
La récente vague de nominations à la tête des hôpitaux publics suscite une vive indignation chez les professionnels de la santé. La Fédération nationale des travailleurs de la santé et de l’action sociale dénonce une gestion «partisane et opaque» des postes stratégiques, pointant du doigt un favoritisme politique au détriment de la compétence et de l’expérience.
Au lendemain de la nomination de nouveaux Directeurs généraux dans plusieurs structures sanitaires du pays, la réaction de la Fédération nationale des travailleurs de la santé et de l’action sociale ne s’est pas fait attendre. Son secrétaire général est monté au créneau, dénonçant une opération de casting qui, selon lui, sacrifie la compétence sur l’autel du clientélisme politique. «C’est décevant et surprenant. On a l’impression de retourner en arrière», déplore le porte-parole de la Fédération, Cheikh Seck, d’un ton ferme. Dans le viseur, des nominations jugées peu transparentes, souvent sans référence aux matricules de solde des intéressés, ce qui laisse supposer que bon nombre des nouveaux directeurs ne sont même pas fonctionnaires. «Cela signifie qu’ils signeront des contrats spéciaux et seront payés comme des contractuels, pendant que des centaines de cadres qualifiés et expérimentés, déjà dans le circuit, sont écartés», poursuit Seck.
Le décret 2018-1430, qui encadre l’accès aux fonctions d’administrateur des structures hospitalières, est, selon la fédération, tout simplement ignoré. Ce texte exige en effet un Diplôme d’études spécialisées (Des) en gestion hospitalière ou en économie de la santé délivré par la Faseg (faculté des sciences économiques et de gestion). Or, la majorité des personnes récemment nommées n’en seraient pas titulaires. Pire, certains seraient encore en cours de spécialisation ou auraient simplement contourné les exigences légales, accuse le syndicaliste.
La majorité des nouveaux directeurs sont des proches de Pastef
Des exemples concrets sont cités avec insistance. À Tivaouane, un hôpital de niveau 3, c’est un pharmacien libéral, sans expérience dans une structure sanitaire publique, qui prend les commandes. À l’hôpital Aristide Le Dantec, c’est un gynécologue, connu pour son cabinet privé à Mbao, qui est propulsé à la tête d’un des établissements les plus emblématiques du pays. «On ne peut pas confier un poste stratégique à quelqu’un qui découvre l’hôpital public», tonne le porte-parole.
Au-delà des profils contestés, c’est la coloration politique de ces nominations qui fait bondir les professionnels. «La majorité des nouveaux directeurs sont des proches du parti Pastef. Il suffit d’être dans un groupe WhatsApp pour se prétendre cadre du parti et obtenir un poste», accuse-t-il, amer.
La comparaison avec d’autres secteurs est tranchante : «personne ne confierait une brigade de gendarmerie à un agent de sécurité privé, ni un lycée public à un enseignant du privé. Pourquoi le faire dans la santé ?», s’interroge-t-il. À ses yeux, cette politique de nominations jette l’opprobre sur un secteur vital, fragilise la motivation du personnel, et génère frustration et ressentiment.
La fédération promet de ne pas rester les bras croisés. Un plan d’action sera annoncé mardi prochain, lors d’une conférence de presse. «Ce qu’on n’a pas accepté sous Wade ou Macky, on ne le permettra pas sous Diomaye. Que cela soit bien clair», avertit-il, sans détour. Pour les travailleurs de la santé, cette série de nominations n’est pas seulement une erreur de casting : c’est une remise en cause de leur engagement, de leur formation et de leur place dans le système public. Le bras de fer ne fait que commencer.
Baye Modou SARR