La pleiniere de l’Assemblee nationale va examiner ce matin la proposition de loi portant Règlement intérieur de l’Assemblee nationale. Un texte qui va normalement être adopté à l’unanimité, puisque porté par toutes les sensibilités du parlement. Néanmoins, il n’est pas exempt de reproches, si l’on en croit Alioune Souaré, ancien député et expert parlementaire. Analysant le nouveau règlement, ce dernier y relève beaucoup de manquements.
Dans la nouvelle charte qui régit les actions de l’Assemblee nationale, on a renforcé les pouvoirs de la commission d’enquête parlementaire. Désormais, le président de l’Assemblee nationale peut contraindre toute personne convoquée à venir répondre, comme le stipule l’article 56 à son deuxième alinéa : «les personnes convoquées pour audition devant une commission d’enquête ont l’obligation de déférer à celle-ci, sous peine des sanctions prévues par le Code pénal. Le président de l’Assemblée nationale peut requérir la force armée et toutes les autorités dont il juge le concours nécessaire, selon la procédure prévue à l’alinéa 2 de l’article 62 du présent Règlement intérieur».
«Ils semblent oublier que seul un juge peut demander un mandat d’amener»
Selon Alioune Souaré les députés font un amalgame, parce que l’article 62 en question parle de «sûreté intérieure de l’Assemblée nationale». Pour lui, la prérogative du président de l’Assemblée à saisir la «force armée et toute autre autorité dont il juge le concours nécessaire» se limite à l’enceinte de l’hémicycle, puisque l’article en question parle de la «sûreté intérieure de l’Assemblée nationale». Selon l’ancien député, cette prerogative que le nouveau règlement intérieur veut conférer au président de l’Assemblée est semblable au mandat d’amener dans le code de procédure pénale que seul le juge peut appliquer avec le concours du procureur. L’expert parlementaire suggère donc aux députés de modifier l’article 97 du code de procédure pénale pour permettre au president de l’Assemblée nationale de saisir les forces de l’ordre pour contraindre toute personne convoquée par la commission d’enquête à lui repondre.
«L’Assemblée n’a pas la prerogative de convoquer un magistrat»
Un autre point qui a attiré son attention, toujours dans l’article 56, c’est son alinéa 5 : «lorsque la commission d’enquête souhaite entendre des magistrats en service, elle sollicite l’autorisation du ministre de la Justice». Alioune Souaré souligne que les missions dévolues à l’Assemblée nationale se limitent au vote des lois et au contrôle de l’action du gouvernement. Il n’y a aucune disposition qui permet à l’Assemblée nationale de s’immiscer dans les actions du pouvoir judiciaire en convoquant un magistrat en fonction qui, tout comme les députés, est protégé par sa fonction. Rappelant l’affaire de la commission d’enquête parlementaire dans l’affaire de la candidature de Karim Wade à la dernière présidentielle, Alioune Souaré assure que l’Assemblée risque de se heurter au même mur que la dernière fois en voulant entendre un magistrat.
«Programmer les questions d’actualité au gouvernement par trimestre est un recul démocratique»
Sur un autre registre, l’ancien député signale que les modifications du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ont aussi touché le planning des questions d’actualité au gouvernement. Selon M. Souaré, avant, c’était un jour au moins par mois qui était réservé aux questions d’actualité au gouvernement, mais maintenant, c’est «un jour, au moins, par trimestre est réservé aux questions d’actualité au Gouvernement» : un véritable recul démocratique.
«Le règlement intérieur traîne encore beaucoup de lacunes»
A en croire l’expert parlementaire, le règlement intérieur comporte toujours des lacunes. Par exemple, seule l’Assemblée nationale est habilitée à faire une déclaration de guerre comme le stipule l’article 70 de la Constitution, mais ce règlement intérieur n’a prevu aucune procédure pour ce scénario, c’est un vide.
Ils n’ont pas aussi tiré les leçons de la crise de 1962. Les gens ont toujours posé, d’après Souaré, la valeur juridique de la Motion de censure qui a été votée chez Lamine Guèye. «Si l’Assemblée nationale avait un incendie ou un quelconque sinistre, et que le bâtiment soit impraticable, il n’y a aucune disposition qui permet aux députés de délocaliser les travaux».
Poursuivant, l’ancien député souligne aussi que le nouveau règlement intérieur de l’Assemblée nationale aurait pu prendre en compte les dispositions de l’article 62 de la Constitution qui fixe son ossature en précisant le nombre de députés comme demandé dans ledit article.
«Les députés auraient pu évaluer la pertinence d’avoir 8 vice-présidents et 14 commissions permanentes»
Pour lui, cette révision du règlement intérieur était l’occasion pour les députés d’évaluer la pertinence d’avoir 8 vice-présidents et leur efficacité si les textes n’imposent que la présence de deux vice-présidents seulement pour la tenue d’une pleiniere.
Il abonde dans le même sens concernant les 14 commissions permanentes. A en croire l’ancien député, au niveau de l’espace francophone, nous avons 90 Assemblées. Le Sénégal, sur 165 députés, a 14 commissions permanentes, pendant que la France qui en compte 577 n’a que 8 commissions permanentes. idem pour la Côte d’Ivoire qui, avec ses 255 députés, n’a que 8 commissions.
Nd. Kh. D. F