang après cet exploit ?
Maintenant qu'on a réussi à atteindre le cercle restreint des VIP, on n'a pas à demander à lutter avec qui que ce soit. On attend les propositions. Personne ne peut plus nous refuser un combat, parce qu'il nous reste encore à faire.
Comme qui par exemple ?
Je ne citerai pas de nom. On a lutté contre Tapha Tine et il y a eu un litige. On pourrait retenter Tapha Tine. On a aussi vu ce qui s'est passé avec Lac de Guiers. Il y a aussi Modou Lô qui détient l'avance de Ama Baldé, mais le problème qui se pose, c'est qu’administrativement on les a libérés temporairement. En tout cas, pour l’instant, Boy Niang n'est pas demandeur. On n’attend que des propositions logiques, mais pour l'instant on ne pointe le doigt sur personne. On n’est plus à l'ère des demandes.
Comment appréciez-vous le geste de Balla Gaye qui a félicité Boy Niang après le combat ?
C'est ça l'esprit sportif. Balla Gaye est un grand monsieur. Son geste prouve sa grandeur. Il sait que Boy Niang est un jeune-frère et que c'était logique que Boy Niang le terrasse. Balla a fait bouger les plus grands lutteurs de l'arène sénégalaise. C'est normal qu'il agisse comme ça. De plus, il n'était pas obligé de combattre contre Boy Niang. Il fait partie de ceux qui ont révolutionné la lutte. On l'encourage, ainsi que son frère Malal, Aziz Ndiaye et tout son staff. On reste parents et la vie continue. Comme le dit Boy Niang : «Bu jeexee, jeexna».
Et Balla comment vous voyez son avenir ?
Je ne suis pas d'accord avec ceux qui disent que Balla Gaye doit arrêter la lutte. Il a encore des choses à faire dans cette arène. Il n'en a pas encore fini. C'est un grand champion. Il pouvait refuser d'offrir cette chance à son petit-frère Boy Niang 2. C'est le lutteur le plus aimé du Sénégal et celui que tous les jeunes lutteurs rêvent d'affronter. C'est difficile de parler de lui. Balla est un grand champion, il doit juste aller se retaper pour bien revenir. Tout le reste n'est que détail. Les Sénégalais ne savent pas perdre. Balla Gaye a donné tellement de joie dans ce pays que je trouve qu'une seule défaite ne doit pas pousser les gens à le dénigrer. Les gens doivent se rappeler de ses victoires sur Yekini ou encore sur Tyson.C'est important d'avoir l'entourage qui a été là du début jusqu'à ses beaux jours. Il fallait s'entraider. Il est important d'avoir de la reconnaissance pour les gens qui nous accompagnent. Il faut qu'il revoie son entourage. Il ne faut pas le décourager. Il a beaucoup travaillé pour ce combat. Je suis sûr qu'il peut faire encore mieux.