Après les réquisitions du Procureur général Lassana Diabé Siby, la défense «s’est fissurée». Si les avocats de Khalifa Sall n’ont pas compris que le Procureur général ne soit pas allé jusqu’au bout de sa logique –certains soupçonnant même la volonté de l’Etat de maintenir Khalifa Sall en prison et de libérer les autres-, les conseils de Mbaye Touré et Yaya Bodian, eux ont failli danser la salsa dans la salle.
A la suite du réquisitoire du Procureur général, les avocats de Khalifa Sall ont failli applaudir. Seulement, ils estiment que le représentant du ministère public n’est pas allé au bout de sa logique. En effet, Lassana Diabé Siby a sollicité que la Cour d’appel retienne le réquisitoire introductif du procureur de la République et tout ce qui suit. Par ailleurs, Lassana Diabé a reconnu que l’autorité de la chose jugée, acquise par l’exception portant sur la violation au droit à l’assistance, ne concerne seulement que Khalifa Sall, mais pas Mbaye Touré et Yaya Bodian.
Me Issa Diop : «l’on cherche peut-être à libérer les autres et à retenir Khalifa Sall»
Toutes choses qui ont fini d’étonner les avocats de la défense. Ce qui a fait d’ailleurs dire à Me Issa Diop que «l’on cherche peut-être à libérer les autres et à retenir Khalifa Sall». Interprétant les réquisitions du Procureur général, Me Doudou Ndoye a fait savoir à la Cour qu’on «ne doit pas changer le cours de notre justice» et qu’il faut oublier qu’il s’agit de Khalifa Sall. «Si vous annulez, l’ensemble des décisions et des procédures doivent être annulées. C’est cela la justice», a pesté Me Ndoye. Pour lui, si on élimine les procès-verbaux, il ne reste que le rapport de l’Inspection générale d’Etat qui ne vise rien.
Me Khassimou Touré : «l’Ige est un corps qui reçoit des directives de la Présidence et son rapport n’est pas déclassifié»
Selon Me Khassimou Touré, le rapport de l’Ige est jusqu’à aujourd’hui confidentiel, puisqu’il n’a pas encore été déclassifié pour pouvoir atterrir entre les mains du procureur de la République, rejoignant ainsi son confrère Me Demba Ciré Bathily. Mieux, à en croire Me Touré, l’Ige est un corps qui dépend de la Présidence, elle n’est donc pas indépendante, parce qu’elle reçoit des directives. Il s’y ajoute, selon la robe noire, que dans son ordonnance de renvoi, le Doyen des juges d’instruction a beaucoup fait état du procès-verbal d’enquête préliminaire. Il a ainsi demandé à la Cour d’annuler tous les actes, d’ordonner la mainlevée du mandat de dépôt concernant Mbaye Touré.
S’agissant, par ailleurs, du droit à l’assistance d’un conseil, les avocats du maire de Dakar ont estimé que le Procureur général ne peut pas dire qu’en ce qui concerne Khalifa Sall, il y a l’autorité de la chose jugée. La Chambre d’accusation n’est que le deuxième degré d’instruction et elle n’a d’autorité que sur le juge d’instruction.
Selon Me Seydou Diagne, la Chambre d’accusation a rendu plusieurs arrêts à la suite des requêtes qu’ils ont déposées. L’avocat de se demander pourquoi leurs contradicteurs se focalisent sur le droit à l’assistance. Me Diagne a, par ailleurs, brandi un arrêt de la Chambre d’accusation portant sur le recours par rapport au refus du Doyen du juge d’instruction d’ordonner une expertise au motif qu’il a bouclé. A l’en croire, dans l’un de ses considérants, la Chambre d’accusation s’est déclarée incompétente et les a renvoyés devant la juridiction correctionnelle, tout en leur précisant qu’ils pourront y plaider toutes les exceptions. «On ne peut pas nous dire aujourd’hui que l’arrêt a acquis l’autorité de la chose jugée», a fustigé la robe noire.
Les avocats de Mbaye Touré et de Yaya Bodian applaudissent
Pour les avocats de Mbaye Touré et de Yaya Bodian, en tout cas, cette remarque du Procureur général vient à son heure. «Je me réjouis que le Procureur général reconnaisse enfin que le sort de Yaya Bodian n’est pas remorqué à celui de Khalifa Sall», a soutenu Me Emmanuel Padonou, qui poursuit : «la déchéance qu’avait connue le pourvoi de Khalifa Sall devant la Cour suprême ne peut pas s’étendre aux autres. Mais, le Procureur général n’est pas allé au-delà parce que les violations des droits fondamentaux ne s’arrêtent pas au règlement 5. Il y a la violation du droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence. Comment allons-nous réparer ces violations-là ?», s’est interrogée la robe noire.
Outre le droit à l’assistance d’un conseil, les avocats de la défense ont ainsi soulevé la violation de l’article 181, qui leur donne le droit de faire un recours. Or le juge d’instruction avait «passé outre leur droit», selon Me François Sarr, en clôturant l’instruction alors qu’il avait fait appel sur son refus de désigner un expert. La défense s’est ainsi étonnée que ni le Procureur général, ni les avocats de l’Etat ne veuillent parler de cette violation. En somme, ils ont demandé au juge Demba Kandji de recevoir leurs exceptions et d’annuler la procédure. Le juge rendra sa décision aujourd’hui.
Alassane DRAME