Acculé, mis en difficulté par le député Cheikh Mbacké Bara Dolli, le ministre des Affaires étrangères a perdu, hier, la langue, à l’Assemblée nationale. Me Sidiki Kaba a refusé de se prononcer sur les affaires Karim Wade et Khalifa Sall, qui mettent en cause ses positions d’ancien ministre de la Justice.
Passé du poste de ministre de la Justice à celui de ministre des Affaires étrangères, Sidiki Kaba pensait pouvoir se tirer des griffes des députés. Mais, c’était sans compter avec le président du Groupe parlementaire «Liberté et Démocratie», Cheikh Mbacké Bara Dolli. Venu défendre le projet du budget des Affaires étrangères, Sidiki Kaba a été rattrapé par ses positions d’hier sur les affaires Karim Wade et Khalifa Sall. En effet, tout puissant garde des Sceaux, Sidiki Kaba avait des positions tranchées. «Karim Wade n’a pas perdu ses droits civiques et politiques», disait-il avec force conviction. Maintenant que le candidat du Parti démocratique sénégalais (Pds) a été interdit de s’inscrire sur les listes électorales, malgré la grâce obtenue, le député de Touba interpelle et demande à l’ancien garde des Sceaux d’éclairer la lanterne des Sénégalais.
Sidiki Kaba ne s’était pas encore remis de cette gifle à la figure que le député évoqua, aussitôt, l’affaire Khalifa Sall. La salle est refroidie. Les députés de l’opposition et les non-inscrits saluent le courage de Bara Dolli. Ceux d’en face restent aphones. Mais, qu’à cela ne tienne. «Vous aviez dit aussi que Khalifa Sall n’avait pas d’immunité parlementaire, alors qu’il était élu député», revient-il à la charge. La suite est connue. L’immunité de l’ancien maire de Dakar sera levée, sous le magistère de Ismaïla Madior Fall. Dans le box du gouvernement, la gêne est perceptible. On se demande sûrement comment il a pu. Mais Bara Dolli ne s’arrête pas en si bon chemin. Il demande à Sidiki Kaba si, après tout ce qui s’en est suivi, il devait toujours rester dans le même gouvernement.
Tout comme lui, Marie Sow Ndiaye a embouché la même trompette s’agissant des décisions des juridictions étrangères. «Quelle sera l’attitude du Sénégal face à ces arrêts rendus par les juridictions étrangères dans les affaires Karim Wade et Khalifa Sall ?», a-t-elle interrogé.
Oubli ou omission volontaire
Dans ses réponses, Sidiki Kaba a fait fi de ces interpellations. Oubli ou omission volontaire ? C’est selon. Mais le ministre des Affaires étrangères a, et comme par enchantement, éludé ces questions brûlantes qui remettent en cause ses convictions passées. Pourtant, personne, pas même le député-interpellateur, n’est revenu à la charge. Pour une seconde prise de parole et l’obliger à apporter des réponses. Le ministre des Affaires étrangères se limita aux généralités. «Le Sénégal croit à la diplomatie de bon voisinage. C’est la ceinture de sécurité. Nous ne pouvons pas changer la géographie. La Gambie, la Guinée et la Mauritanie sont nos voisins. Nous sommes condamnés à nous entendre avec eux», a-t-il déclaré, en réponse à une interpellation quant à la bonne entente entre voisins immédiats. Aussi, s’est-il prononcé sur le meurtre de Sénégalais de l’extérieur. Pour lui, le gouvernement prendra toutes les dispositions pour protéger les compatriotes établis à l’étranger.
Le projet de budget 2019 du ministère des Affaires étrangères a été arrêté à la somme de 61.004.444.250 de francs Cfa, contre 60.777.735.560 de francs en 2018, soit une hausse de 226.708.690 francs en valeur absolue.
Albino MANTANE
TOUSSAINT MANGA SUR LA QUESTION DES VISAS
«La France nous manque de respect en refusant…»
Le passage à l’Assemblée nationale de Sidiki Kaba, hier, n’a pas été un long fleuve tranquille. Et pour cause, après le député Cheikh Mbacké Bara Dolli, c’est au tour de son collègue, Toussaint Manga, de catapulter le ministre des Affaires étrangères dans les cordes. «Il est inconcevable que des prêtres et religieux de nos différentes confréries puissent rencontrer des difficultés pour voyager. Le ministre des Affaires étrangères doit collaborer avec toutes les familles religieuses pour éviter à nos hommes de Dieu les multiples tracasseries et les lenteurs administratives dans les ambassades», a-t-il fait remarquer. Selon lui, si les parents, amis et proches d’un membre influent du pouvoir obtiennent sans difficulté majeure le visa ou le passeport diplomatique, abandonner nos dignitaires religieux à leur sort, au moment de trouver des titres de voyage, n’est pas élégant. «J’estime que les prêtres et les religieux méritent plus le passeport diplomatique que beaucoup de concitoyens, du simple fait qu’ils sont amis, proches et parents d’un membre influent du gouvernement», a-t-il asséné à nouveau.
Tranchant et percutant à la fois, Toussaint Manga interroge Sidiki Kaba sur la question de la demande de visas des étudiants en direction de la France. Il va jusqu’à estimer que le délai de 50 voire 60 jours, imposé par la France pour obtenir le fameux sésame et le non remboursement des frais de visa, c’est un «manque de respect» surtout aux détenteurs de passeports diplomatiques.
A sa suite, Cheikh Bamba Dièye est revenu sur les décisions judicaires à l’étranger, concernant les affaires Karim Wade et Khalifa Sall. «On parle des Nations-Unies, pas d’adversaires ni de ciblage. C’est le droit qui est dit. Il n’y a pas deux droits ni deux justices. C’est le bon sens qui est appliqué. A l’intérieur du pays, au sein de nos juridictions, des citoyens ont perdu la bataille judiciaire. Mais il suffit qu’on sorte d’1mm du Sénégal, pour que ces décisions rendues soient remises en cause par les juridictions internationales. On ne peut soustraire notre pays de l’espace mondial. Le Sénégal ratifie les conventions internationales, mais ne respecte rien. Surtout quand il s’agit d’enjeux politiques», a déploré le député de «Mankoo Taxawu Senegaal».
Aymérou Gningue égratigne Ousmane Sonko
Mais Aymérou Gningue est monté au créneau. Fustigeant les reproches faits au gouvernement le président du Groupe parlementaire Bby égratigne, sans le citer, son collègue Ousmane Sonko. «J’ai appris un candidat à la candidature dire que s’il est élu président, le Sénégal sort du F Cfa. Il ne connait pas l’histoire. Il ne sait pas pourquoi nous utilisons le F Cfa», a-t-il réagi.
Cependant, pour Sidiki Kaba, il n’y a pas de discriminations entre les confréries et les religions. «Catholiques comme musulmans voyagent dans les mêmes conditions aux lieux saints», a-t-il rétorqué, tout en éludant la question relative aux visas. Et à l’exigence de la France de visas aux détenteurs de passeports diplomatiques. Mais surtout, au délai de rigueur pour l’obtention du précieux sésame et les frais non-remboursables en cas de refus de visa. Pour les meurtres de Sénégalais à l’étranger, Sidiki Kaba a indiqué que tout se fait en collaboration avec les autorités des pays d’accueil.
Albino MANTANE