Le chef de l’Etat a pris la décision de reporter au mois de décembre 2019 les élections locales, qui étaient prévues en juin 2019. Pour certains acteurs politiques, ce report est une aberration de plus que le Président Macky Sall ne s’est pas gêné d’infliger à la classe politique.
C’est à travers le quotidien national «le Soleil» que l’annonce a été faite. Les élections locales vont être reportées jusqu’en décembre 2019. Initialement prévues le 23 juin 2019, elles ont été repoussées au 1er décembre de la même année, soit un report de six mois. Les causes avancées pour ce report sont notamment la coïncidence entre les investitures pour les locales avec la campagne électorale de la présidentielle 2019, et celle du dépôt des listes, fixé au 2 avril 2019, avec la prestation de serment du futur Président élu. Il y a aussi les raisons liées à l’hivernage et les cérémonies religieuses. Néanmoins, cette décision du Président Macky n’agrée point les opposants, qui dénoncent un forcing à cause de l’absence de concertation sur ce point.
Thierno Bocoum : «le Président Sall développe un réflexe de monarque»
Pour Thierno Bocoum, ce report est source d’instabilité. «Le Président Macky Sall est en train de révéler un état d’esprit dangereux pour la stabilité du pays. S’il se permet de reporter des élections sans concertation avec la classe politique et sans même annoncer sa volonté d’aller vers un report au peuple sénégalais qui l’a élu et qui est concerné au premier chef, c’est parce que vraiment, il se croit en terrain conquis», déplore le président de Agir. Selon M. Bocoum, le Président Sall développe un réflexe de monarque et c’est dangereux.
«Au-delà de l’opposition, c’est la population dans son entièreté et sa diversité qui doit s’inquiéter de son comportement et agir en conséquence», dénonce Thierno Bocoum.
Fatoumata Gassama Fall : «je ne suis plus choquée par aucune de ses décisions, il a atteint le summum du forcing depuis longtemps»
Selon la chargée de communication du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël, le Président Sall ne cesse de prouver aux Sénégalais sa suffisance. «Cette décision est anormale. Comment peut-il décider du report des élections locales sans en avoir discuté avec aucun acteur politique ? Même les maires qui sont directement concernés n’ont pas été consultés ou avertis. Il n’a pas agi en démocrate, mais de toute façon on a l’habitude de ses forcing», regrette Fatoumata Gassama Fall, avant d’enchainer : «l’opposition a assez à faire avec cette loi sur le parrainage qu’il nous a imposée, comme à son habitude. Notre objectif principal, c’est de le battre lors des prochaines présidentielles. S’il n’est plus président de la République du Sénégal, il n’aura plus les prérogatives de reporter quoi que ce soit», balance Mme Fall.
Cheikh Dieng : «la décence républicaine aurait voulu qu’il associe les acteurs concernés par la question à la décision de ce report»
D’après le maire de Djeddah Thiaroye Kao, l’opposition sénégalaise est habituée au forcing du chef de l’Etat «On est tellement habitué à la démarche cavalière du Présidait Sall que rien de ce qu’il fait ne nous choque plus. En fait, ce n’est pas élégant. Même si la loi le lui permet, il aurait dû consulter non seulement les acteurs politiques, mais aussi la société civile pour déterminer la pertinence de ce report», affirme Cheikh Dieng.
Pour le responsable libéral, le report en soi n’est pas mauvais, mais c’est la manière dont le chef de l’Etat a procédé qui froisse. «C’est vrai qu’il soit défait ou pas, les élections locales mériteraient d’être reportées parce qu’aucun nouveau gouvernement ne pourrait organiser en trois mois des élections locales transparentes et fiables. Je me demande même si le mois de décembre qu’il a choisi serait le bon moment, puisqu’il y a beaucoup de facteurs à prendre en compte, mais, malheureusement, comme à son habitude, le Président Sall croit qu’il a tous les droits d’agir au nom des Sénégalais, sans avoir de compte à rendre à qui que ce soit. La décence républicaine aurait voulu qu’il associe ne serait-ce que l’Association des maires, les services de la décentralisation, aux réflexions».
Cheikh Omar Sy : « ce n’est pas normal que les acteurs politiques apprennent la nouvelle à travers la presse»
Embouchant la même trompette, Cheikh Oumar Sy pense que la classe politique aurait dû être associée à la prise d’une décision si importante. «Nous l’avons appris à travers la presse, ce qui veut dire qu’il n’y a pas eu de concertation concernant le report des élections locales. L’idée même n’a jamais été avancée, donc s’il décide de reporter les échéances locales sans consulter qui que ce soit, cela ne peut être vu que d’un mauvais œil», se désole l’ancien député.
Ndèye Khady D. FALL