Le ministre de l’Éducation nationale a déclaré, hier, à l’Assemblée nationale du Sénégal, que Me Abdoulaye Wade a plus créé des salles de classe qu’il n’a construit d’écoles. Serigne Mbaye Thiam défendait son projet de budget devant les parlementaires.
«Quand on veut comparer deux fractions, il faut les réduire au même dénominateur commun. Sinon, vous risquez de confondre Angleterre et pomme de terre», a rétorqué, avec humour, le ministre de l’Éducation nationale, à l’interpellation du président du Groupe parlementaire «Liberté et Démocratie». Une boutade qui a plongé l’Assemblée nationale dans un fou-rire. En effet, chiffres à l’appui, Serigne Cheikh Bara Dolly a comparé les réalisations dans le système éducatif entre les régimes socialiste et libéral. Pour lui, c’est un manque de reconnaissance à Me Abdoulaye Wade, après tout ce qu’il a fait, en 12 ans, dans le domaine de l’éducation nationale. Mais Serigne Mbaye Thiam ne s’est pas fait piéger. Socialiste de lait et de sang, travaillant dans un gouvernement libéral, le ministre de l’Éducation nationale donne des explications de cet état de fait. «Les réalités éducatives du temps des socialistes ne sont pas les mêmes aujourd’hui. Et n’ont pas été les mêmes du temps de Wade qui, elles-mêmes, ne seront pas celles de demain», a-t-il coupé l’herbe sous les pieds du député de Mbacké. «En 2030, le Sénégal aura besoin de 141.000 enseignants et aura 6.432.000 élèves contre 3.600.000 actuellement». Des applaudissements nourris fusent à nouveau dans la salle.
Toutefois, ce satisfecit du travail de Serigne Mbaye Thiam salué par les députés Djimo Souaré, Soro Sow ou Aymérou Gningue n’agrée pas Cheikh Bamba Dièye, Marie Sow Ndiaye, Serigne Mbacké Bara Dolly et Toussaint Manga. Ils ont dressé un tableau sombre du secteur de l’Éducation nationale. «Pour une éducation de qualité, il faut qu’il y ait d’abord dialogue entre les acteurs. Les inspecteurs de l’éducation sont à leur 14e et 15e plan d’action suivis d’une marche et jusque-là, rien n’est fait», a insisté la députée libérale.
Decroix : «Macky ne descend ni de la planète Jupiter ni de Mars»
A sa suite, Mamadou Diop Decroix attaque. Et il est contre ses collègues qui affirment que l’actuel président de la République a fait mieux que Wade dans le monde de l’éducation. «Je voudrais dire à la majorité avec (m) minuscule, Macky Sall ne descend ni de la planète Jupiter ni de Mars», a-t-il tiré.
Serigne Mbaye Thiam : «Je préfère un enfant dans un abri provisoire que dans la rue»
Le ministre de l’Éducation nationale a aussi été interpellé sur le nombre important d’abris provisoires disséminés à travers le pays. «Je préfère un enfant dans un abri provisoire que dans la rue. Mais l’abri provisoire reste un abri provisoire. Il ne peut durer des années», a-t-il souligné, avant de poursuivre : «Abdoulaye Wade a laissé plus de classes en lamelles de bambou et de tiges de mil que d’écoles construites», a égratigné Serigne Mbaye Thiam, expliquant que même si l’ancien chef de l’État a multiplié le nombre d’écoles, elles sont plutôt en abris.
Toussaint Manga a pris le contre-pied de ses collègues qui croient que l’école marche. «L’école ne marche pas. Je suis étonné d’entendre des collègues dire que tout marche. Le taux de réussite de l’école sénégalaise, fixé à 80%, se retrouve à 35% et on dit que l’école publique marche. Non. L’école sénégalaise ne marche pas», a appuyé Toussaint Manga qui, fustigeant les bourses de solidarité familiale, a estimé que celles-ci auraient pu régler certaines questions du secteur de l’éducation. Mieux, il a proposé «l’école obligatoire jusqu’à 16 ans». Même son de cloche pour son collègue Cheikh Bamba Dièye. «Une école de qualité va de pair avec des conditions de vie et d’études scolaires meilleures», a conclu le député non-inscrit. Le projet de budget du ministère de l’Éducation nationale a été arrêté en 2019 à la somme de 476 milliards 940 millions francs contre 413 milliards 042 millions francs en 2018.
Albino MANTANE